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    1. MARIAGE##


MARIAGE, CONTROVERSES QUI SUBSISTENT

sujets, celui de la grâce excepté, où s’affrontent

plus résolument les tendances entre lesquelles se sont

partagés les modernes : l’optimisme et le pessimisme ? Déjà r Histoire littéraire du sentiment religieux en

France de II. Bremond nous a révélé bien des pages dignes de mémoire sur le mariage chrétien, ainsi celles du P. Yves de Paris, t. i, 3' pari., c. in. Nos classiques fourniraient de belles anthologies de conseils à l’u des divers étals.

Il serait injuste, d’ailleurs, de réduire la part qui revient aux théologiens didactiques dans le combat mené par l'Église pour la dignité du mariage. Tel ouvrage comme le De arle benc moriendi de Bellarmin contient de bonnes pages sur les devoirs des gens mariés, t. I, c. xv, dans Opéra, t. vin. p. 583 sq.

4. Les controverses relatives au ministre et aux éléments du mariage.

Les décisions du concile furent donc accueillies par les catholiques avec une soumission parfaite. Mais plusieurs opinions proposées par les orateurs, au concile, devaient nourrir des débats séculaires.

L’année même de la discussion des articles relatifs au maFiage, en 1563, paraissait le fameux traité De locis theologicis du théologien humaniste Melchior Cano. Voir Ca.no, t. ii, col. 1538 sq. et Lieux théologiques, ci-dessus, col. 712 sq. La thèse qui nous intéresse est développée dans le t. VIII, c. v, et indiquée en deux autres endroits de l’ouvrage récemment réédité, mais que nous avons dû citer d’après l'édition de Lyon, 1704. Sur aucun sujet, Cano n’a remarqué autant d’incertitude et d’ambiguïté dans les avis des théologiens que sur le sujet du mariage. Confère-t-il la grâce ? Quelles en sont la matière et la forme ? Le concile de Florence lui-même n’a osé se prononcer sur ces points. En réalité, tout mariage n’est pas un sacrement. D’abord, les paroles sont nécessaires pour l’existence du sacrement, comme l’ont déclaré Pierre Lombard, saint Thomas et le concile de Florence : dès lors, le mariage par signes, le mariage entre absents, le mariage présumé ne répondent point à la définition. Plusieurs docteurs illustres le remarquent et la raison les justifie amplement. Op. cit., p. 324 sq., 621, 788. Les paroles sont donc nécessaires. Mais de simples paroles exprimant la volonté des parties n’aboutissent qu'à la formation d’un contrat, qui n’est point le sacrement. La preuve que le contrat est distinct du sacrement, c’est que l’excommunié ou celui qui est en état de péché mortel ne commet pas un sacrilège en prononçant les paroles de présent. Cum igitur matrimonium solis verbis viri et feminse, civiliter prophaneque conlractum, licet rei sacræ signaculum sit, non sit tamen opus religionis sacrum, cerle non est proprie sacramentum. Op. cit., p. 326. Où est le signe de la sanctification dans un tel mariage ? Pour qu’il y ait sacrement, il faut la réunion de trois éléments : matière, forme, ministre. Or, les paroles des contractants fournissent la matière, non la forme du sacrement, car la forme doit être surnaturelle : Cujus sciliect et vis et signiftcalus non a natura, sed a causa quadam superiore oriatur. Ibid., p. 327. Mais les paroles : Ego te accipio… sont purement naturelles et peuvent être prononcées par des païens. En outre, les formules dont se servent les contractants sont variables et non point déterminées par l’institution divine comme il convient aux sacrements ; quant à l’opinion d’après laquelle les époux sont ministres du sacrement, Cano ne prend même pas la peine de la discuter : Nec -vero audiendi sunt illi qui putabunt virum ac feminam esse sibi vicissim sacramenti minislros.

Quel mariage faut-il donc considérer comme un sacrement ? « Celui qui a la forme sacramentelle et a été consacré par un vrai ministre de l'Église, » p. 325. » Ce ministère rend le sacrement profitable, » p. 327. » Au mariage contracté sans la présence d’un prêtre ou d’un ministre de l'Église manque un élément : il n’y a donc point sacrement, » p. 621. Cano invoque — non sans quelque fantaisie — le témoignage de plusieurs théologiens eu laveur de sa doctrine, qu’il considère comme la meilleure à opposer aux protesi anl 5.

De nombreux théologiens l’adoptèrent, surtout en France. La liste des partisans et des adversaires se trouve dans presque t ous les traités. Voir, par exemple, saint Alphonse de Liguori, Theol. mor., édit. Vives, t. iii, p. 706. Il convient de mettre au premier rang, parmi ceux qui fortifièrent les fondements et le crédit de cette théorie, Estius, dist. XXXI, § 10, et Silvius qui dans son Comment, in IID m parlem S. Thomas, q. xiii, a. 1, Anvers, 1695, p. 629, multiplie les arguments : la bénédiction a été appelée sacramentum par Alexandre Illdans le can. Cum Ecclesia (Desimonia) et par Martin V au concile de Constance. Plusieurs rituels et plusieurs conciles provinciaux, Cambrai, 1567, Reims, 1583, appuient cette notion. Enfin, c’est trop accorder aux époux que de reconnaître en eux les ministres du sacrement : savent-ils ce qu’est l’intention requise par l'Église du ministre de tout sacrement ? Comment les soumettre à une forme déterminée ? En que ! autre sacrement voit-on confondus le ministre et le sujet ? Et l’on invoquait encore les paroles que le décret De clandestinis met sur la bouche du prêtre : Ego vos in matrimonium conjungo. La détermination du ministre donna lieu à des théories variées. Pour Catharin, Dieu lui-même est le ministre du sacrement. Pour Maldonat, le prêtre est ministre ordinaire, les contractants sont ministres extraordinaires.

Avant même que fût publiée la thèse de Cano. Dominique de Soto, son collègue à Salamanque, en imprimait (1560) une réfutation, avec cette remarque, probablement malicieuse, que jamais il n’a rencontré cette opinion que le prêtre est ministre du sacrement. In IVum Sententiarum, dist. XXVI, q. ii, a. 3, Douai, 1613, p. 623. Bellarmin, dans sa Seconde controverse, développe de nombreux arguments contre la thèse de Cano, op. cit., p. 56-77. Ni les Écritures, ni les conciles ne fournissent un texte où le prêtre soit désigné comme ministre du sacrement de mariage : les théo logiens professent communément l’opinion que les contractants eux-mêmes sont ministres. La distinction proposée par Cano entre le contrat des époux et le sacrement administré par le prêtre est nouvelle. Sans doute, le concile de Florence a défini qu’en tout sacrement sont requis des verba ; mais il s’agit des paroles ou même des signes par quoi les époux expriment leur volonté. Si l’on objectait le rôle du prêtre dans la pénitence, c’est que l’on assimilerait maladroi tement jugement et contrat : le prêtre qui absout remplit les fonctions de juge et donc doit prononcer une sentence, tandis que les contrats sont parfaite^ ment valides entre muets. Et dès qu’un contrat de mariage est conclu par des chrétiens, le signe de l’union du Christ et de l'Église se trouve réalisé : le concile de Florence, en déclarant qu’un ministre est indispensable dans tout sacrement n’a point dénié que les époux qui font le contrat de mariage fussent ministres du sacrement. Cano demande quelle est la part du sacré dans ce contrat qui semble tout profane : il oublie le signe de l’union du Christ et de l'Église ! Et quand il refuse aux époux l’aptitude à se conférer le sacrement, à remplir en même temps le rôle d’agens et de patiens, il ne prend point garde que son argument, s’il était efficace, ruinerait aussi bien le contrat que le sacrement. Les divers appuis que Cano cherche dans les Commentaires des scolastiques, Bellarmin les discute méthodiquement, et il n’est pas sansintérêt