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MARIE, MATERNITÉ DIVINE : CONI Ll SIONS TIIÉOLOGIQl ES


vérités, d’où découle avec évidence la maternité divine de Marie et qui détruisent toutes les machinations des hérétiques : la croyance en Dieu le Père tout-puissant, et en Jésus-Christ son Fils unique qui est né du Saint-Esprit et de la vierge.Marie. Un peu plus loin, col. 71>7, l’expression Mater Domini, d’après le contexte immédiat, est employée en ce sens que Marie est mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme.

b) Le formulaire dogmatique du concile de Chalcédoine (451) déclarant les croyances de l'Église catholique sur le mystère de l’incarnation, renferme cette affirmation très explicite de la maternité divine de Marie : « Nous enseignons tous à l’unanimité un seul et même Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ, engendré du Père avant tous les siècles quant à sa divinité ; et, quant à son humanité, né pour nous dans ces derniers temps èx Mapîaç ir 4 ç, 71ap6svoo ttjç Osotoxou. » Voir Chalcédoine (Concile de), t. ii, col. 2195. On a d’ailleurs montré précédemment, voir Chalcédoine (Concile de), t. ii, col. 2205 sq. ; Eutychès, t. v, col. 1594 sq., que les assertions d’Eutychès, portaient véritablement atteinte à la maternité divine de Marie. Le concile avait donc le devoir de défendre cette glorieuse prérogative.

2e période. Enseignement concernant les principales conclusions théologiques déduites du dogme de la maternité divine, depuis le Ve siècle jusqu'à l'époque actuelle. — Pendant toute cette période, il n’y eut aucun développement du dogme de la maternité divine qui avait atteint, à l'époque des conciles d'Éphèse et de Chalcédoine, tout le perfectionnement dont il était susceptible.

On ne fit que reproduire la doctrine du iv « et du ve siècle, en l’adoptant à la méthode scolastique comme le fit S. Thomas, Sum. theol., IIP », q. xxxv, a. 4, ou en l’entourant de toutes les preuves scripturaires ou patristiques fournies par la théologie positive, comme l’ont fait beaucoup de controversistes catholiques, depuis le xvie siècle. Mais il y eut un progrès dans le développement des conclusions déduites du dogme de la maternité divine. C’est ce progrès que nous esquisserons, en notant, du moins pour les conclusions les plus importantes, les lignes principales du mouvement théologique.

1. L'éminente dignité de la maternité divine et les conquences immédiates qui en découlent. — Du ve à la fin du xr siècle, l'éminente dignité de la maternité divine est contenue dans des affirmations générales qui, selon la pensée de leurs auteurs, visent non seulement les perfections de Marie, mais sa dignité elle-même. Parmi ces affirmations, nous citerons principalement les suivantes : Marie surpasse toutes les créatures, même les anges ; Marie n’est inférieure qu'à Dieu ; rien dans les créatures ne peut être comparé à Marie ; le Créateur seul la surpasse. S. Proclus (j 436), Oral., v, Laudes in S. Virg. Deiparam, 2, P. G., t. lxv, col. 717 sq. ; Pseudo-Épiphane, probablement du vii e ou du IXe siècle, Homil., v, In laudes S. Mariée Deiparæ, t. xmi, col. 492 ; S. Germain de Constantinople († 740), Epist., il, Ad Joan. Synadensem, t. xcvni, col. 160 ; Georges de Nicomédie († 879), Homil., vi, In SS. Deiparse ingressum, t. c, col. 1437 ; Pierre d’Argos († 890), Orat. de conceptione S. Annæ, 14, t. civ, col. 1364 ; Pseudo-Pierre Damien, Serm., xliv, In nativilate B. V. M., P. L., t. cxliv, col. 738. On remarquera particulièrement l’expression de saint Jean Damascène († 750), affirmant qu’il y a une différence incommensurable ou infinie entre la mère de Dieu et ses serviteurs, àXAà ye tô Siàcpopov <3cTtetpov80û Xcov GeoO xal u.7)Tpôç, De dormitione Deiparx V. Mariai, Orat. i, 10, P. G., t. xevi, col. 716.

A la fin du xie et au commencement du xiie siècle,

saint Anselme († 1109), fil mieux ressortir la transcendante supériorité de la Mère de Dieu en montrant son intime union : avec Dieu le Père, puisque le même Fils est commun a Dieu le l'ère et à la vierge Marie : avec Dieu le Fils, pui, qu’elle est sa mère ; avec Dieu le Saint-Esprit, par l’opération duquel elle a conçu et enfanté le Sauveur. C’est u cause de cette incomparable dignité de la maternité divine que saint Anselme émet cette assertion qui contenait en germe le privilège de l’immaculée conception et tous les autres privilèges de Marie, et qui fut souvent utilisée par les théologiens des siècles suivants : Drcens erat ut ea puritate qua major sub Deo nequit intelligi, Virgo Ma niterel. De conceptu virginali, xviii. P. L., t. clviii, col. 451. Ces affirmations d’Anselme conduisirent son disciple Eadmer († 1124) à une formule plus précise relativement à l'éminente dignité de la maternité divine, surpassant omnem altitudinem quæ post Deum dici vel cogitari potest. De excellentia beatae Mariæ, ii, P. L., t. eux, col. 559. Dans la suite les théologiens reproduisirent et commentèrent fréquemment l’affirmation de saint Anselme sur l’union intime de Marie avec les trois personnes de la sainte Trinité. La relation intime de Marie avec Dieu le Père fut rendue plus manifeste par cette assertion de saint Thomas qu’il y a en Jésus-Christ une seule filiation appartenant à la personne éternelle du Verbe, mais avec deux relations, une relation réelle entre Dieu le Père et le Verbe, et une relation de raison entre Marie et le Verbe, Sum. theol., Ill a, q. xxxv, a. 5 ; opinion dès lors communément suivie par les théologiens.

En expliquant la relation intime que la maternité divine établit entre Marie et le Verbe incarné, on s’attacha surtout à montrer que la dignité ainsi conférée à Marie est une dignité, en quelque sorte, infinie, surpassant de beaucoup toutes les dignités créées. C’est l’enseignement formel de saint Thomas. Parce qu’elle est mère de Dieu, la bienheureuse Vierge a une dignité infinie, habet dignitatem infinilam ex bono inftnito. Sous ce rapport, il ne peut rien y avoir de meilleur, comme rien ne peut être meilleur que Dieu. Sum. theol., I a, q. xxv, a. 6, ad 4um. Cette dignité n’est donc pas infinie sous tout rapport, puisqu’elle est possédée par une créature. Elle est infinie, parce que le terme de la conception est la personne même du Verbe hypostatiquement unie à la nature humaine formée dans le sein de Marie, III a, q. xxxv, a. 4 ; et qu’en Jésus il n’y a qu’une seule filiation, a. 5. L’enseignement de saint Thomas est communément suivi dans les siècles suivants. Comme lui et dans le même sens, au xve siècle, Denys le Chartreux († 1471), De præconio et dignitate Mariæ, t. I, a. 8, Opéra, Tournai, 1908, t. xxxv, p. 484, au xvi 8 siècle, Barthélémy de Médina († 1581), Exposilio in III* m D. Thomæ, q. xxxv, a. 4, Venise, 1590, p. 422, enseignent que la maternité divine est une dignité en quelque sorte infinie. — Comme saint Thomas, l’on affirme aussi que la dignité de la maternité divine surpasse toutes les dignités créées : Raymond Lulle († 1315), De laudibus B. V. Mariæ, xi, Paris, 1499, fol. 21 ; Gerson († 1429), Sermo in die circumeisionis, Opéra, Anvers, 1706, t. ii, col. 55 ; S. Bernardin de Sienne († 1444), Sermones pro festivitalibùs sanctorum et immaculatæ V. Mariæ, serm. viii, a. 3, c. i, Opéra omnia, Paris, 1635, t. iv, p. 131.

Cependant, à la fin du xv siècle, Gabriel Biel voulant prouver que Marie a pu mériter d’un mérite strict de condigno la maternité divine, s’appuya, entre autres arguments, sur cette affirmation que la gloire du ciel est un bien plus grand, ou n’est certainement pas un bien moindre que la maternité corporelle de Marie. Affirmation prouvée, selon lui, par les paroles de Notre-Seigneur, Matth., xii, 48 sq.,