Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/95

Cette page n’a pas encore été corrigée

1595

    1. MAHOMÉTISME##


MAHOMÉTISME, CHIISME OUTRÉ

ir, :. « ;

que nous avons vu énoncée plus haut. Les adversaires de la secte ont affecté de voir dans cette conception un retour au dualisme zoroastrien, mais ce que nous connaissons des écrits de la secte nous permet d’affirmer que, s’il y a dualisme, il n’y a pas opposition de deux principes, bien au contraire. Le second est le reflet du premier, il lui est intimement uni. Il a été conçu pour expliquer la nécessité du soùs qui accompagnera le prophète parleur et du grand missionnaire, dâ'i des da’is qui sera l'émanation du Mahdl et transmettra ses ordres. Ce transmetteur ostensible des ordres du Mahdl est absolument nécessaire dans la doctrine, car il peut arriver que le Mahdî se cache ; c’est, nous l’avons vii, le sort de tous les Madhîs jusqu’ici, et la ghaïba ou absence en est arrivée à faire partie intégrante du Mahdisme. Dans ce cas, il faut un second, dont l’enseignement réponde exactement à celui du Mahdî absent et, si son absence se prolonge, il y aura une suite de grands dà'is qui parleront en son nom. Par une conséquence inévitable, le grand dâ'i sera tenté de se substituer au Mahdî et même, comme nous le verrons, de se présenter lui-même comme le Mahdî. Là est l’originalité de la secte, et il est évident qu’elle offrait une véritable prime à l’imposture. Cette conséquence était tellement fatale, qu’en fait l’isma’ilisme en vint à se détruire lui-même et aboutit à une forme toute nouvelle : le fâtimisme qui engendra luimême d’autres doctrines aberrantes, comme celles des Druzes et des Assassins.

Mais reprenons les textes qui nous exposent les divers degrés de l’enseignement ; déjà peu d’accord sur le septième, ils sont tout à fait opposés dans l 'exposé du huitième.

C’est dans ce dernier que figure nettement et sans contestation le rejet des révélations et par suite de l’islam tout entier et en particulier des doctrines eschatologiques, donc du mahdisme. Ici, il n’y a plus de succession de prophètes, partant plus d’imâms et d’isma’ilisme. C’est une doctrine toute nouvelle, qui a dû être ajoutée après coup. C’est, en effet, cefle que l’on doit probablement attribuer aux fauteurs de ce que nous avons appelé le fâtimisme, et voici pourquoi. Le huitième degré, après avoirrépété la doctrine de l'émanation contenue dans le septième, ce qui semble indiquer la nécessité d’un raccord entre l’un et l’autre déclare nettement qu’il n’y a ni résurrection, ni récompense, ni châtiment dans l’autre monde. Il y a seulement des cycles cosmiques, réglés par les mouvements des étoiles, et aboutissant à des révolutions, à des palingénésies, mais continues et sans terme.

Nous voici arrivés à une forme nouvelle, très systématisée, des prédictions astrologiques dont nous avons montré l’apparition à la fin du 11e siècle de l’hégire, pour soutenir les prétentions du rationalisme persan.

Le neuvième degré achève la ruine de l’isma’ilisme en affirmant que l’iinâm n’a aucune réalité, qu’il n’est que le symbole de la vérité suprême, à laquelle on arrive par la pratique des sciences. Quand on parle d’un imâm actuel, on veut dire simplement l'énoncé de la doctrine par la voix de ses lieutenants. Nous verrons ces idées prendre une forme plus arrêtée et plus précise dans les écrits qui nous sont parvenus des Assassins.

En réalité, cette doctrine que nous venons d’exposer, est celle du fâtimisme, et non de l’isma’ilisme primitif, ou plutôt, d’après les auteurs auxquels nous en avons emprunté l’exposé, c’est celle qui est commune au fâimisme et au carmathisme.

Nous avons déjà parlé du carmathisme comme ayant été, à son origine, au moins, une sorte de néokeïsanisme, se fondant sur l’imamat d’un fils de Mouhammad, fils de la Hanafiva, identifié lui-même au

Messie, a Jésus, au Logos et au Mahdî. Il semhle qu’il y ait là une esquisse du système isma’hien avec cinq personnages, au lieu de sept. Mais la charpente du système était moins symétrique, car ils admettaient la série des sept prophètes principaux, Adam, Nod, Abraham, Moïse. Jésus-Christ, Mahomet, et leur Imâm Ahmad. Il est certain que la conception du Mahdî apportant le dernier chaînon à la succession des grands prophètes proclamés par l’islam contenait en elle-même le principe septénaire. Mais, sous cette forme, elle était en opposition avec l’enseignement de Mahomet qui s'était déclaré formellement le sceau, donc le dernier, des prophètes. D’ailleurs, h choix des grands prophètes était certainement arbitraire. L’islam n’admet que trois livres révélés, celui de Moïse ou Tara, de Jésus-Christ ou Indjil, de Mahomet ou Coran ; celui-ci parle aussi des Psaumes, on aurait donc dû faire aussi une place à David, mais les Psaumes ne peuvent être considérés comme une législation. Or. c’est là le caractère évident de la Tora et du Coran, et Mahomet qui ne paraît pas avoir compris très exactement ce que représentaient les Évangiles (les authentiques et les apocryphes) a pu croire que c'était aussi le caractère de la doctrine enseignée par Jésus-Christ. Ce n’est donc pas dans le mahdisme qu’il faut voir l’origine du septénarisme, il y a été adapté par une véritable imposture. Le Mahdî n’es ; pas un prophète et il n’a pas de nouvelle loi à apporter : il doit seulement préparer les voies à Jésus-Christ, le défendre contre l’Antéchrist ; tout autre rôle à lui attribué constitue une hétérodoxie, et, s’il ne lui est attribué que pour être exercé en réalité par son lieutenant, c’est bien la négation de l’islam et une impiété d’où le nom justement mérité de malâl ida « impies i donné aux isma’iliens et aux carmathes.

Le fâtimisme.

La liaison de ces deux sectes a

été bien mise en évidence par les orientalistes modernes ; elle constitue ce que nous appellerons, faute d’un meilleur terme, le fâtimisme. Comment s’est faite cette liaison, c’est un point encore fort obscur. Au dire des historiens arabes, le carmathisme doit son nom à un initié de l’isma’ilisme appelé Hamdân Qarma', qui, le premier, fomenta des révoltes dans la Basse-Mésopotamie et dont les successeurs se rendirent redoutables aux khalifes de Baghdâd. Il reconnaissait le grand dâ'i, mais croyait véritablement à l’imâm. Mais nous avons vu que d’autres doctrines probablement plus anciennes, sont attribuées à des carmathes. Ce qu’il y a de certain, c’est que le carmathisme fut connu des historiens avant l’isma’ilisme, soit qu’il ait pris l’initiative de l’action (vers la fin du iiie siècle de l’hégire) et ainsi déclenché le mouvement, ce qui permit à la secte, jusque là confinée dans une propagande purement orale, d’agir au grand jour, soit qu’il ait obéi à un ordre du grand dâ'i au moment jugé propice pour l’explosion de la mine longtemps préparée dans le silence.

La question se complique si on cherche à savoir qui fut l’audacieux promoteur du fâtimisme. On l’attribue à 'Abd Allah ibn Maïmoûn, surnommé al Qaddâh (l’oculiste) qui aurait été grand dâ'i de l’isma’ilisme vers le milieu du iiie siècle, mais d’autres indices le font naître au début du iie siècle, c’est-à-dire au temps de l’imâm Dja’far dont son père Maïmoûn aurait été l’affranchi. D’autre part, un nommé Zeïdàn, Deïdân ou Dendân aurait, tout en professant des doctrines philosophiques très voisines de celles que nous retrouverons dans les écrits des Assassins, annoncé des révolutions cosmiques dues à ces conjonctions de Saturne et Jupiter qui jouent un si grand rôle dans les doctrines carmathes. Or, les uns le font vivre au milieu du me siècle de l’hégire, mais d’autres en font le contemporain de Maïmoûn. père de 'Abd Allah, et la con-