Page:Alfred de Bougy - Le Tour du Léman.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et si vous vous chargez de m’en approvisionner, je tâcherai de le faire connaître à Paris.

— Vous direz à tout le monde qu’il a crû dans votre terre.

— Hélas ! je crains bien de n’avoir jamais en propriété que deux mètres de terre, tout au plus, et encore pour les avoir faudra-t-il que je sois mort, dis-je tristement.

— Laissez donc, s’écria Bron, on ne peut pas savoir l’avenir ; tel que vous me voyez, fils d’un simple vigneron je suis bourgeois de trois communes, eh ! eh ! — Cela fut dit d’un ton de satisfaction quelque peu vaniteuse. — De plus, j’ai un domaine d’un bon rapport et deux auberges bien achalandées à Aubonne.

Je pensai qu’il vaut mieux cultiver la vigne que les lettres, vendre du vin en feuillettes que du roman en feuilletons, — et tu penseras sans doute comme moi. — Je demandai à l’hôtellier combien coûterait un tonneau de son Bougy, il fit un calcul d’après les mesures de capacité du pays, qui sont le char, le pot de Berne..., et me dit :

— Ça vous reviendra à deux cents francs... comprenez-vous ?

Je fis un signe de tête affirmatif, et pourtant je n’avais rien compris du tout, je le jure.

Une certaine paresse du cerveau et la sotte honte d’avouer notre ignorance ou la lenteur de notre enten-