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MAlUAGi :. GRATIEN ET PIKHHK LOMHARD

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violetur, avait écrit le pape Sirlce. Et Gratien de

reprendre : Talium discessione violatur benedictio, quant nupturæ sacerdos imponit. Dict. in c. 50.

La clandestinité n’est point considérée par Gratien comme une cause d’invalidité. Dans la cause XXX, q. v, il présente les textes qui l’interdisent, c. 1-6, et en déduit que les mariages conclus au mépris de ces prescriptions pro infectis haberi debent. Dictum post c. 6. Il arrive un peu plus loin à une conclusion toute différente : les mariages clandestins sont contraires aux lois, mais indissolubles, dès lors qu’ils sont prouvés. Le motif de leur prohibition, c’est la difficulté de la preuve et. le risque déjà signalé par Hugues de Saint-Victor. Dicta post c. 8, post c. 9 et post c. 11. Le mariage est non legitinwm, mais il est ratum. C. XXVIII, q. r, dict. in c. 17.

Nous n’avons pas à exposer ici la théorie des empêchements ni celle de la dissolution du mariage, mais deux questions doivent retenir notre attention : quelle est la valeur du mariage contracté entre personnes qui ne sont point catholiques ou libres ? Le mariage entre infidèles peut être valide, caus. XXVIII, q. i, car aucun précepte divin n’interdit le mariage aux gentils. Si un infidèle se convertit, Gratien ne lui reconnaît le droit de contracter un nouveau mariage que si l'époux demeuré infidèle l’abandonne ou lui rend insupportable la vie commune, contumelia Crealoris. Caus. XXVIII, q. il, c. 2, et le dictum de Gratien. Le mariage d’un chrétien et d’une infidèle est nul. Caus. XXVIII, q. i, dict. Grat. in c. 14, parce que cette union est contraire aux lois de Dieu et de l'Église ; et certains textes interdisent le mariage entre chrétiens et hérétiques. Ibid., c. 16. Entre esclaves ou entre serfs, il peut y avoir mariage légitime et de même entre un serf et une femme libre. Caus. XXIX, q. il.

Il ne faut point chercher dans le Décret une théorie complète du consentement mais des indications fragmentaires. D’abord, Gratien considère comme indispensable le consentement des deux parties, celui de la femme comme celui de l’homme. Caus. XXXI, q. n. Mais les enfants ne peuvent se marier sans le consentement des parents. Caus. XXXII, q. ii, dict. Grat. in c. 12 : Gratien renforce donc sur ce point l’autorité paternelle, comme le note justement Esmein, op. cit., 1. 1, p. 157.

Le mariage parfait peut-il être dissous par le divorce ? Le cas le plus grave auquel on puisse penser, c’est l’adultère. Dans la caus. XXXII, q. vii, Gratien se demande si celui qui a renvoyé sa femme causa fornicationis peut se remarier. Après avoir allégué les textes fameux qui semblent admettre l’affirmative, il conclut résolument que le matrimonium ratum et consummatum est indissoluble. La captivité ou la longue absence d’un époux n’autorisent pas l’autre à se remarier. Caus. XXXIV, q. i et n.

La notion du sacrement est imparfaitement dégagée. Le mot sacrement désigne tantôt l’indissolubilité du lien, caus. XXXII, q. i, dict. in c. 10, tantôt ce lien lui-même, ou encore le signe sacré de l’union du Christ et de l'Église. Caus. XXVII, q. il, dict. in c. 39. Ce dernier sens est commun chez les théologiens.

2. Les Sentences de Pierre Lombard.

Quelques années après le Décret, et postérieurement à l’année 1151 (cf. J. Pelster, dans Gregorianum, 1921, t. ii, p. 387-392 et 445), Pierre Lombard présenta l’exposé complet de la théologie du mariage. Ses sources sont faciles à déterminer : il a emprunté à Hugues de SaintVictor et à Gratien presque toute sa matière. O. Baltzer, Die Senlenzen des Petrus Lombardus, Leipzig, 1902, p. 151-159. La preuve, en ce qui concerne Gratien, avait déjà été faite par P. Fournier, Deux controverses sur les origines du Décret de Gratien, dans Revue

d’histoire et de littérature /r//(/(>use.s, 1898, t. iii, p 97 sq., 253 m|.

Le plan que suil Pierre Lombard, t. IV, disl. XXVIXLII — moins imparfait que dans bien d’autres parties de son œuvre - est important à connaître. puisque la théologie du mariage sera principalement développée dans les commentaires sur les Sentences. Nous le résumerons ainsi : Double institution, caractère facultatif, valeur morale, symbolisme du mariage, dist. XXVI. Définition ; rôle du consentement et de la copulation, dist. XXVII. Fiançailles jurées ; contenu du consentement matrimonial, dist. XXVIII. Liberté du consentement, dist. XXIX. L’erreur ; le mariage de Marie et de Joseph ; les causes finales, dist. XXX. Les trois biens ; la valeur de l’acte conjugal, dist. XXXI. Le devoir conjugal, dist. XXXII. Règles du mariage ; de la polygamie dans l’Ancienne Loi, disl. XXXIII. Empêchements d’ordre physiologique, dist. XXXIV. Rupture du lien, dist. XXXV. Empêchement de condition sociale, d'âge, dist. XXXVI. Empêchement qui résulte des ordres sacrés ; uxoricide, dist. XXXVII. Empêchement de vœu ; longue captivité, dist. XXXVIII. Disparité de culte ; mariage des infidèles, dist. XXXIX. Consanguinité, dist. XL. Affinité ; définition des péchés charnels, dist. XLI. Parenté spirituelle ; secondes noces, dist. XL II.

On peut reconnaître dans ce tableau quelques grandes divisions : formation du lien, dist. XXVII et XXVIII ; vices du consentement, dist. XXIX. et XXX ; rapports conjugaux, dist. XXXI-XXXIII ; empêchements, dist. XXX1V-XLII. La place assignée aux divers sujets n’est pas toujours justifiable et les développements ne brillent point non plus par l’ordre et la clarté. Enfin, les matières juridiques tiennent dans ce cadre beaucoup plus de place que la théologie. Laissant de côté les distinctions relatives aux empêchements, dont nous ne retiendrons que quelques fragments qui se rapportent à l’objet de cet article, nous résumerons successivement la doctrine de Pierre Lombard sur la formation du lien, le sacrement, la moralité et les caractères du mariage.

a) Pierre Lombard, ayant adopté la définition, déjà devenue classique, de Hugues de Saint-Victor, précisé, avec l’aide de Gratien, le sens de Vindividuu consuetudo, servitude mutuelle, fidélité, communion, dist. XXVII, c. 2, pose le principe fondamental : la cause efficiente du mariage, c’est le consentement exprimé par des paroles ou par certains signes, nec de juturo sed de pressenti. Sans expression du consentement, pas de mariage ; toute expression libre du consentement des époux crée immédiatement le lien : Isidore de Séville, Nicolas Ie ', (pseudo) Chrysostome, saint Ambroise s’accordent sur ce point. Le pacte conjugal fait le mariage, avant même la copulation, c. 3, et le nom de conjux est applicable dès la desponsatio, comme l’affirment saint Ambroise, saint Augustin et Isidore. C. 4. Les sept textes et plusieurs de^ expressions de Pierre Lombard sont empruntés à Gratien, dont la théorie est présentée dans les c. 5 à 8. Le Lombard fait observer que, entre consensus et copula, la séparation n’est point radicale dans le Décret, mais consensus facit matrimonium in coitu.

A cette doctrine, Pierre Lombard oppose sa propre distinction : le mot desponsalio est appliqué tantôt à la promesse de contracter mariage, tantôt au consentement actuel, de pressenti, c’est-à-dire au pacte conjugal. Dans le premier cas il y a fiançailles et les parties doivent être appelées sponsus et sponsa, dans le second : mariage et les parties sont conjuges. Plusieurs des textes allégués par Gratien appliquent le terme sponsus à des personnes qui ont formé la pactio conjugalis de pressenti, et c’est donc avec raison qu’on les appelle conjuges ; d’autres réservent au mot son sens