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MARIAGE. LES DÉCRÉTALES
CO

à se retire]- dans un monastère sans assentiment de

son conjoint. X, III, xxxii, C. 2 et 7.

En somme, Alexandre III reste, dans une certaine mesure, fidèle à la doctrine de Gratien, d’après laquelle le mariage n’est parfait que par Vunitax carnis : Non surit una caro inr et millier nisi cohœserint copula maritali. Compil. / a, IV, i, 2. Pour justifier l’entrée en religion d’un époux avant la copula, il écrit : quurn non /uisscrit una caro simul effecti, X, III, xxxii, 2 et, plus explicitement encore, dans le c, 7, eod. tit. ; l’interdiction faite par Dieu à l'époux de renvoyer son épouse se rapporte au mariage consommé. Mais il adopte la distinction de la desponsatio de præsenti et de la desponsatio de /utiiro, avec une terminologie moins nette que le Lombard et quand les paroles de présent ont été prononcées, il soumet au jugement de l'Église le sort d’un mariage non consommé qui, jadis, était abandonné à l’arbitraire des époux et qui ne l’est plus que dans le cas où l’un d’entre eux veut se faire religieux. Compil. I*, IV, iv, 5 (7).

Les décrétales de la fin du xiie siècle ne contiennent rien d’important sur le sujet qui nous occupe si l’on excepte une lettre d’Urbain III à l'évêque de Florence, par laquelle il rend la liberté aux sponsi quand l’un d’entre eux devient lépreux avant consommation du mariage. X, IV, viii, 3. Voir. afi'é, n. 15176 (Lucius III).

A la fin du xii c siècle, on peut donc dire que le droit canonique, tout en affirmant le principe que le consentement fait le mariage, continue de ne considérer comme indissoluble que le mariage consommé, d’admettre plusieurs exceptions au principe général du mariage consensuel.

2. D’Innocent III à Grégoire IX.

Ces exceptions furent presque toutes effacées entre l’avènement d’Innocent III (1198) et la publication des Décrétales de Grégoire IX (1234).

D’abord, l’adjudication de la sponsa duorum au premier et seul véritable époux, à celui qui, le premier, a engagé sa foi par paroles de présent, est prononcée sans réserve par Innocent III dans plusieurs décrétales : Si dictus vir cam per verba de præsenti desponsavit, ad eam cogendus est de jure redire. Compil. III*, IV, i, 2(1198). Même netteté dans deux autres décrétales du même pape, X, IV, iv, 5 (1200), IV, ii, 14 (1206) et dans une lettre de Grégoire IX (1227-1234) à l'évêque du Mans. X, IV, i, 31. Raymond de Pennafort inséra ces trois décisions dans son recueil et découpa de telle façon deux des décrétales d’Alexandre III que toute réserve y était levée. A", IV, iv, 3 et IV, xvi, 2.

C’est encore Innocent III qui abolit l’application des conséquences de Vaffinitas superveniens au mariage non consommé. X, IV, xiii, 6 (1200). La raison qu’il donne est, d’ailleurs, étrangère à la distinction du mariage consommé et du mariage simplement contracté, et limite sensiblement l’ancienne théorie de l’affinité survenante. La décrétale d’Alexandre III que nous avons citée fut corrigée par Raymond de Pennafort, A', IV, xiii, 2, pour n'être plus applicable qu’au cas de fiançailles.

Une retouche analogue permit à Raymond de Pennafort de modifier le sens de la décrétale d’Urbain III relative aux lépreux : il l’appliqua aux sponsnlia de futuro. X, IV, viii, 3.

Sur plusieurs points notables, l’importance de la copula continue d'être reconnue. D’abord, celui qui épouse une veuve dont le premier mariage a été consommé est irrégulier quantum ad gradus ecclesiasticos. C’est un des aspects de la théorie de la bigamie interprétative. Au contraire, si le premier mariage de la femme n’a pas été consommé, il n’y aurait pas bigamie. A', I, xxi, 5. Cette distinction, apparemment subtile, avait au Moyen Age une certaine importance pratique. Génestal, Le priuilegium fori en France, 1921, 1. 1, p. 73.

La conséquence la plus grave que l’on ait retenue de la doctrine de la copula, c’est la possibilité pour l'époux d’entrer librement en religion avant la copula carnalis. La plupart des premiers décrétistes avaient adopté sur ce point l’opinion contraire, énoncée par Pierre Lombard. Mais les Décrétales d’Alexandre III que nous avons indiquées, confirmées par Célestin III, dans .V, III, xxxii, 14, changèrent leur position. Sur tout ce développement législatif, cf. Esmein, op. cit., t. i, p. 126 sq. ; Freisen, op. cit., p. 190-205 ; I. Fahrner, op. cit., spécialement p. 169-214.

3. La législation relative au consentement.

Puisque le consentement fait le mariage, les papes ont eu à déterminer les conditions requises pour que le consentement fût valable.

Quant au fond, ils exigent que le consentement soit actuel et sans vices. Exiger que le consentement soit actuel, c’est écarter définitivement la doctrine d’après laquelle les fiançailles jurées valent mariage. La coutume de promettre avec serment le mariage était si bien établie que le mot jurare est parfois employé dans les Décrétales pour signifier les fiançailles. Compil. i a, IV, i, 15. Celui qui épousait une autre personne que celle à qui il avait juré sa foi contractait un mariage valide et subissait seulement la peine du parjure. Compil. I*, loc. cit. et IV, iv, 6. Cependant, Alexandre III invite l'évêque de Poitiers à contraindre le jureur à exécuter son engagement, s’il n’a pas d’excuse légitime. X, IV, i, 10. Dans une autre décrétale, il décide qu’un fiancé qui, depuis son serment, a eu la vocation religieuse, doit d’abord contracter mariage ; avant la consommation, il pourra se faire religieux. Mais déjà Lucius III rappelle le principe que les mariages sont libres. X, IV, i, 17.

Que le consentement doive être actuel, cela n’exclut point la possibilité d’y apposer des conditions. Cf. X, IV, v, De condilionibus adpositis in desponsationibus et in aliis conlractibus. Il ne peut s’agir, en matière matrimoniale, d’une condition résolutoire qui serait contraire à la loi de l’indissolubilité. Seules, sont admises les conditions suspensives. L’idée qui inspire le droit canonique étant de favoriser le mariage, toute condition immorale ou illicite, pourvu qu’elle ne soit pas contraire à l’essence du mariage et délibérée par les deux époux, est simplement réputée nulle, X, IV, v, 7 ; et l’on entendait assez largement le moral et le licite, puisque l’on peut stipuler que l’un des époux donnera à l’autre une somme d’argent, X, TV, v, 3 et subordonner le mariage au consentement d’un tiers, ibid., c. 5 et 6. Cf. Esmein, op. cit., t. i, p. 171-178. Mais le mariage est nul qui est contracté sous une condition contraire à son essence, comme d'éviter la procréation, de se livrer à la prostitution en vue de gagner de l’argent, ibid., c. 7. Le mariage conditionnel devient pur et simple par l'événement de la condition, par un consensus de præsenti ou par la copula carnalis. X, IV, v, c. 5 et 6.

Le consentement n’a de valeur qu’autant qu’il est lucide. Donné sous l’empire de la folie, il est tenu pour inexistant. X, IV, i, 24. La notion de l’erreur fut maintenue par la pratique telle que l’avaient dégagée Gratien et Pierre Lombard. Sur le point controversé de Vcrror conditionis, les papes déclarèrent annulable le mariage contracté par une personne libre avec un esclave dont elle ignorait l'état. X, IV, ix, c. 2, 3, 4. Toute violence ne vicie pas le consentement. Le mariage contracté sous l’empire de la violence ou de l’erreur était susceptible de confirmation par l'établissement libre de rapports conjugaux ou par leur continuation. A', IV, i, 28 : ix, 2.

Les formes de la célébration du mariage ne pouvaient être rigoureusement déterminées, puisque le consentement crée, à lui seul, le lien. Cependant, les.