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    1. MARIAGE##


MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE SACREMENT

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maria et femtrue rencontraient bien des résistances.

Toutes les fois que s'établissent les relations conjugales, un nouveau mariage ne serait-il pas formé, si l’on s’en tient à la lellre de la définition ? Ft le mariage ne survit-il point quand ces relations sont interrompues ? Saint Bonaventure consacre toute une question à ces débals, dont la conclusion n’est point vaine, puisqu’elle sépare très nettement la formation et l’exercice des droits du mariage : quædam conjunctio dicitur vineuhim, quiedum facit vineulum, queedam est usus vinculi, et cette dernière, seule, est réitérée ; ce qui n’aboutit point à multiplier le mariage, quoniam non est genus in essendo, sed actus in ulendo sive usus in agenda. In I Vum Sent., dist. XXVII, a. 1, q. i, ad lum.

Ces droits que le mariage crée entre les époux, les théologiens les exposent sans une terminologie bien ferme : relatio dominii… non… relalio seruilutis, sed… relaiio possessionis, dit, par exemple, Pierre Auriol, dist. XXVI, loc. cit., p. 170. La difficulté, c'était surtout d’expliquer comment, à la différence des autres contrats consensuels qui font naître un droit personnel, le mariage créait immédiatement un droit réel. C’est, dit Hostiensis, que, le mariage crée un rapport spirituel : Nec eget consensus iste traditionis adminiculo corporalis ; nam spirituaiia magis consistant in bona voluntate et intellectu animi quam in facto seu apprehensione corporali.

Les droits et devoirs des époux, en ce qui concerne les relations conjugales sont égaux. Albert le Grand, In 7Vum Sent., dist. XXXII, a. 1 ; saint Thomas, In IV am Sent., dist. XXXII, q. i, a. 3. Canonistes et théologiens les dissuadent d'établir immédiatement ces relations, et leur accordent un délai d’un mois, pour des raisons qu’expose bien Albert le Grand, loc. cit., dist. XXVII, a. 8. Certains rituels, comme celui de Saint-Florian (xii » siècle), édit. Ad. Franz, Fribourg-en-B., 1904, p. 46, recommandent une abstention de 2 ou 3 jours, ut ftlios non spurios sed heereditarios Deo et sœculo génèrent. Cf. Livre de Tobie, viii, et comparer avec la sessio triduana exigée lors du transfert des biens. La doctrine prévoit minutieusement les temps et les circonstances où la continence devra être observée, pendant toute la durée du mariage.

Dans le gouvernement de la famille, le mari est le chef. Albert le Grand, loc. cit.

Les enfants issus du mariage sont légitimes ; ceux qui sont nés antérieurement au mariage peuvent être légitimés ; cf. R. Génestal, Histoire de la légitimation des enfants naturels en droit canonique, Paris, 1905. Voir bibliographie dans Sâgmuller, Lehrbuch des kathol. Kirchenrechts, 3e édit., Fribourg-en-B., 1914, t. ii, p. 223 sq. ; ajouter : L. Gougaud, La légitimation des enfants sub pallio d’après les anciens Rituels, dans Revue d’histoire du droit, t. vii, 1926, p. 38-46.

i) Conclusion. — La notion contractuelle du mariage a donc été fixée au cours de la période classique. D’abord, le mariage qui avait longtemps été une alliance entre familles devient vraiment une alliance conclue entre les époux. Les volontés individuelles sont libérées de l’emprise des volontés familiales, et donnent naisance au contrat. A l’ancienne théorie de la copulalio — naturelle dans les droits qui considèrent la femme comme objet plutôt que comme sujet du contrat — s’est substitué le concept d’une obligation née de l'échange des consentements, d’un contrat qui fonde le jus ad corpus, mais qui est parfait avant la commixtio sexuum. Le mariage n’a plus son point de départ dans l’union charnelle, le debitum conjugale est l’effet du contrat. Toutefois, certains grands scolastiques regardent le contrat de mariage comme un échange d’objets, une double tradition symbolique et volontaire ; ils n’ont pas entièrement dégagé la

notion de contrat purement consensuel, faute d’avoir bien compris la fonction de la cause dans les obligations. Il leur a manqué de reconnaître explicitement que le mariage, s’il s’apparente à l'échange ou à la société, a cependant une cause propre, qui lui donne sa physionomie et le sépare profondément de tous les autres contrats. II ne faudrait point exagérer cette lacune dans la construction des théologiens et des canonistes. En reconnaissant aux verba de priesenti la force obligatoire, ils avaient dégagé le mariage de tout formalisme, de tout » réalisme », ils l’avaient donc implicitement agrégé à la catégorie des actes consensuels. Les rapprochements qu’ils ont proposés avec d’autres figures très différentes sont imputables à une confusion des nuances du droit : le progrès de l’analyse juridique nous préserve aujourd’hui de ces illusions.

3. La justification du sacrement.

Ce contrat, dont les canonistes et les théologiens ont fixé la nature, les conditions et les effets, est un sacrement. C’est à ce titre que les théologiens l’ont toujours étudié.

a) Le mariage est un sacrement. — Quelques textes d’une autorité universelle ont, à partir de la fin du xip siècle, affirmé, en face de l’hérésie, ce caractère sacramentel du mariage. Au concile de Vérone (1184), Lucius III publia un long décret contre les hérétiques de son temps. Ce décret passa dans la Compilatio prima, V, vi, Il et dans les Décrétâtes de Grégoire IX, V, vii, 9 (Ad abolendam) et fut ainsi l’une des bases de la doctrine sacramentaire des canonistes.

Universos, qui de sacramento corporis et sanguinis Domini nostri Jesu Cliristi, vel de baptismate, seu de peccatorum confessione, matrimonio vel reliquis ecclesiasticis sacramentis aliter sentire aut docere non metuunt quam sacrosancta Romana Ecclesia prædicat et observât… vinculo perpetui anathematis Innodamus.

Tous ceux, qui, sur le sacrement du corps et du sang de NotreSeigneur JésusChrist, sur le baptême, la confession des péchés, le mariage et les autres sacrements de l'Église, ne craignent pas de penser et d’enseigner autrement que ne prêche et pratique la sacrosainte Église romaine, nous les enchaînons du lien de l’anathème perpétuel.

Deux célèbres professions de foi, celle adressée en 1210 par Innocent III aux évêques des provinces où résidaient les vaudois, et celle des Églises grecque et latine au deuxième concile de Lyon (1274) comptent le mariage parmi les sept sacrements. DenzingerBannwart n. 424 et 465. Ces deux professions de foi insistent sur les caractères du mariage. indissolubilité, monogamie qui n’exclut d’ailleurs point la possibilité des seconde noces.

Il figure dans les énumérations septénaires du milieu du xii° siècle, Pourrat, La théologie sacramentaire. p. 243 sq., et à partir du début du xme siècle, il n’est plus de canoniste ou de théologien qui ne le mette dans la liste des sept sacrements. G. L. Hahn, Doctrines romanse de numéro sacrameniorum septenario rationes historicæ, Vratislava, 1859, p. 24 (pour les théologiens) ; l’article si substantiel de F. Gilimann, £> ; e Siebenzahl der Sakramente, dans Der Katholik, 1909, p. 182 sq., déjà cité, et Geyer, Die Siebenzahl der Sakram’nte in ihrer historischm Fntwicklung, dans Théologie und Glaube, 1918, p. 325 sq.

b) Problème des causes efficientes et des causes finales. — Pourquoi, se demandent les théologiens, le consentement est-il nécessaire dans ce sacrement ? Albert le Grand répond dans un texte que nous avons déjà cité : Istud sacramentum… consistit in… contraclu. In /V" 1Il Sent., dist. XXVII, a. 6. L’identité du contrat et du sacrement autorise le rôle de la volonté humaine. Mais elle ne le justifie pas pleinement.

a. — D’abord, le consentement peut-il être cause efficiente à la fois du contrat et du sacrement ? Direr-