Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.2.djvu/449

Cette page n’a pas encore été corrigée
2303
2304
MARIAGE, DOCTRINE MODERNE, LE SACREMENT


réglementation du lien de mariage est donc bien arrêtée. On en peut dire autant de la théologie, où l’on distingue encore des vérités de toi et des opinions certaines, mais où la part des simples probabilités a été presque complètement éliminée.

a) Le ministre. D’abord la théorie de Cano, qui fournissait un appui aux adversaires de l'Église, se trouva indirectement atteinte par les définitions pontificales du contrat-sacrement. Quelque temps encore, elle fut traitée avec certains ménagements : on en peut voir un exemple dans Gerdii. Mais, au cours du xixe siècle, l’opinion contraire devint l’opinion commune. On trouvera une discussion détaillée dans Carrière, De matrimonio, t. i, p. 15-70 ; Rosset, op. cit., t. i, p. 296-320 ; l’erroné, op. cit., t. i, p. 18-175.

La doctrine de Cano a été réprouvée par Pie IX, dans sa lettre Ad apostolicæ Sedis (22 août 1851) qui condamne les œuvres et les doctrines de NuytL, et par Léon XIII dans la lettre Arcanum divinæ (10 février 1880,. Elle n’a plus aujourd’hui de partisan. Cf. Billot, op. cit., p. 370 ; Schanz, Die Lehre non den heiligen Sucramenten…, Fribourg, 1893, p. 738 sq. On se demande seulement quelle notion les époux doivent avoir de leur ministère. Et l’on admet que, pour la validité du sacrement, il n’est point nécessaire que les contractants sachent qu’ils sont les ministres : il suffît qu’ils aient l’intention générale de contracter mariage selon l’esprit de l'Église, plus simplement, qu’ils ne manifestent point explicitement la volonté de ne pas recevoir le sacrement. Tanquerey, Synopsis… De matrim., n. 12, p. 319. Vouloir le contrat, c’est vouloir’le sacrement. Noldin, op. cit., n. 510 ; Franzelin, De sacramentis in génère, Rome, 1868, p. 226

Cette doctrine n’est pas en contradiction avec la doctrine générale d’après laquelle le ministre du sacrement peut accomplir le rite sans conférer le sacrement. Si les époux ne veulent point réaliser le sacrement, il n’y aura point sacrement, mais parce que le contrat et le sacrement sont inséparables che7. les chrétiens, que tout contrat a été élevé par lésus-Christ à la dignité de sacrement, il n’y aura point de contrat. Sasse, op. cit., t. ii, p. 388 sq.

Les personnes qui seraient en état de péché mortel au moment de contracter mariage commettraient un péché mortel, puisque le mariage, étant un sacrement des vivants, postule nécessairement l'état de grâce. Voir quelques distinctions sur ce sujet dans Cappello, p. 776 sq.

b) Matière et /orme. — Les discussions sur la matière et sur la forme semblent aussi définitivement closes. Aujourd’hui on reconnaît communément la forme dans l’expression du consentement : paroles ou signes. Cf. Billot, th. xxxs’ii, coroll. 1 ; Gasparri, op. cit., t. i, p. 23.

Sur la matière, les opinions ont été plus nombreuses que sur la forme parmi les théologiens : elles étaient de bien moindre conséquence, puisqu’elles ne risquaient pas de séparer le contrat et le sacrement. Les thèses des classiques gardent toutes des partisans, dans les temps modernes. Parmi les opinions plus récentes, celles de saint Alphonse de Liguori, de Benoît XIV, de Lugo sont le plus fréquemment reproduites. On les trouvera, par exemple, dans Rosset, n. 356 sq., t. i, p. 289 sq. L’opinion qui semble aujourd’hui la plus répandue, et qui a pour elle l’autorité de Dom. de Soto, deBellarmin, de Suarez, est celle qu’exprime le cardinal Gasparri, loc. cit. : Pr&ferimus illos qui dicunt maleriam remotam esse jus coeundi. proximam esse verba, signa… exprimentia consensum qui/tenus important traditiomm juris ; formant ! esse eadem verba, signa… exprimentia consensum qualenus important acceptionem juris. Nam hac acceptione completur contractus et ideo sacramentum, et proinde tune verificatur illud : aeeedit verbum ad elementum et fit

sacramentum. Cf. A. Blat, op. cit., t. iii, part. 1, p. 106 sq. ; Huarte, n. 221 ; Pescb, n. 758 sq. ; Billot.

loc. I il.

5. La i/rire et le cara’tire. Le consentement mu

t ml, sacramentum lantum, réalise le lien, rem et sacramentum, et procure la grâce, rem, laquelle se produit des qu’aucun obstacle ne s’y oppose.

Le mariage, per se. confère la grâce à ceux qui in étal de la recevoir, la grâce seconde, un accroissement de la grâce, et non la grâce première, puisqu’il est un sacrement des vivants. Comme les autres sacrements des vivants, il peut, per occidens, produire la grâce première en ceux qui se trouveraient en état de péché mortel, sans avoir conscience de leur état, et avec la contrition imparfaite, sallem hubitualiter. telle est, du moins, l’opinion la plus répandue chez les théologiens ; cf. ci-dessus, Attrition, t. i, col. 21M8 sq.

La grâce sacramentelle du mariage est en quelque sorte cette réserve, ce potentiel de grâces d'état, qui permettra aux époux de remplir tous les devoirs et de supporter toutes les charges du mariage. Cette grâce sacramentelle les incitera à rechercher la fin première du mariage, a donner à leurs enfants l'éducation religieuse et morale et de bons soins temporels, can. 1013, à s’aimer et â s’entraider constamment avec joie, à modérer leurs désirs charnels.

Si les époux ne sont pas en état de recevoir la grâce au moment où se forme le lien, la reviviscence du mariage se produit, remoto obice, car le lien conjugal dure comme ratio exigitiva de la grâce et Dieu ne saurait priver de la grâce sacramentelle les époux bien disposés. Hervé, op. cit., p. 496 sq. Sur la curieuse théorie de Leitner, op. cit., p. 61 sq., cf. Wemz-Vidal, p. 36, note 59.

L’attention des théologiens est sollicitée par un problème qui n’avait guère été approfondi jusqu'à ces dernières années, celui du caractère. Les canonistes de la fin du Moyen Age ne l’avaient pas méconnu. Peut-être, pour écarter leur sentiment, cette simple observation de Lugo paraîtra-t-elle suffisante : le mariage non constitua hominem in aliquo offlcio rel ministerio pertinente ad Christum, ralione cujus oporteat hominem peculiari nota Christi insignire. Disputationes scolasticæ el morales (h sacramentis in gêner ?, Lyon, 1636, p. 103. En Allemagne, une doctrine plus nuancée que celle du xv siècle s’est formée dans ces dernières années : celle du quasi-caractère Voir CArtvefftFK

SACRAMENTEL, t. II, COl. 1708.

6. L’institution et les développements du mariage. — Les grandes époques de l’histoire du sacrement de mariage ou, comme disaient les scolastiques, ses diverses institutions, sont exposées de la manière suivante par les théologiens.

Dieu a créé la société conjugale (Hoc mine os…) el lui a assigné sa tâche fCres’itc..). L’opinion de Pabst, Adam und Christus…. p. 38 sq., d’après laquelle la sexualité est une conséquence du péché d’Adam, est erronée. Dès l’origine, le mariage était un signe sacré de l’union future du Christ et de l'Église. La monogamie et l’indissolubilité sont ses traits primitifs. L’acte de Lamech est une violation de la loi qui a régné jusqu’au déluge.

La polygamie fut permise aux Israélites par une dispense, le divorce s’introduisit parmi eux, et Dieu le permit dans certaines limites. La formation du lien a été réglementée par Moïse qui, sur l’ordre de Dieu, énonça plusieurs empêchements.

Jesus-Christ éleva le contrat à la dignité de sacrement de la Loi Nouvelle. Quatre opinions sont encore aujourd’hui proposées sur le moment de cette institution : les uns pensent que le sacrement de mariage a élé institué lorsque la nature divine, en la personne