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MARIAGE, OPPOSITIONS SCIENTI1 [Ql ES A LA DOCTRINE


préventif l’ajournement du mariage Jusqu'à un âge assez tardif, la continence devant être gardée dans le célibat, moral restraint. Tel est le sujet de la seconde édition d’Un Essai sur le principe de la population,

Londres, 1803. On trouvera la traduction de trois passages essentiels de ce livre, précédés d’une notice et d’une bibliographie dans P, (iemàhling, Les grands économistes, textes et commentaires, Paris, 1925, p. 121-143.

Du vivant même de iMalthus, commença une propagande dont le point de départ est fourni par les observations de l’Essai sur l’accroissement de la population, mais dont les conclusions pratiques sont nouvelles. Cette propagande fut inaugurée en Angleterre vers 1820. Cf. J. A. Field, The earlg propagandist movement in English population theorg, dans The american économie Reoiew, 1911. Le néo-malthusianisme « rejette le moral restraint, l’abstention, l’ajournement ou la réduction des rapports sexuels physiques, comme une condition impossible ou trop pénible, et recommande un ensemble de pratiques diverses, d’artifices, pour rendre les relations physiques sexuelles à volonté improductives. » Paul Leroy-Beaulieu, La question de la population, Paris, 1913, p. 297. Les conditions sociales de l’Angleterre, au lendemain des guerres de l’Empire, étaient très favorables à l'épanouissement de la nouvelle doctrine. James Mil), le père du philosophe, l’adopta discrètement (1818) et Thomson sans aucun voile (1824). Elle prit aussitôt une forme populaire, des tracts la répandirent. Après vingt ans d’interruption, elle reparut, en 1854, dans les Éléments de science sociale de Drysdale, où est présentée la théorie de la « copulation préventive », c’est-à-dire « accompagnée de précautions qui empêchent la fécondation, » et, avec une vigueur qui n’a fait que croître, en 1876 : Annie Besant et Ch. Bradlaugh en étaient alors les apôtres. P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 295-319.

L’argument initial des néo-malthusiens est d’ordre économique et social : il s’agit de limiter la misère en limitant le nombre des naissances, d’enseigner aux époux les moyens d'éviter la procréation d'êtres dont ils ne pourraient assurer la subsistance. Mais le principe libertaire n’a point tardé à élargir le programme primitif : non seulement, il est nécessaire d'éviter la surpopulation, mais il est loisible à tout homme de ne point engendrer, à toute femme de ne point enfanter. Les pratiques anti-conceptionnelles dont le but avait été d’abord la défense sociale servent, désormais, à défendre l’individu contre les anciennes règles sociales, à lui procurer un plaisir égoïste et sans fruit.

b. L’eugénique. — La recherche d’une conciliation de l’intérêt individuel et de l’intérêt social fit éclore, vers le milieu du xixe siècle, une science nouvelle, qui renforçait les positions des néo-malthusiens. A côté d’eux, d’accord avec eux sur bien des points, malgré les conflits de principe et la rivalité de secte, les eugénistes commencèrent leur propagande. On considère comme leur fondateur l’anthropologiste F. Galton (1822-1912), qui fut au moins l’inventeur du mot eugénique et qui, dans plusieurs traités, exposa les conditions du progrès physiologique de la race humaine. Béduire le taux de la natalité parmi les individus inaptes à une saine procréation, favoriser la reproduction des plus aptes : tel est le programme qu’il propose. « L’eugénique, écrit Mme Benée David, refuse le droit à la procréation à tout être susceptible d’engendrer un malade ou un criminel, un malheureux : elle lui dénie le droit de perpétuer la souffrance. Elle condamne à la stérilité les tuberculeux, les syphilitiques, les alcooliques, les épileptiques, les criminels, tous ceux qui peuplent les hôpitaux, les asiles, les prisons, tous les refuges de la misère humaine, physiologique ou morale : l’eugénique refuse aussi le

droit de donner la vie à tous ceux qui n’ont pas les ressources matérielles suffisantes pour assurer à leur postérité le bien-être, l’hygiène nécessaires au développement normal d’un enfant sain. - Art. de ParisSoir, cité dans Le l’r’trc et la Famille, bulletin de l’A. M. ('.. (Association du mariage chrétien », 1926, p. 251. En somme, le néo-malthusianisme s’occupe surtout de la quantité de la population, tandis que l’eugénisme ne s’intéresse qu'à la qualité de ses éléments. In laboratoire, une société savante, un périodique ont été créés par Galton pour l’avancement de l’eugénique. Quant à l’action sur le public, elle a été assurée principalement par l’extraordinaire initiative de la doctoresse Marie Stopes qui a fondé, en 1921, une société pour l'éducation sexuelle et la diffusion des saines méthodes physiologiques de contrôle >-, birth control, et la Clinique des mères où, sur les 5000 premières femmes qui se sont présentées, 4834, dont 599 n’avaient jamais eu d’enfants, voulaient être renseignées sur la pratique anti-conceptionnelle, 166 sur les moyens d’avoir des enfants. Manuel Devaldès, Le malthusianisme et l’eugénisme en Grande-Bretagne, dans Mercure de France, " mars 1926, p. 257-279.

La rencontre des diverses inspirations que nous avons énumérées devait assurer à la nouvelle morale sexuelle un immense succès. Beaucoup d’hommes détachés de la foi traditionnelle, beaucoup d' « avancés » — encore que la Ligue malthusienne ait gardé jusqu'à ces derniers temps, en Angleterre un caractère antisocialiste — lui ont donné leur adhésion. La crise économique qui, depuis 1920, sévit en Angleterre impressionne beaucoup de philanthropes. Cf. A. Andréadès, professeur à l’Université d’Athènes, La population anglaise avant, pendant et après la Grande Guerre, Ferrare, 1922, p. 64-77. L’eugénisme y a rallié de grands bourgeois conservateurs et inquiets, des ministres et jusqu'à de hauts dignitaires anglicans, dont le plus ardent semble être l'évêque de Birmingham, le Bev. D r Barnes et le plus éminent le doyen Inge. M. Keynes, l’auteur des Conséquences de la Paix, est un malthusien et un eugéniste convaincu, et M. Lloyd George, quand il était premier ministre, encourageait les malthusiens à préparer une opinion favorable au gouvernement, pour ! e cas où il viendrait à soutenir leur propagande par des mesures légales. Au Congrès du Labour Party, en septembre 1925, une motion favorable au néo-malthusianisme ne fut repoussée que par 1.824.000 voix contre 1.530.000. La Chambre des Lords montra moins de scrupules quand, le 29 avril 1920, malgré l’opposition du Gouvernement, elle adopta par 57 voix contre 44 une résolution aux termes de laquelle les Comités d’assistance sociale établis sur les divers points du territoire, sont autorisés à donner aux femmes mariées toutes indications nécessaires sur les meilleurs moyens de limiter le nombre de leurs enfants. Dans tous les pays, des Ligues se sont fondées pour faire connaître et justifier les pratiques anti-conceptionnelles : l’Union pour l’Harmonie sociale en Allemagne (1889), la ligue de la Bégénération humaine du D r Bobin (1896), etc.

Quant aux résultats de la propagande, ils ont été partiellement étudiés en divers pays. En France, le chiffre des naissances à diminué d’environ 1/3 dans les villes du Nord contaminées par le néo-malthusianisme. Et le nombre des avortements était, avant la guerre, si considérable, que les statistiques les plus optimistes les évaluaient à 100.000 par an pour la France, tandis que certain médecins proposaient : 500.000. Cf P. Leroy-Beaulieu, op. cit., p. 320-338. La baisse de la natalité en Angleterre est beaucoup plus rapide encore qu’en France. « C’est un chapitre de la décadence peut-être irrémédiable de l’Angleterre qui est en train de s'écrire sous nos yeux, » déclare