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MAGIE, RAPPORTS AVEC LA RELIGION


gieuses « étonnamment élevées ». Making, p. 17"). Restent lus Tasmaniens. La lieu. d’Iiist. des relig., t. i. xxxyiii, ]). 21 X, not. 2, n’ose guère contredire le P. Scbinidt quand il trouve la croyance à l'Être suprême chez beaucoup des peuplades les plus primitives, les Australiens du Sud-Est, les Andamanais, les AInus, les Californiens du centre, les Gez du Brésil oriental, les Fuégiens ; mais la même revue élève un doute sur les Pygmées et pense pouvoir opposer victorieusement les Tasmaniens, les Kubus, les Weddahs. Les Tasmaniens n’existent plus : leur dernier représentant authentique est mort vers 1877. Il semble, quoi qu’en dise Frazer, Magic art, t. ii, p. 257, qu’ils reconnaissaient l’existence d’un être bon et d’un être mauvais, bien que le second fût beaucoup plus en vue que le premier. Anlliropos, t. iii, p. 825, 826, 828. Sur les Kubus, peuplade de Sumatra central, et les Weddahs ou Veddahs, qui habitent actuellement le sud-est de Ceylan, la question n’est pas élucidée. On a, dans les premières années du siècle, reconnu chez les Weddahs une certaine religion. Cf. W, Schmidt, Die Stellung der Pygmâenvôlker in der Entwicklungsgeschichtè des Mcnschen, Stuttgart, 1910, p. 292, n. 1. Quant aux indigènes de Sumatra, le P. Schmidt les a étudiés par exemple, dans Grundlinien einer Vergleichung der Religionen und Mythologie n der austronesischen Vclker, Vienne, 1910, et il relève chez ces peuples la connaissance de la divinité et un certain culte, p. 37, n. 165 ; p. 50, n. 200, et, d’après certains indices, il conclut à une évolution non par progrès mais par régression. Pour ce qui est des Pygmées, il ne semble plus que l’on puisse mettre en doute leur connaissance de Dieu. Cf. col. 1544.

Et puis, quand même les Kubus, les Weddahs et une demi-douzaine d’autres tribus seraient complètement athées et sans aucune religion, la seule conclusion légitime serait en faveur de la possibilité du fait exceptionnel, nullement de la loi universelle. Il resterait encore à prouver l’improuvable : que ces tribus représentent un stade universellement nécessaire et absolument premier ; il resterait à prendre sur le fait un peuple évoluant spontanément vers les formes supérieures de la croyance et de la religion, ce qui n’a jamais été fait.

D’une façon générale, les découvertes de l’ethnologie, en ces dernières années, vont toutes dans le même sens : des peuplades primitives qui passaient pour privées de croyance à des êtres supérieurs et dépourvues de religion, pour emprisonnées dans la magie ou l’animisme, se révèlent en possession de la croyance à la divinité, souvent à un Dieu unique et personnel, dont l’homme dépend physiquement et moralement ; et la plupart du temps on rencontre chez ces mêmes peuplades un culte de cette divinité, culte plus ou moins embryonnaire, ébauche peut-être, peut-être souvenir. Car — dernier trait frappant, constaté assez souvent pour pouvoir sans témérité être soupçonné partout — les savants, qui ont à leur service toutes les ressources de l’ethnologie et de la linguistique, toutes les lumières de l’histoire comparée, ont vu plus d’une fois les croyances et les pratiques religieuses d’un peuple devenir plus hautes et plus pures, à mesure qu’ils se rapprochaient des origines.

D’ailleurs, dans l’histoire des peuples civilisés — en particulier dans l’histoire des deux peuples classiques pour nous, les Grecs et les Romains — n’a-t-on^pas souvent fait pareille constatation ?

Le temps semble définitivement passé où E.-B. Tylor, J.-G. Frazer et d’autres, forts il est vrai d’une vaste érudition, enseignaient avec une belle assurance l’animisme ou le magisme, et communiquaient leurs convictions à leurs lecteurs et au monde savant lui-même. Actuellement, beaucoup d'écrivains pure ment rationalistes, libres en tout cas de préoccupations dogmatiques ou confessionnelles, reconnaissent les incertitudes, irrémédiables peut-être, de l’histoire sur les relations entre religion et magie ; certains vont même jusqu'à avouer la possibilité, la probabilité d’un déisme primitif, d’une religion primitive, probabilité égale ou supérieure à celle d’un animisme ou d’un magisme primitif. « Les cas de monothéisme primitif appartiennent avec la langue et la formation de la famille à ces énigmes des commencements de la culture humaine qu’il sera probablement à jamais impossible de résoudre. » Illustrierle Volkerkun.de du D r Buschan, Introduction générale à la 2e édition par R. Lasch, | Stuttgart, 1922 (l’ouvrage est considéré comme représentatif de la doctrine évolutionniste). Ainsi, conclut le R. P. Schmidt, après avoir cité ce passage, « les rôles paraissent donc complètement changés : ce n’est pas nous, c’est l'évolutionnisme, qui invoque le mystère de l’insondable, pour échapper aux conséquences que l’on pourrait déduire d’un monothéisme primitif ». Semaine d’Ethnologie religieuse, 1922, p. 40.

L’attitude de plus en plus fréquente des savants est celle d’une défiance positive pour une solution rigide et universelle, pour l'évolutionnisme absolu : « La science anthropologique, dit Marett, devient de plus en plus parcimonieuse de constructions sur un plan si simple et si drastique. L'évolution humaine est un tissu de plusieurs fils qui se croisent. » Art. Magic dans Hastings, Encijcl. of. relig., t. viii, p. 247 b. Et J. Réville croit avoir appris dans l’histoire des religions à se défier de ces gens « qui prétendent ouvrir toutes les portes avec une seule clé, parce qu’ils forcent les serrures, partout où leur clé ne fonctionne pas. » Les phases successives de l’histoire des religions, Paris, 1909, p. 25.

Chez les auteurs contemporains, il se manifeste en particulier une réaction très nette contre la tendance à méconnaître les influences individuelles dans l'évolution des doctrines religieuses, J. Réville, op. cit.. p. 222 ; R. Pettazoni, professeur d’histoire des religions à l’Université de Rome, Leçon inaugurale, 17 janvier 1924, cf. Rev. d’hist. des relig., t. lxxxix, p. 134, fin ; réaction aussi contre le magisme pur de Frazer, cf. Loisy, A propos d’histoire des religions, Paris, 1911, p. 179 ; réaction encore contre la tendance à dissocier complètement croyance en la divinité d’une part, et, de l’autre, morale, culte, prière. Semaine d’Ethnologie religieuse, 1913, p. 153, rapport du R. P. Lemonnyer, p. 6, 8.

Donc, si l’on demande sincèrement à l’histoire, et non à une théorie toute faite, la relation de nature qui unit religion et magie, trois réponses sont possibles, qui ont été faites : 1. Il y a eu un stade primitif d’indifférenciation, d’où sont sorties magie et religion ; 2. La magie est une religion dégradée ; 3. La religion est une magie perfectionnée. A. Loisy, qui présente ces trois hypothèses, A propos d’histoire des religions, p. 174, juge que la 2e, « n’a rien de vraisemblable » et opte pour la l re. Mais, quelques années plus tôt, un auteur protestant, Zockler, comparant la 2e et la 3e hypothèse, trouvait la 2e, plus conforme aux faits connus, art. Magie dans Protest. Realencgclopàdie. Et Zockler relève quatre indices en faveur de la 2e hypothèse : a) Les peuples actuellement les plus arriérés ont gardé, au milieu des absurdités et des récits merveilleux de leurs cultes traditionnels (Kultussitte), des traces de croyance à une haute puissance spirituelle. — b) Le passage du magisme ou d’une autre superstition originelle à une forme plus élevée de religion n’a jamais été constaté. — c) Si l’on considère en particulier les peuples civilisés i de l’ancien monde, les Égyptiens, par^exemple, ou les Babyloniens, leur bis-