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    1. MARIAGE##


MARIAGE. IJOCTHINK CLASSIQUE, L’INSTITUTION DIVINE

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L’utilité même de l’Institution divine était contestée par certains docteurs qui observent : ce qui est de droit naturel a-t-il besoin d’être positivement institué’.' - - Au moins d’être déterminé, répond saint Thomas, car ce bien du mariage à quoi la nature incline répond a des besoins variables In /V uni Seul.. dist. XXVI, q. ii, a. 2. ad l" 1 ".

L’instant, les circonstances, le caractère primitif de l’institution préoccupent les auteurs du xiir siècle. Comme les paroles : Nunc os ex ossibus… ont été prononcées par Adam, certains reconnaissent l’institution divine dans le Crescite et muliiplicamini. Il était facile de répondre, comme fait Hugues de Saint-Cher, que ces paroles s’adressent aussi aux animaux. Illa verba, déclare Geoffroy de Trani, fuerunt potius benediclionis quam institutionis. Et l’on adopta généralement l’explication de Pierre Lombard, qui voit l’origine du mariage dans le discours inspiré d’Adam.

Albert le Grand s’étend, avec de curieux détails, sur les circonstances de la création d’Eve. An Adam doluerit in ablatione coslæ ? An Neva deossevel de carne debuil foi-mari 1 ! Tels sont les deux sujets dont il s’occupe longuement, aussitôt après avoir défini le mariage. In I Vum Sent., dist. XXVI, a. 2 et 3. Le point délicat, c’était la détermination de la nature du mariage, au Paradis. Beaucoup enseignent que déjà il était un sacrement. Gillmann, Spender und àusseres Zeichen der Bischojsweihe nach Iluguccio, Beilage II, Zur Lehre vom Verlôbnis und Eherecht, Wurzbourg, 1922, p. 36 sq.

Le mariage est le plus ancien des sacrements, déclare Pierre de Poitiers, car il fut institué au Paradis. Sent. lib. V, t. IV, c. xiv, P. L., t. ccxr, col. 1257. Alexandre de Haies dit expressément qu’il fut institué in sacramentum et non tantum in officium in puradiso. Summa. IV a pars, q. ii, membrum 2, a. 1. C’était aussi l’enseignement de Roland : Hujus sacramenti institutio a Deo farta est in paradyso, éd. Gietl, p. 270. On la trouve encore au xv siècle, sous la plume de J. Lupus, De matrim. et legitimatione, dans Tract, univ. iuris, t. ix, fol. 40. Et si l’on objectait qu’au paradis le mariage, comme sacrement, ne pouvait avoir aucune utilité, aucun sens mystique, que manenle statu innocentiæ, non fuisset necessaria assumptio carnis passibilis in Christo, Alexandre de Halès répondait que la médecine est utile, même quand il n’y a point de malade, puisqu’elle sert à prévenir, éventuellement à guérir les maladies, et que l’union d’Adam et d’Eve préfigurait celle du Christ et de l’Église, loc. cit.

Cette question intéresse en quelque mesure l’anthropologie, le débat sur la justice originelle qui a son siège principal dans le second livre des Sentences, mais dont il faut chercher ici le prolongement. Quel pouvait être, au Paradis, le rôle de la copulation et du mariage, puisque l’homme était immortel et n’aurait point cherché dans les êtres engendrés par lui la perpétuité qui était sa perfection propre ? L’homme, répond Albert le Grand, n’était point immortel par nature sed per gratiam innocentiæ habuit immortalitatem. In IVum Sent., dist. XXVI, a. 6. Si l’homme n’avait point péché, l’espèce se serait, cependant, multipliée par copulation, mais sans la douleur de l’enfantement ni les ardeurs de la concupiscence que la raison eût contenues, lbid., a. 7.

Alexandre de Halès place le mariage parmi les sacrements de la Loi naturelle. Saint Thomas l’y met avec le baptême, la pénitence, et il est le plus ancien de tous, puisque les deux autres supposent le péché. Ante legem scriplam erant quædam sacramenta necessitatis, sicut illud fidei sacramentum, quod ordinabatur ad delctionem originalis peccali et simililer pœnitentia. quæ ordinabatur ad delctionem actualis et

simililer matrimonium, quod ordinabatur ad multiplicationem humant generis. In /v m]1 Sent., dist. I, q. i, a. 2, qu » st. 2, ad 2um Pierre de la Pallu, In I Vum. Sent.. dist. II, q. i, a. 3.

b) Le tableau du développement. — Ce terme de sacrement de la Loi naturelle n’est d’ailleurs point très riche de sens. La question devient plus claire quand, au lieu de considérer comme un acte simple et d’un seul coup accompli l’institution divine, on distingue les fins diverses que Dieu a successivement assignées au mariage.

. Avant la chute, le mariage avait pour but la multiplication de l’espèce, ad officium ; après la chute, il fut en outre un remède à la concupiscence, ad remedium. Les premiers scolastiques l’ont répété, les grands commentateurs des Sentences ont approfondi la distinction. Voir notamment saint Bonaventure, In I Vum Sent., dist XXVI, a. 1, q. r. Quand le rôle de la grâce eut été mis en plein relief, à la double institution ancienne, les théologiens ajoutèrent un troisième terme, le plus important : le mariage a été institué par Jésus Christ comme sacrement de la Loi nouvelle.

Comment, alors, tracer le tableau du développement ou plutôt, définir la fonction du mariage au Paradis, dans l’Ancienne Loi et dans la Loi Nouvelle ? Albert le Grand, dans la Summa de creaturis, ms. de Venise, fol. 212, pose nettement le problème, et le résoud avec soin : Matrimonium quoad utrumque quod est in ipso scilicet officium et sacramentum inslitutum fuit in paradiso. Quoad officium, il a été réglementé dans l’Ancienne Loi et dans l’Évangile, mais non pas institué de nouveau ; secundum autem quod est sacramentum potest considerari duobus modis, scilicet, in rationc signi tantum vel causse tantum. Le signe de la double conjonction du Christ et de l’Église existe dès le Paradis, mais non point la causalité, à moins que l’on ne parle avec certains (Alexandre de Halès ?) de causa preservativa. On ne peut parler de cause qu’après le péché : non point cause de grâce intérieure, mais seulement de justification des rapports sexuels, non erit causa alicujus gratiæ interioris sed ratione honesli fecit non malum quod erat malum. Tout ce que l’on peut dire, c’est que, déjà, le mariage figurait la grâce future et en un certain sens la conférait, puisqu’il délivrait du mal de la concupiscence. Mais la grâce intérieure qui dispose aux devoirs d’état et adoucit la concupiscence, on ne la trouvera que dans le sacrement de la Loi Nouvelle ; In veteri lege… figurabat gratiam dandam in nova lege et causabat sicut autem in conferendo gratiam aliquam, sic excipiendo lapsum concupisccntiæ. Comme sacrement de la Loi Nouvelle, signât et causât gratiam interiorem ; ex unione enim actuali naturarum in Christo gratia causatur in sacramento matrimonii promovens ad bona matrimonii et ad mitigationem concupiscentiœ… Tous les textes que nous venons de citer sont tirés du manuscrit de Venise, fol. 212. En raccourci, Albert le Grand propose encore dans son Commentaire sur les Sentences cette conclusion : Nihil prohibet matrimonium sic habere duas vel 1res Mam institutienes divinas : unam quoad naturam secundum se, aliam quoad naturam corruptam et tertiam secundum statum naturæ reparatæ per Christum : et sic matrimonium est sacramentum innocentiæ, veteris legis et legis novæ. In /V 11 " 1 Sent., dist. XXVI, a. 5, sol.

Et saint Thomas, regroupant les explications d’Albert le Grand : pour assurer la multiplication de l’espèce, le mariage fut institué avant le péché : pour remédier à la concupiscence, après la chute : la réglementation des empêchements est d’institution mosaïque ; le signe date de la Loi Nouvelle. In I rma Sent., dist. XXVI, q. ii, a. 2. Dans une phrase qui fit impression,