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MARIAGE. L’OPPOSITION DES RÉGALU NS

du contrat-sacrement, plusieurs ecclésiastiques cherchaient la solution moyenne. Elle fut proposée par Pierre iUMarca, archevêque de Paris, par Habert, évéque de Vabres, et avec plus d'éclat par Gerbals, Traité pacifique du pouvoir de l'Église et du princes sur npéchements du mariage, Paris, 1690. tuvrage de Gerbals est divisé en trois parties. La première combat le paralogisme grossier et honteux vie Launo). ear enfin voici comme il raisonne. Il y a quelque chose do civil dans le mariage dos chrétiens ; il importe quelquefois à la République de mettre des conditions et empêchements à ce mariage ; donc il n’appartient qu’aux princes et point à l'Église de mettre de semblables empêchements. Op. cit., p. 37. Le raisonnement absurde de Launoy exclurait aussi bien l’application du droit naturel que celle du droit ésiastique. Or le mariage a pour premier fondement un contrat de droit naturel, que le contrat civil suppose et perfectionne, pour devenir lui-même la matière du sacrement A l'Église de fixer les conditions requises pour recevoir le sacrement. A l’Etat de réglementer le contrat civil le plus digne de ses soins, le plus important pour la conservation de la lublique dont il est comme le séminaire >. Op. cit., p. 294. loi -t le sujet de la seconde partie, dirigée contre los ultramontains. Le prince, en réglementant le contrat, ne louche point au sacrement, pas plus qu’un enfant qui troublerait la pureté de l’eau dos fonts baptismaux ne toucherait à ce qu’il y a de sacré dans le baptême, ou un chirurgien qui coupe un liras a un prêtre, le rendant irrégulier, ne porte la vertu de s, » n art jusqu’aux ministères sacrés dont il fait r i’oxoroiee. Concilier le pouvoir de l'Église et celui de l'État : tel est le plan de la troisième partie, deux pouvoirn’ont-ils pas un objet différent ? uns distinctes* ! Et ces fins ne sont-elles pas bien accordées, - puisque le bien spirituel et le bien temporel résultent également des alliances légitimes et bien ordonnées. pour que l’ordre providentiel ne risque point d'être troublé par l’action des deux puissances, résolues d’ailleurs à faire droit a leurs remontrances réciproques 1 Cf. Covillard. op. cit.. p. 48-58 (exposé et critique de la thè Gerbais).

Ce compromis suggéré par Gerbais plut à de nombreux auteurs : par exemple, le Truite des empêchements au mariage, do.1. Boileau (?), Cologne, 1691, les Conférences ecclésiastiques de Paris sur le mariage. rédigées en 1603 par ordre du cardinal do Noailles, les Lois ecclésiastiques de Héricourt. I’aris, 1771, s’en inspirent. Mais une opinion plus radicale, encore suggérée par d’imprudentes tbéories des théologiens, fut présentée par I.éridant. dans son Examen de deux questions importantes sur le mariage, concernant la Puissance civile. 1753 Dès le début, Céridant expose 1res clairement sa thèse : Jésus-Christ n’a point métamorphosé le mariage. Il a maintenu le contrat, sans y rien changer, sans modifier les droits de la puissance civile. Mais il a ajouté au contrat le sacrement qui est conféré par la bénédiction nuptiale. Le contrat sera donc réglementé par l'État qui, seul, peut poser des empêchements dirimants puisque ces empêchements ne visent que le contrat. Quant à l'Église, elle jugera si les époux sont dignes de recevoir la bénédiction. Tel est son droit propre, Ces autres droits dont elle jouit actuellement résultent de concessions révocables du prince, t On confond mal à propos le mariage, avec le sacrement du mariage ou avec le sacrement que JésusChrist a établi dans son Église, pour bénir et sanctifier le mariage. Ce mariage existoil avant Jésus-Christ. Il est aussi ancien que le monde. Notre divin Législateur n’en a pas change la nature. Il a seulement établi dans son Lgiise un sacrement pour le sanctifier et

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pour répandre des grâces sur ceux qui se marient

t.. p. 2

l’ar une méthode tout opposée, i orrj aboutissait aux moines conséquences que Léridant dans ses Recherches sur le mariage, 1760. Le mariage est, pour Lorry, un acte indivisible : le contrat a été élevé a la

dignité de sacrement. mais le sacrement n’a pas absorbe le contrat, qui reste la pallie principale el substantielle. Or. par sa nature, le contrat est soumis a la loi dos princes, qui peuvent établir des empêche monts dirimants,

La séparation du contra', et (lu sacrement est d’ailleurs proposée non seulement par des partisans ou des polémistes, mais par les autours d’encyclopédies.

On la trouvera notamment au mot Mariage, dans le Dictionnaire de droit et de pratique do Ferrière, et dans la Collection de décisions de Denizart. Pothier, dans le

Contrat de mariage, c. iii, art. 1. repond aux i ar| monts frivoles des théologiens : i Il y a deux choses dans le mariage : le contrat civil entre l’homme et la femme qui le contractent et le sacrement qui est ajoute au contrat civil et auquel le contrat civil sert de sujet et de matière, i

Ainsi, toutes les doctrines régaliennes au sujet du mariage partent do la distinction du contrat et du sacrement, qui est conçue de bien des manières Les uns s’arrêtent a considérer la permanence du contrat. qui existail avant le christianisme et demeure inchange, donc soumis, comme jadis, au pouvoir réglementaire dos princes. D’autres admettent que le sacrement a pour base le contrat et n’en peut être sépare, mais qu’il no peut davantage en modifier la nature. Il on est qui séparent totalement le contrat et lo sacrement. le premier tirant sa force de la volonté des époux confirmée par la loi. lo second, de la bénédiction du prêtre. Enfin, la comparaison la plus populaire est celle d’Hennequin, cent fois reproduite : i N.-S. Jésus-Christ, en élevant le contrat civil enté (si le veut M. Gerbais) sur le contrai nature), à la dignité de sacrement de la nouvelle loi, n’a rien changé dans ce contrat comme civil, il a seulement impose, attaché, enté, comme sur un fondement nécessaire, comme sur un tronc, comme un accessoire au principal, la nature et la dignité de sacrement, en sorte que, depuis cet le élévation, le contrat civil est demeuré tel qu’il était auparavant. » Traité des empêchements au mariage, c. v, p. 79. Le but commun de tous ces ( ivilistes est donc de réserver la part du contrat, c’est a-dire de l'État.

Leur pensée commune, aussi, et qui los sépare profondément du laïcisme postérieur, c’est que le mariage est un sacrement et qu’a ce titre, l'Église ne saurait s’en désintéresser. Comment conciliaient-ils leur profession de catholicisme et leur opposition au canon 4 du concile de Trente, qui proclame le pouvoir de l'Église de fixer impedimeidn matrimonii dirimential Parfois par une exégèse sophistique appliquée au mot Église (Launoy), ou qui sous-entend (sacramenti) matrimonii (Gerbais), parfois par cette observation que le concile n’a pas été reçu en France (Talon), ou même que sa décision est nulle étant « une entreprise sur les droits de la puissance temporelle » (Léridant). Lt de même l’objection que l’on aurait pu tirer contre eux des premières ligues du décret

lametsi qui condamne ceux qui affirment la nullité du mariage contracté par un fils de famille sans le consentement de son père, est écartée grâce à des interprétations rusées : le concile ne vise que les protestants disait-on, ou bien : c’est une question purement disciplinaire.

Les droits du prince n'étaient pas défendus seulement par des jurisconsultes. Des canonistes les soutinrent, hors du cercle de la dispute régalienne. les