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MARIAGE, DOCTRINE MODERNE, LE SACREMENT


pouvoir séculier, car la loi de l’indissolubilité est de droit naturel secondaire et confirmée par le droit divin positif. Mais les trois causes de dissolution admises par le droit classique de l’Eglise sont encore aujourd’hui reconnues : le privilège paulin qui fera l’objet d’un art icle dans ce Dictionnaire I sur les controverses récentes, cf. De Sinel. op. cit., |>. 29 1 sq.), la profession religieuse et la dispense pontificale.

La profession solennelle dans un ordre religieux proprement dit dissout te mariage non consommé. Can. 1119. La collation des ordres sacrés n’a point le même effet, ni les vœux simples soit temporaires soit même perpétuels. On trouvera les catégories d’ordres à vœux solennels dans Fourneret, op. cit., p. 194 s : q. La controverse au sujet de l’efficacité des vœux simples émis par les membres de la Compagnie de Jésus qui, depuis Grégoire XIII, divisait les théologiens (cf. Fahrner, op. cit., p. 308-310, qui cite les opinants) est terminée. L’efficacité de la profession solennelle a sa source dans le droit ecclésiastique, d’après l’opinion la plus répandue aujourd’hui, la seule, fait observer Fahrner, qu’autorise l’histoire, bien que certains auteurs aient fondé celle efficacité sur le droit naturel ou sur le droit divin. Fahrner, op. cit., p. 296-301 ; De Smet, op. cit., p. 288 sq., où l’on trouvera la liste des opinions anciennes et modernes.

Tout mariage non consommé peut être dissous par l’autorité du Souverain Pontife, can. 1119. Voir ci-dessus, t. iv, col. 1469-1470. Les canonistes modernes font observer qu’il ne s’agit point là d’une dispense au sens strict (relaxatio legis) mais d’une véritable dissolution du lien. Cette dissolution ne pouvant être accordée que par Dieu, l’Église en la prononçant, n’exerce pas un pouvoir propre, mais un pouvoir ministériel et instrumental. Elle ne l’exercera donc légitimement que si une juste cause est invoquée. Un décret de la S. C. des Sacrements du 7 mai 1923 fixe les règles à suivre pour prouver la non consommation. Acta apostolicæ Sedis, t. xv, p. 389-436 ; Canoniste contemporain (Villien), 1924, p. 49-64 et 97-112. Ce décret précise que la S. C. des Sacrements est seule compétente pour connaître du fait de nonconsommation du mariage et de l’existence d’une juste cause de dispense : c’est une cause réservée. En principe, seuls les époux peuvent demander dispense du nvdrimonium ratum et non consummutum. L’opinion commune est que le pape ne pourrait dissoudre ce mariage à l’insu des époux ou malgré eux. Cette opinion s’appuie sur les can. 1119 et 1973 et sur la règle 5 du décret cité ; sur la tradition, qui ne montre aucun exemple de dispense accordée à l’insu des deux époux ; sur la raison, qui ne découvre point de cause juste de séparation, utroque sponso invita. Wernz, op. cit., p. 736, note 37. Cappello combat ces arguments, p. 795. Pourquoi, demande-t-il, le pape ne pourrait-il, malgré l’inaction ou la résistance des époux, dissoudre un mariage non consommé s’il y voit une cause juste ? Le droit ecclésiastique dissout, indépendamment de leur volonté, par une loi générale, le lien des époux qui font profession solennelle, a fortiori devrait-il dissoudre ce lien dans un cas particulier s’il y a justa causa. Et Cappello expose un cas soumis au Saint-Siège, que la mort vint résoudre au cours de l’instance et dont il ne doute point (pro certo habemus) qu’il eût fourni à sa thèse une confirmation décisive.

Le mariage consommé, entre chrétiens, est absolument indissoluble. Can. 1118. Mais le mariage consommé, entre infidèles, peut être dissous par le pape, lorsque les époux, convertis, se trouveront soumis à sa juridiction, pourvu que, depuis le baptême, ils n’aient pas eu de relations conjugales. Si un seul des époux se convertit, les auteurs ne sont point d’accord sur le

droit d’intervention de la papauté ; cependant, la plupart admettent que le Souverain Pontife pourrait rompre le lien, Cappello, op. cit., p. 826 sq. Même Je mariage contracté validement, entre un non-baptisé et une hérétique baptisée, peut être dissous par le pape, et, en fait, la dissolution de mariages de cette sorte a été récemment prononcée. Voir deux réponses de la Congrégation du Saint-Office du 10 juillet 1924, dans L’Ami du clerr/c, 192"), p. 109, et du 5 novembre 1924, dans Ecclesiasticai Review, 1925, t. i.xxii, p. 188. Les réponses s’appliquent à un mariage contracté sans dispense ; mais des auteurs récents (De Smet, op. cit., p. 285) considèrent que la dispense ne modifiant en aucune manière la nature du mariage, le pape pourrait dissoudre un mariage contracté avec dispense entre deux personnes dont une seule aurait reçu le baptême.

A l’exception des trois causes que nous venons d’indiquer profession religieuse, privilège paulin, dispense pontificale — le mariage ne peut être dissous, tant que vivent les époux. Mais les époux peuvent être dispensés de la vie commune. La principale cause de séparation, la seule cause de séparation perpétuelle est l’adultère qui doit être consommé, pleinement volontaire, non compensé par l’inconduite du conjoint ni autorisé par lui, expressément ou tacitement. Can. 1129 Bien d’autres causes peuvent être invoquées : apostasie ou hérésie, péril grave de l’âme ou du corps, éducation non catholique des enfants, vie criminelle et ignoble. Can. 1131, § 1. Sur ces questions, que nous n’avons pas à traiter ici, cf. De Smet, op. cit., p. 220-232 ; Cappello, op. cit., p. 864-873 ; Wernz-Vidal, op. cit., p. 778-786 : Gasparri, op. cit., t. ii, p. 324 sq.

3. Rôle de l’Église et de l’État.

« Baptizalorum matrimonium regitur jure non solum divino, sed etium canonico, salna competenlia civilis potestatis circa mère cii’ilps ejusdem matrimonii efjectus. Le mariage des baptisés est régi non seulement par le droit divin, mais encore par le droit canonique, la compétence du pouvoir civil restant sauve pour ce qui concerne les effets purement civils dudit mariage. » Can. 1016. L’Église seule est qualifiée pour statuer en toute matière ou atïaire relative au contrat-sacrement et au lien de mariage. Le fondement de cette compétence exclusive est à la fois d’ordre théorique et d’ordre pratique. Le mariage est un sacrement et le contrat ne peut être séparé du sacrement. Même considéré comme contrat naturel, le mariage est sacré puisqu’il multiplie les sujets de l’Église militante et de l’Église triomphante. Le droit de l’Église est donc fondé sur la nature même du mariage. Il a Dieu pour auteur et ne dérive point d’une loi ecclésiastique (comme le pense Schnitzer, op. cit., p. 46 sq.), encore moins d’une concession du pouvoir séculier. On ne saurait même accorder au pouvoir séculier une part dans la réglementation du contrat-sacrement et du lien de mariage. Le concours des deux puissances » pour la réglementation du mariage, qui fut jadis recommandé par divers auteurs est une conception périmée. Des contradictions sont inévitables entre deux législations indépendantes qui ont le même domaine et comme le bien surnaturel l’emporte sur le bien naturel, qu’il ne contrarie d’ailleurs, en aucune mesure, le droit exclusif de l’Église est fortifié par la considération de l’intérêt public. De Smet, op. cit., p. 357 sq.

Ce pouvoir exclusif de l’Église est législatif, judiciaire et coercitif. La loi ecclésiastique fixe les conditions de validité et de licéité du contrat-sacrement, toutes les conséquences qui en dérivent naturellement : droits et devoirs des époux, statut des enfants, enfin il règle toutes les questions intimement rattachées au vinculum conjugale, notamment les fiançailles. Le