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J’ai été plus de trois jours à la torture pour expier mes gentils petits péchés parisiens, ou, si tu aimes mieux, en diligence, ce qui revient au même. Enfin, je puis marcher, me mouvoir, faire usage de mes articulations, je n’entends plus un bruit monotone et continu de roues, je ne respire plus la poussière des grandes routes, et je n’ai plus le plaisir de voir une femme de cinquante hivers pour le moins dormir la tête sur mon épaule, de sentir un gros monsieur m’écraser de sa rare corpulence.

Mon entrée en Suisse s’est effectuée par Pontarlier et l’âpre vallée de Joux où il y a un fort dominant les sapins et les nuages, une source intermittente au milieu d’un marécage, et de pauvres hameaux composés de basses cahutes en bois. Ce sont des contrées perdues, attristantes, empreintes d’une poésie morne et sauvage.

Je m’aperçus que j’étais sur terre vaudoise en voyant des volets bariolés de bandes traversales blanches et vertes ; nos voisins poussent le patriotisme jusqu’à barbouiller leurs portes et leurs fenêtres des couleurs nationales.

La vallée s’élargissait, s’abaissait, et un large horizon, ayant pour dernier plan les Alpes colossales, s’ouvrait devant moi. Ce village helvétique, le premier que l’on rencontre après Jougne, poste de douaniers et dernière bourgade française, se nomme Ballaigues (belles eaux