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MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LA COLLATION DE LA GRACE


du.Moyen Age, le thème n’a point varié : Benedictio

i>ero sacerdotis non pertinet ad essentiam liujus sacramenti : sed est quid sacramentelle ad ejus solemnitatem pertinent, écrit, par exemple, Nicolas des Orbeaux, dans son Compendinm singulare déjà cité, Et le continuateur de Biel, In 7 V'"" 1, S>/iL, dist. XXV, q. ii, a. 2, p. 8 : Non est propria locutio, quod sacerdos conférât hoc sacramentum sicut cœtera, sed eonjnges sibi muta conférant et accipiunt.

Non est propria locutio : ces mots éclairent tout le débat. Au vrai, on ne s’est point mis d’accord sur le sens du mot : ministre. Dès lors, quiconque joue un rôle actif dans la cérémonie est appelé ministre. La preuve, nous la demanderons à ceux-là mômes qui, nettement, déclarent que les contractants sont les ministres. Aucune formule n’est, en apparence, plus limpide que celle dont use Duns Scot : Ministri sunt dispensantes sibi hoc sacramentum. Report, paris., t. IV, dist. XXVIII, n. 23 et 24. Mais Scot observe : si les contractants sont les ministres, les parents qui marient leurs enfants sont donc les ministres du sacrement comme du contrat. Opus oxon., t. IV, dist. XXVI, q. un., n. 15 : …uliquando patres conlrahunt pro filiis vel flliabus, pr&sentibus eis, non exprimentibus signa propria : si ergo ibi est sacramentum, oporlet dicerc quod minister huius sacramenti potest esse indifjerenter quicumque potest esse minister in contractu matrimonii. Dans les Reportala parisiensia, dist. XLII, n. 24, Scot semble renier cette opinion étrange, quia parentes non conferunt eis gratiam, dit-il avec raison.

Mais ses disciples reproduisirent souvent les termes de Y Opus oxoniense. Jean de Rassoies note très correctement que les contractants sont ministres du sacrement : Unde sacerdos non requiritur in hoc sicut minister sed sicut solennisans faclum, quod patel quia per seipsos ipsi contrahentes possunt nubere et nubunt, et sortiuntur sacramentum et vinculum et contrahunt. In /V'um Sent., dist. XXVI. Mais il ajoute : « Si quelque autre peut être ministre, il semble que celui-là est ministre du sacrement qui est ministre du contrat de mariage ; donc les parents qui contractent pour leurs enfants sont peut-être ministres du sacrement. » Et Guy de Briançon, à la fin du xv siècle : « On dit que le ministre de ce sacrement peut être, indifféremment, quiconque peut être ministre au contrat de mariage. Tantôt, en effet, le ministre c’est le prêtre ; tantôt l’homme et la femme, comme dans le mariage clandestin ; tantôt un laïque et tantôt un clerc. Mais dans un mariage bien réglé, seul le prêtre est ministre, car un mariage bien réglé ne doit se faire que in facie Ecclesise. »

Les rituels ne fournissent point les éléments d’une conclusion générale. Au contraire, ils montrent la diversité des formules et combien il serait imprudent de prendre à la lettre certaines expressions. Ainsi, le prêtre est appelé ministre du sacrement dans un ancien rituel de Liège. Martène, op. cit., p. 138. Or, il ne dit pas un mot qui ait l’air de forme ; ce sont les époux qui se conjoignent et le texte ajoute que la bénédiction suit le contrat. On trouvera d’autres exemples de cette terminologie incertaine dans Gibert, Tradition ou Histoire de l'Église sur le sacrement du mariage, Paris, 1725, où sont classés chronologiquement de nombreux fragmente canoniques et liturgiques. La formule la plus commune est, semble-t-il, JCgo accipio te in meum, Ego accipio te in meam.

2. La collation de la grâce. - Tandis que les scolastiques s’ingéniaient à distinguer les éléments du rite sacramentel, un autre problème, capital et qui exigeait une solution péremptoire, sollicitait leurs soins. Le sacrement n’est pas eulement un signe : il est un signe efficace de la grâce : les définitions classiques

soulignent ce Irait essentiel. Cf. Pourrat, op. cit., p. 34 sq.

Il paraît donc vain de se demander si le mariage produit la grâce. Cependant, ni les canonistes tout remplis de préjugés juridiques et moraux, que nous allons envisager, ni, en général, les premiers scolastiques n’ont clairement aperçu la conclusion que leur imposait la logique.

a) La négation des canonistes. Au temps où la plupart des théologiens se bornaient à indiquer le rôle médicinal du mariage, entre 1150 et 1250, de nombreux canonistes niaient formellement que le mariage conférât la grâce. Cette conclusion leur était imposée d’abord par une conception singulière de la simonie. Le rôle de l’argent dans la conclusion des mariages les étonne : le prêtre qui bénit reçoit son denier et le règlement des rapports pécuniaires est un des soins des époux ou de leurs familles, soin légitime ainsi que le montre l’exemple de Rébecca. Comment expliquer ces marchandages et ce trafic des choses saintes ? C’est que, font observer la plupart des décrétistes dans leurs commentaires sur le c. 13, Honorantur, caus. XXXII, q. ii, le mariage ne confère point la grâce. Ainsi raisonnent l’auteur de la Summa parisiensis, Jean de Fænza, Simon de Bisiniano, Sicard de Crémone. Et si Huguccio fait des réserves sur le raisonnement de ses contemporains, en notant que la simonie peut être commise hors du champ de la grâce, il admet, lui aussi, que le mariage ne produit point la grâce. Cf. F. Gillmann, Die Siebenzahl der Sakramentc, p. 192. « Pourquoi, demande-t-on. l’argent intervient-il dans ce sacrement alors qu’il n’intervient pas dans les autres sacrements ? Certains disent : à cause des charges du mariage… Mais la vraie raison, c’est que dans ce sacrement, la grâce de l’Esprit-Saint n’est pas conférée comme dans les autres… » Glose ordinaire sur le c. Honorantur. « Le mariage n’est point de ces sacrements qui donnent la consolation de la grâce céleste. » Glose ordinaire sur le c. Quidquid invisibilis graliæ, Caus. I, q. i, c. 101. Les décrétalistes n’ont pas été moins nets sur ce point. Par exemple, G. de Trano et Hostiensis, dans leurs Sommes, au titre De sacramentis non iterandis, Bernard de Parme, in c. 9, Cum in Ecclesiæ corpore, X, V, iii, De simonia, au mot Benediclionibus, reproduisent l’opinion des décrétistes : le mariage ne peut conférer la grâce, puisque le contrat comporte, sans encourir grief de simonie, des conditions pécuniaires.

Alors même que le mariage s’accomplirait sans concours d’argent, n’a-t-il pas, du moins, pour effet, d'éloigner de Dieu ? Qui enim duxit uxorem cogitur ad quæ mundi sunt, quomodo placeat uxori et divisus est, dit Etienne de Tournai, p. 261. Pis encore, n’est-il pas cause de volupté? Comment les actes entachés de turpitude qu’il autorise et comporte seraient-ils considérés comme productifs de grâce par leur analogie avec la passion du Christ, sourcede toute grâce ? Rufin exprime clairement ce qu’est le mariage poulies partisans de cette opinion : un signe purement figuratif. Solum autem malrimonium… ita rem sacram in sexuum commixtione significat, quod eam lege turpitudinis impediente minime operatur ; signum enim est [conjunctionis] Christi et Ecclesiæ non effectivum, sed dumlaxat reprœsentativum, sicut sacrifteia pro peccato in Veleri Testamento fustificationem impii figurabant, quam tamen nequaquam efficiebant. Rufin, Summa…, p. 481. Le mariage est un sacrement propter significantiam, écrit l’auteur de la Summa monacensis.

Cette conception n’est point propre aux canonistes, comme on l’affirmera souvent à partir du xiv° siècle. Les théologiens et les moralistes du xiie siècle ne se sont pas en général prononcés. Quelques-uns ont