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torrent formant un coude à peu de distance en avant du pont.

Le lieu était parfaitement solitaire, mystérieux, fermé aux regards, le bois était épais, nul bruit autre que celui des eaux vives, clapotantes, des oiseaux et des insectes ; je me déshabillai, m’assis au soleil, séchai ma sueur, puis je trempai le bout de mes pieds dans la petite rivière pour connaître au préalable sa température, qui me parut d’abord glaciale ; je le retirai aussitôt rouge comme le plus beau corail ; combattant cette première impression désagréable, je m’accoutumai peu à peu au contact de l’onde et m’avançai au milieu du lit de la Promenthouse, marchant sur des cailloux roulés et n’ayant de l’eau que jusqu’à mi-corps, mais je sentais qu’il y eût eu péril pour la santé à rester immobile dans ce courant sans cesse renouvelé.

En le remontant je rencontrai d’abord une espèce de banc de sable, puis une dalle de rocher uni formant un bassin naturel, plus profond, baignoire commode, sans aspérités, au fond plane comme un plancher pratiqué sous des lianes chevelues et des rameaux entrelacés. Ce fut avec une volupté inexprimable, une impression délicieuse de bien-être que je me plongeai dans ce bassin, découvert sans doute par moi ; j’avais de l’eau jusqu’au cou et me suspendant à une grosse racine d’arbre placée là tout exprès pour me soutenir, je gambadais,