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MARIE, SOUFFRANCES

providentiel dans l’enseignement des choses divines. Sum theol.. Ia-IIæ, q. cxi, a. 4. Selon l’enseignement constant de la tradition catholique, Marie possédait la plénitude de toutes les grâces, convenant à sa dignité et à sa condition. S. Thomas, Sum. theol., IIIa; q. xxvii, a. 5. En droit, Marie avait donc toutes les grâces gratis datæ, comme l’enseignent, d’une manière générale, saint Thomas, IIIa, q. xxvii, a. i, ad 3um près lui, tous les théologiens. On comprend d’ailleurs que, so Marie n’eut point à exercer, comme les apôtres, le ministère officiel de la prédication pendant les années qui suivirent l’ascension de Notre-Seigneur, elle eut, très vraisemblablement, a cause des sublimes privilèges qu’elle avait reçus de Dieu, a instruire, à éclairer, a aider, d’une manière privée, les apôtres et les premiers fidèles. Pour accomplir ce rôle même secondaire et restreint. Il convenait que Marie possédai tous les dons qui, selon le plan providentiel, aillent à l’enseignement des choses divines, même quand celui-ci n’est point donne à titre officiel et principal.

VI. Mérites de Marie pour elle-même.

Nous n'étudierons ici que les mérites de Marie pour elle-même. En étudiant le rôle de Marie comme associée à la rédemption, nous avons vu quels furent ses mérites pour l’humanité tout entière.

L’existence de mérites surnaturels en Marie, à chaque instant de son existence terrestre, est une conséquence de ce qui a été dit de l’augmentation incessante de la grâce sanctifiante possédée par l’auguste Vierge.

La perfection des mérites de Marie est une conséquence de la perfection de ses actes incessants de charité. Selon l’enseignement de saint Thomas, la perfection principale du mérite surnaturel dépend de celle de la charité avec laquelle l'œuvre méritoire est accomplie. Sum. theol., Ia-IIæ, q. cxiv. a. 4. Voir Charité, t. ii. col. 2246 sq. En Marie, cette charité fut d’autant plus méritoire, qu’elle eut pour objet le sacrifiée très douloureux par lequel elle fut associée à la rédemption opérée par Notre-Seigneur sur le Calvaire. Comme l’enseigne saint Thomas, de la grandeur du sacrifice résulte une augmentation du mérite : Magnitude laborii perlinet ad augmentant meriti, 'loc. cit.. ad 2um, voir Charité, col. 2248.

3° Pour Marie elle-même, l’objet du mérite strict ou de condigno fut uniquement la récompense éternelle et l’augmentation de la grâce sanctifiante qui devait la mettre en possession de cette récompense. A cela seulement s'étend, comme le proclame l’enseignement théologique, le mérite-strict, accessible à chaque âme, avec le secours de la grâce divine, S. Thomas, Sum. theol.. Ia-IIæ, q. 1 xiv. a. 3. 8. Pour Marie, le mérite de condigna ne pouvait non plus, on l’a dit, s'étendre a la dignité de la maternité divine. Il est cependant vrai que Marie, avec toutes les grâces de choix dont elle fut prévenue dans sa conception immaculée, mérita le degré sublime de perfection qui la disposa immédiatement a la maternité divine. S. Thomas, Sum. theol.. IIIa. q. ii. a. 11. ad 3um.

Rappelons enfin que, pour elle-même, le mérite strict de Marie ne pouvait s'étendre, ni à la première grâce sanctifiante qui lui fut conférée dans son immaculée conception, ni aux grâces ou privilèges qui accompagnèrent cette première grâce, ni au privilège de sa parfaite confirmation dans le bien qui lui fut concilie dès ce moment.

VII. Perfections corporelles de Marie.

1° Pour la vie intellectuelle et morale qui convenait a la dignité et a la condition de Marie, il était nécessaire qu’elle possédât les qualités corporelles, qui importent effectivement pour l’une et l’autre vie, selon les indications données par saint Thomas, Sum. theol., Ia q. lxxvi, a. 5 ; q. xci, a 3 ; Ia-IIæ, q. lxiii, a. 1 ; q. li, a. 1. IIa-IIæ, q. xlvii, a. 15.

2 Comme mère de Jésus, Marie selon les lois providentielles, posséda elle même les perfections naturelles dues au corps de Notre Seigneur. Or le corps de Jésus devait être exempt de toutes les imperfections ou défectuosités qui n'étaient pas demandées par l’accomplissement de la rédemption, tel que le comportait le plan divins. Thomas. Sum. theol., IIIa, q. xi. a 4. Marie devait donc être exempte des défauts corporels que n’exigeait point sa coopération intime a notre rédemption.

3° Comme associée par son divin Fils à la rédemption du monde, Marie fut soumise a la souffrance corporelle, dans la mesure exigée par sa coopération intime au sacrifice du Calvaire, par lequel elle endura dans son cœur, ce que Jésus souffrait dans sa chair. Nous verrons bientôt combien grandes furent ses souffrances et avec quelle constance elle les endura.

4° On a montré à l’art. Assomption de le sainte Vierge, t. i, col. 2128 sq., que Marie fut soumise a la mort corporelle, afin d’avoir avec son divin Fils cette intime ressemblance, afin aussi de rendre, en quelque sorte, plus palpables la réalité et la passibilité du corps humain que Jésus avait pris en elle.

5° Le privilège de la beauté corporelle fut concédé à Marie, dans la mesure où il était, pour elle, le reflet et l’accompagnement des plus hautes vertus, et en même temps, pour son entourage, un stimulant des plus nobles pensées et des plus pures affections. C’est en ce sens que ce privilège a été souvent loué par les auteurs ecclésiastiques.

S. Thomas, In IIIum, Sent., dist. III. q. i, a.2, quæst.3, ad 4um ; S. Bonaventure, In IIIum Sent., dist. iii, part, i, a, 2, q. iii, Quarracchi, 1887, t. iii, p. 77 ; S. Antonin, Sum. theologica, part. IV, tit. xv, c. x, 2, Vérone, 1740, t. iv, col. 977 sq. ; Denys le Chartreux, In Ium, Sent., dist. XVI, q. ii, Venise, 1584, t. i, p. 289 ; De dignitate et laudibus B. virginis Mariæ, i, 35, Opera, Tournai, 1908, t. xxxvi, p. 63 ; Suarez, In IIIam S. Thomæ, t. ii, disp. ii, sect. ii, 4 ; Novato, op. cit., t. ii, p. 278 ; Vega, op. cit., t. i, p. 269 sq. ; Contenson, op. cit., t. iii, p. 269 sq. ; Sedlmayr, op. cit., Summa aurea, t. vii, col. 860 sq. ; Lépicier, op. cit., p. 347 sq. ; Terrien, op. cit., t. ii, p. 112 sq.

VIII. Souffrances de Marie.

1° Nous venons de montrer que Marie, bien qu’exempte, en droit, de toute souffrance, dut, comme son divin Fils, y être soumise afin de coopérer ainsi à notre rédemption comme l’exigeait le plan providentiel.

2° Ces principales souffrances de Marie furent celles qui résultèrent du sacrifice intérieur par lequel elle consentit à l’immolation de son divin Fils, victime d’expiation pour nos péchés. Elles eurent leur maximum d’intensité au pied de la croix, au moment de la consommation du suprême sacrifice. Mais elles furent, au moins partiellement, ressenties par Marie dès qu’elle eut connaissance du mystère de l’incarnation et de la part qu’elle devait prendre à l’accomplissement de notre rédemption.

3° Pour apprécier l’intensité des souffrances de Marie au pied de la croix, il faudrait mesurer, dans leur intégrité, toutes les souffrances de Jésus ; il faudrait encore, si c'était possible, mesurer l’amour si parfait de Marie pour son divin Fils. En vertu de cet amour maternel si parfait. Marie ressentit, dans son âme, toute l’amertume des souffrances de Jésus, comme si celles-ci avaient été les siennes propres. C’est ce qu’observait déjà au xii siècle Ernald de Chartres : Quod in carne Christi agebant clavi et lancea, hoc in mente ejus compassio naturalis et affectionis maternæ augustia. De laudibus B. M. V., P. L., t. clxxxix. col. 1731 ; et dans un autre passage : Omnino tunc erat una Christi et Mariæ voluntas unumque holocaustum ambo pariter offerebant Deo :