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MARIAGE, LE CONCILE DE TRENTE


Nombreux étaient ceux qui regardaient comme essentielle la bénédiction nuptiale. Ainsi les évoques d'Évreux, Ehses, p. 05 : 5, de Ségovie, p. 657, d’Orléans, p. 660, de Lérida, p. 666, bien d’autres encore. Plusieurs demandèrent que l’on ajoutât expressément que le prêtre est ministre du sacrement. Ehses, p. C75 (Alife).

4. Le deuxième projet.

Le projet fut remanié conformément à certains vœux des Pères. On le divisa en trois parties : douze canons De sacramento matrimonii, un décret De clandestinis matrimoniis, douze canons Super abusibus circa sacramentum matrimonii. Ehses, p. 682-684. Le c. 1 amplifié reçut sa forme définitive. Voir ci-dessous, col. 2246. L’affirmation de la validité des anciens mariages clandestins n’est plus énoncée isolément comme dans le c. 3 du premier projet, mais placée dans le préambule du décret. Tout ce qui concerne la clandestinité se trouve donc dans le décret : première nouveauté qui sera durable. La seconde, c’est l’adoption du motif d’inhabilitatio personarum pour invalider désormais tout mariage contracté sans la présence de trois témoins, au minimum. Les fils de famille sont déclarés inhabiles jusqu'à 20 ans, les filles jusqu'à 18, sans le consentement de leurs parents, ou, à leur défaut, de l'évêque.

Du Il au 23 août, ce projet fut discuté en vingt assemblées générales. Ehses, p. 685-747. La discussion porta principalement sur l’opportunité de la réforme et sur la valeur du fondement proposé. La peur d'être d’accord avec les hérétiques ne fut jamais si grande. L’analogie entre les termes du décret et certaines expressions d'Érasme, de Luther, de Calvin causait de l’inquiétude. Voir Ehses, p. 688 (Otrante), p. 691 (Rossano), p. 741 (général des jésuites). A quoi l'évêque de Modène répondait que rien ne pourrait mieux satisfaire les luthériens qu’un aveu d’impuissance de l'Église. Ibid., p. 711.

Les partisans, très nombreux, d’une réforme ne se mettaient point d’accord sur le fondement. Les uns tenaient la bénédiction nuptiale pour essentielle. Ehses, p. 734 (Alife). D’autres restaient fidèles à la distinction du contrat et du sacrement : tels l’archevêque de Naxos, les évêques de Capo d’Istria, Ségovie, Coria, Montemarano, Ostuni, Namur, Lucques, Or vieto. Ehses, p. 700, 706, 708, 712, 714, 723, 730, 733, 735 ; et ils se heurtaient aux réponses classi ques, opposées par les évêques de Cava, de Terni, de Ghiusi. Ehses, p. 701, 707, 725 : Et quod ratio conlractus et matrimonii sunt ita conjuncta sicut calor et ignis. D’autres encore considéraient comme déraisonnable le consentement clandestin, ibid., p. 688 (Aquilée), p. 721 (Léon), ou comme pouvant être entaché de dol. Ibid., p. 732 (Lecce). La critique du motif proposé par le Décret : Inhabilitatio personarum, était répétée sans variations notables. Ehses, p. 687 (Jérusalem), p. 690 sq. (Rossano), etc. En revanche la justification en était poursuivie avec une certaine vigueur : les uns discutant la notion à'inhærentia personæ qu’objectait l’archevêque de Rossano : Hoc enim est falsum in cognatione spiriluali, in qua adesl qualitas personæ non a natura, sed ex institutione Ecclesiæ. Item in cognatione legali non adest qualitas perpetuo inhærens personæ, dit l’archevêque de Lanciano. Ehses, p. 699. D’autres soutiennent que le crime de clandestinité inliœret personæ. Ehses, p. 711 (Modène), 725 (Ugento). Et ces raisons étaient adoptées par un bon nombre de Pères. Cependant, toutes ces divergences n'étaient point sans causer quelque trouble dans les esprits : tels insistaient pour que l’on ne fît pas un dogme d’une réglementation disciplinaire. Ehses, p. 721 (Léon), 730 (Namur), tandis que le général des ermites de Saint-Augustin réclame pour les théologiens, à l’exclusion des canonistes, l’examen du décret. Ibid., p. 740.

Au cours de ces débats fut très nettement posée la question : la transformation du mariage est-elle sujet dogmatique ou disciplinaire ? L'évêque de Colmbre répondait quod controvcrsiu est in dogmate. Elises, p. 705. Les évêques de Sulmone, Ségovie, Modène, soutinrent l’opinion contraire. Ehses, p. 707, 708, 711. Visconli, Mémoire du 16 août, Amsterdam, 1719, ]j. 270 sq. « Le principe des dogmes est la foi et la parole ; de Dieu, tandis que celui de la réforme est la charité. Or, les Pères sont mus par la charité à demander la nullité des mariages clandestins. » Ainsi s’exprime l'évêque de Modène, et, après l'évêque de Ségovie, il montre que, si l’on veut traiter cet article comme le sujet d’un dogme, c’est pour ajourner indéfiniment la conclusion. Le sentiment des légats, c’est que, pour le moins, une définition dogmatique ne serait obtenue qu’après de très longs débats. Voir une lettre des légats au cardinal Borromée, Sûsta. op. cit., t. iv, p. 151.

5. Le troisième projet.

Le 5 septembre, un troisième projet fut présenté : douze canons De sacramento matrimonii, avec une nouvelle préface, un canon Super irritandis matrimoniis clandestinis et douze canons Super abusibus, dont le premier exige pour la validité du mariage qu’il soit contracté en présence du curé de la paroisse ou d’un autre prêtre muni de l’autorisation du curé ou de l'évêque, et de deux ou trois témoins. Ehses, p. 760-765.

La discussion se poursuivit du 7 au 10 septembre, dans sept congrégations générales. Ehses, p. 779-795. Le rapport qui nous en est parvenu est concis, mais sur deux points, fort intéressant. Le progrès de la formule énoncée par l'évêque de Coïmbre est manifeste : Hujusmodi irritatio est contra jus divinum, dit le patriarche de Jérusalem, Ehses, p. 780 ; il s’agit d’une matière dogmatique, affirment le patriarche de Venise, les évêques de Przemysl et d’Orvieto. Ibid., p. 780, 793. Et comme l’opposition de 60 Pères semble empêcher en telle matière une décision, les patriarches d' Aquilée et de Venise proposent que l’on remette au pape le soin de décider. A quoi l’archevêque de Grenade répond : Renvoi au pape, signifie abandon de la cause. Pourquoi réunir un concile, sinon pour trancher les difficultés ? Ehses, p. 780. L'évêque de Ségovie ajoute : « Le pape est présent au concile, représenté par les légats ; demander qu’on lui renvoie l’affaire, c’est dire ; Remittatur aliquid a Pontifice cum Concilio ad Pontifirem solum. » Ibid., p. 786 sq. : Pallavicini, p. 361-365. Le 10 septembre, les débats furent clos. Pallavicini caractérise ainsi les quatre opinions entre lesquelles étaient partagés les Pères : affirmation de la possibilité et de l’urgence d’une réforme, négation de cette urgence, assertion cbj caractère dogmatique du problème, opposition radicale pour incompétence de l'Église. 133 voix approuvèrenl le décret, 56 lui furent opposées.

Les légats craignirent alors que la minorité, appliquant la méthode qu’elle avait préconisée, ne fît appel au pape et que la controverse sur les rapports du pape et du concile ne fût ainsi rouverte. Ils songèrent à une prorogation. Voir lettre des légats au cardinal Borromée, Sùsta, t. iv, p. 242. Mais auparavant, ils provoquèrent, en vue d’apaiser la controverse, une conférence solennelle et publique, qui eut lieu le 13 septembre chez le cardinal Morone. Les légats, de nombreux prélats, des laïques même y assistèrent. Le cardinal Hosius ouvrit la séance en recommandant le calme et la charité mutuelle. A quoi les orateurs inscrits répondirent par une dispute sur le tour de parole, chaque parti rejetant sur l’autre la charge de la preuve. Morone invita les partisans du Décret à développer les premiers leurs arguments. La position même de la question fut le sujet d’une nouvelle que-