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MARIAGE DANS LES ÉGLISES ORIENTALES

N. A. Zaozerskii, Sur quoi est fondée la juridiction ecclésiastique dans les affaires matrimoniales, Serghief Possad, 1902 ; du même, L’abandon coupable par l’un des conjoints, comme cause de dissolution du mariage, ibid., 1904 ; du même, Ce qu’est le mariage rascolnik, dans Bogoslovskii Viestnik, 1895, t. 1, p. 261-278, 404-121 ; 1896, t. 1, p. 125-137, 336-319 ; A. Zagorovskii, Le divorce d’après le droit russe, Kharkov, 1884 ; L. N. Zagourskii, Le divorce, Kharkov, 1903 ; N. Seronios, Ἐπιτομη τοῦ ἐν τοῖς ἐκκλησιαστικοῖς δικαστηρίοις τοῦ οἰκουμενικοῦ θρόνου ἐν ἰσχύϊ ῥωμαϊκοῦ καὶ βυσαντινοῦ νομου, Constantinople, 1886 ; Théotocas, Νουολογία τοῦ οἰκουμενικοῦ πατριαρχείου, Constantinople, 1897.

M. Jugie.

V. MARIAGE DANS L’ÉGLISE NESTORIENNE ET LES ÉGLISES MONOPHYSITES.

Sur le mariage dans l’Église nestorienne et dans les Églises monophysites il y a peu de chose à dire au point de vue dogmatique. Ces chrétientés, depuis si longtemps séparées du centre de l’unité, n’ont subi que très peu l’influence de la théologie catholique, et leur doctrine des sacrements est restée assez rudimentaire, à en juger par les écrits théologiques publiés jusqu’ici. Dans ces Églises, du reste, comme dans les autres, il y a eu évolution aussi bien dans les doctrines que dans les rites et la discipline. Il y a eu des emprunts réciproques entre les Églises dans tous les domaines ; et rien n’est moins solide qu’un certain argument de prescription qu’on trouve développé dans certains manuels de théologie, dont tout le fondement est l’immobilité supposée des Églises séparées, depuis le temps de leur séparation.

I. Chez les nestoriens

Les nestoriens avaient primitivement un rite très simple du mariage. Le contrat se faisait dans la maison du père de la fiancée, en présence de témoins et du prêtre, devant la croix. Les fiancés, ou plutôt leurs procureurs, manifestaient en leur nom leur consentement mutuel, en répondant aux interrogations du prêtre. Celui-ci joignait leurs mains en forme de croix, et les bénissait en récitant une courte prière. Après cette bénédiction, le mariage était considéré comme conclu, ratum ;  : mais la cohabitation des époux ne commençait qu’après un temps plus ou moins long, pouvant varier de plusieurs mois à plusieurs années. L’épouse était conduite à la maison de son époux, à l’époque convenue, sans aucune cérémonie religieuse, « Il est nécessaire et très utile, dit le canon 13 du synode de Mar Georges Ier (676), que le contrat des fiancés et des fiancées se fasse en présence de l’instrument de notre vie et de la cause de notre salut. En même temps, ils commenceront chrétiennement avec la bénédiction sacerdotale. S’ils transgressent ces choses, qu’ils soient excommuniés. » J.-B. Chabot. Synodicum orientale ou recueil de synodes nestoriens, Paris, 1902, p. 487, 488. Ce rite primitif s’est conservé dans ses traits essentiels dans l’Ordo desponsationis, publié par G. Percy Badger : The Nestorians and their rituals, Londres, 1852, t. ii, p. 244 sq., et par H. Denzinger, Ritus Orientalium, Wurzbourg, 1864, t. ii, p. 420-122. Mais un Ordo benedictionis long et compliqué a été ajoute plus tard pour consacrer l’entrée de l’époux dans la maison de l’épouse. On y trouve des oraisons spéciales pour la bénédiction de la coupe à laquelle boivent les deux conjoints, la bénédiction de l’anneau, de la croix, de l’eau bénite appelée Hanana, des vêtements et spécialement de la robe coloriée de l’épouse, un long office du couronnement, et enfin une bénédiction de la chambre nuptiale. Cf. Denzinger, op. cit, p. 423-150.

Toutes ces cérémonies indiquent bien le caractère religieux du mariage. Mais les théologiens nestoriens l’ont-ils considéré expressément comme un sacrement au sens où nous l’entendons ? Il est difficile de répondre d’une manière précise. Parlant des sept sacrements dans le quatrième traité de son livre intitulé : Liber d Margaritæ, Ebed Jesu († 1318) ne fait pas rentrer le mariage dans le septenaire, où trouvent place le sacréferment et le signe de la croix. Il consacre cependant le dernier chapitre de ce traité au mariage et à la virginité, et il dit du mariage : Sanctum prorsus matrimonium est mundusque ejus thalamus, præsertim quid Paulus idipsum esse sacramentum eorum, quæ supra mundum eminent. declarat. Liber Margaritæ, tract. iv, c. viii, dans Maï, Scriptorum veterum nova collectio, t. x D, p. 360.

Les deux propriétés essentielles du mariage chrétien : l’unité et l’indissolubilité sont proclamées par les premiers synodes nestoriens. Dans sa troisième encyclique synodale, le catholicos Mar Aba Ier (544) condamne la bigamie et la polyandrie, indique les empêchements provenant de la consanguinité, et proscrit le mariage des chrétiens avec les païens. Chabot, op. cit., p. 336. Le synode du catholicos Mar Jesuyahh Ier (585) renouvelle les mêmes prescriptions, défend, en plus, les mariages mixtes avec les hérétiques, et parle de la seule cause de divorce alors reconnue par l’Église nestorienne, à savoir l’adultère ; et encore, il n’est pas dit expressément que la partie innocente peut contracter un nouveau mariage : « Un homme ne peut canoniquement renvoyer sa femme légitime, si ce n’est en pas d’adultère, ni s’unir à une autre, soit comme un impudique privé d’intelligence, à cause de la beauté extérieure et périssable, soit comme un avare insatiable pour posséder de l’argent. » Chabot, op. cit., p. 410 : cf. p. 116, 418. Le canon 20 du même synode dit expressément que la stérilité de la femme n’est pas une cause de divorce. Ibid., p. 448, 449.

Cependant, cette sévérité de l’Église nestorienne à l’égard du divorce ne dura pas longtemps. Ses casuistes ajoutèrent successivement à l’adultère plusieurs autres causes de dissolution. Déjà au viii°-ix° siècle, le catholicos Timothée Ier (778-823) signale : 1° la fornication de l’âme, c’est-à-dire le crime d’apostasie et de magie ; 2° l’entrée des deux conjoints dans la vie religieuse (ce qui ne donne pas lieu à un divorce proprement dit) ; 3° l’abandon de la femme par le mari, qui, sommé de reprendre son épouse, refuse absolument : la femme abandonnée est libre de se remarier ; 4° une absence de trois ans sans nouvelles ; 5° une grave maladie antérieure à la consommation du mariage et cachée sciemment au moment de la ratification du mariage (= cas de dissolution du mariage simpliciter ratum). Cf. J. Labourt. De Timotheo I Nestorianorum patriarcha (778-823), Paris. 1904, p. 61. 63, 64, 65-70. Au xiv° siècle, le nombre des causes de divorce s’accroît encore dans la Collection des canons d’Ebed Jesu. On y trouve comme causes nouvelles : 1° l’homicide : 2° le cas de querelles domestiques continuelles, après dix ans, et s’il n’y a pas d’enfants ; 3° le cas de captivité de l’un des conjoints : chacun des deux peut se remarier, même sans attendre trois ans ; 4° le mariage simplement ratum peut être rompu, après dix ans d’attente. Maï. op. cit. t. x a, p. 46-52. La discipline nestorienne maintient cependant le principe que le conjoint qui a donné occasion au divorce par sa faute ne peut se remarier.

II. Chez les monophysites

Plus que l’Église nestorienne, les diverses Églises monophysites ont subi l’influence de la théologie byzantine, et même celle de la théologie catholique latine, à partir des croisades. Elles ont accepté le septénaire sacramentel, mais leurs théologiens ont parfois erré dans l’énumération. L’Arménien Vardan, au xii° siècle, signale le mariage comme le cinquième sacrement. Bien avant lui, Jean d’Ozni, au début du vii° siècle, avait insisté sur le caractère religieux du mariage, et l’avait appelé un sacrement : Magnum nobilis connubii mysterium.