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courte distance et le ravin boisé que j’ai traversé hier à la brune en compagnie de la petite Marie. J’en ai pris le chemin et j’y suis arrivé bientôt.

C’est un lieu avenant, fort bien situé au-dessus d’un rideau de vignes d’où monte le bruit sec de la houe, je vois la promenade d’Aubonne et la ville bâtie comme l’étaient tous les bourgs fortifiés du moyen-âge.

Le nom de Lavigny a de la grâce et une distinction toute poétique. Le nom vaut l’endroit, l’endroit vaut le nom, chose assez rare et qui mérite d’être remarquée. Lavigny rappelle sans doute la vigne, les étymologies les moins alambiquées, les moins scientifiques, sont ordinairement les plus vraies. La gaillardise était la qualité saillante des anciens seigneurs de l’endroit, car leurs terres produisaient des vassales appétissantes et fraîches, des vins généreux, et leur manoir avait une exposition saine, chaude et délicieuse. Où sont les descendants de ces heureux gentilshommes, s’il en reste encore ? peut-être bien loin du berceau de leur race et encore plus loin de la condition des aïeux.


Un chat gris guette les oiseaux dans la vigne, au-dessous de la placette du village où je me suis arrêté ; les poules piaillent, les batteurs de blé fustigent les gerbes, j’entends une voix de marmot qui braille et une voix de mère qui dit en se grossissant : donnez-moi Ia verge !