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vinces primitives se sont effacées pour toujours : on est du Dauphiné, mais on n’est plus Dauphinois, de la Bretagne, mais on n’est plus Breton... on est Français. Un seul pouvoir plane sur le pays, de Dunkerque à Perpignan, de La Rochelle à Colmar ; on peut dire : nation française, peuple français ; encore une fois, on ne peut pas dire : nation suisse, peuple suisse ; et si on le dit, c’est par une habitude vicieuse.

Les Suisses ont des intérêts divers, des croyances religieuses opposées pour lesquelles ils se passionnent comme s’ils vivaient en plein seizième siècle, des costumes et un langage différents : on voit que tout concourt à les désunir, à les séparer, à empêcher qu’il ne s’établisse à la place de cette confédération d’États un gouvernement unitaire, homogène et compacte.

La nécessité de la défense commune, le maintien de l’indépendance générale, un danger imminent peuvent seuls faire taire les discordes, les jalousies, les rancunes inter-cantonnales, les luttes confessionnelles, mais elles recommencent de plus belle dès que le péril est passé.

Le pacte fédéral n’est guère qu’un mythe, une lettre morte, et je serais peu surpris d’apprendre demain que le Valais se donne à la Sardaigne pour jouir en toute sécurité des bienfaits du jésuitisme ; — ce projet a déjà été sur le tapis.

À moins d’une révolution qui renverse à jamais les