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MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR MORALE


aidais, c. xiii, col. 259 ; De virginitate, loc. cil.

>. Ce serait donc aller contre la vraie doctrine que de

condamner le mariage, sous prétexte d’exalter la virginité. Non enitn imperari potest virginitas, sed ùptari. De virginibus, I, v, col. 195. Nemo ergo qui con.ju.gium elegii reprehendat integritatem, wl qui integritatem sequitur condemnet conjugium. De virginitate, loc. cit. Saint Sirice venait de condamner les erreurs de Jovinieu, et avait ainsi exposé la doctrine de l’Église : « Certainement, disait-il, nous acceptons sans les mépriser les engagements des noces, puisque nous y prenons part par la cérémonie du voile ; mais nous accordons un honneur plus grand aux vierges que les noces produisent. » Epist., vil, 3, P.L., t. xiii.col. 1171. Saint Ambroise, en félicitant le pape, reprend les mêmes idées qui représentent bien sa doctrine : Neque nos negamus sanctificatum a Christo essecon jugium… Jure laudatur bon auxor, sed melius piavirgo præjertur… Bonum conjugium per quod est inventa poslcritas successionis humanæ, sed melior virginitas per quam regni cœlestis hæreditas acquisita… Epist., xlii, 3, t. xvi, col. 1124. — 4. Bien plus, d’un mot dit en passant, il fait un bel éloge de la grossesse et de la maternité. La sainte Vierge, dit-il, s’est mariée parce qu’il ne fallait pas qu’elle éprouvât quelque honte d’être mère, cum conjugii præmium et gralia nuptiarum partus sit (eminarum. Expos, evang., sec. Lucam, II, 2, P. L., t. xv, col. 1553.

Plus que tous les autres, saint Jérôme devait naturellement se montrer sévère pour la condition des personnes mariées. Non seulement il fut toujours ardent à propager l’idéal de renoncement, non seulement il fut un apôtre de la virginité et de la vie religieuse aux charmes de laquelle il se laissa prendre lui-même, mais les polémiques qu’il eut à soutenir pour défendre son idéal tendaient à exciter son ardeur et à lui faire prendre parti contre le terre à terre de la vie conjugale. Il faut bien avouer, en effet, qu’il n’est pas tendre pour les personnes mariées ; et si on prenait à la lettre un grand nombre de ses expressions, quand il réfute Helvidius, Jovinieu ou Vigilantius, on le cataloguerait sans hésiter parmi les plus fougueux encratites.

Contre les adversaires de la virginité, il doit défendre l’idéal proposé par Jésus et par saint Paul. C’est pourquoi il donne à la vie des âmes vierges les plus magnifiques éloges ; il dit, par exemple : Nuptise terram replent, virginitas paradisum. Adv. Jovin., i, 16, P.L., t. xxiii, col. 235 ; et, parce que Jovinien alléguait l’exemple des Apôtres qui furent mariés, Jérôme trouve dans la particulière affection que Jésus eut pour Jean la récompense de sa virginité, virgo permansit et ideo plus amollir a Domino…, ibid., n. 26, col. 246. La virginité suppose la consécration totale au service de Dieu dans la double pureté de l’esprit et du corps : Ma virginitas est hoslia Christi cujus nec mentem cogitalio, nec carnem libido maculavit. C’est pourquoi Dieu aime les âmes vierges, et c’est pourquoi l’Apôtre veut que tous les fidèles soient comme lui ; c’est la volonté de Dieu et de saint Paul ; le mariage est seulement permis, toléré, non pas voulu : Aliud est velle quid Apostolum, aliud est ignoscere. Adv. Jovin., i, 7, col. 221. Nos qui corpora nostra exhibere. debemus hostiam vivam, sanctam, placenlem Deo, … non quid concédât Deus, sed quid velit consideremus… Quod concedit, nec bonum, nec beneplacens est, nec perjectum. Ibid., n. 37, col. 262, 263. Cette idée, saint Jérôme la développe au grand dommage du mariage. Saint Paul, a dit : « Il est bon à l’homme de ne pas toucher de femme. » Jérôme reprend l’argumentation de Terlullien : malum est ergo tangere ; nihil enim bono contrarium est nisi malum. Ibid., n. 7, col. 218. Sans doute, saint Paul a dit aussi : « mieux vaut se marier

que brûler ; » comme Terlullien encore, Jérôme dit : c’est ainsi qu’il vaut mieux ne perdre qu’un œil que de les perdre tous les deux, > et cela ne veut pas dire que ce soit un bien ; puis, prenant à partie l’Apôtre lui-même, il le somme de s’expliquer : si per se nuptise sunt borne, noli eus incendia comparare, sed die simpliciter : bonum est nubere. Suspecta est mihi bonitas i-jus rei quam mugnitudo altcrius mali malum esse cogit inferius. Ego uulem non levius malum, sed simplex per se bonum volo. Ibid., n. 9, col. 222, 223. Comment en effet le mariage serait-il bon ? Il écarte de la prière, De perpet. virgin… adv. Hclvid., n. 20, P. L., t. xxiii, col. 204 ; Ado. Jovin., i, 7, col. 220. Il ne permet pas la sainteté ; car s’il y a des saints parmi les gens mariés, c’est seulement à condition que dans le mariage ils aient imité la vie des vierges, Adv. Hclvid., 21, col. 204 ; et les prêtres, parce qu’ils doivent être saints, sont obligés de s’abstenir du mariage. Adv. Jovin., i, 34, col. 257.

Ces textes semblent absolument formels, et à les parcourir, on serait tenté de ranger saint Jérôme parmi les adversaires les plus déclarés du mariage. Et pourtant au milieu même de ses polémiques, il s’en défend. Dans son traité contre Helvidius, il supplie ses lecteurs de ne pas prendre pour une condamnation du mariage les éloges qu’il fait de la virginité, n. 21, col. 204. En tête de sa réfutation de Jovinien, il fait cette déclaration : Neque nos, Marcionis et Manichsei dogma sectanles, nupliis delrahimus ; nec Tatiani principis encratilarum errore dacepli omnem coitum spurcum putamus… Scimus in domo magna non solum vasa esse aurea et argentea, sed et lignea et fictilia… Non ignoramus honorabiles nuptias et torum immaculatum. i, 3, col. 213. Il y revient encore vers la fin : Nunc autem cum hæreticorum sit damnare conjugia… Ecclesia matrimonia non damnât, sed subjicit ; nec abjicit, sed dispensai, sciens in domo magna non solum esse…, etc., i, 40,.col. 270.

Malgré ces mises au point, Jérôme avait tellement dépassé la mesure et abaissé le mariage, et dans un langage si peu chaste, que ses opuscules firent scandale à Rome, surtout son traité contre Jovinien. Deux amis, Pammachius et Domnion, l’avertirent des interprétations fâcheuses auxquelles il donnait prise. En leur répondant, le vigoureux controversiste revient en arrière et essaie d’atténuer les exagérations que la lutte lui avait fait commettre. Il se plaint, particulièrement dans sa lettre à Pammachius, Epist., xlviii, P. L., t. xxii, col. 493 sq., qu’on veuille le regarder comme un ennemi du mariage. Soldat combattant sur la brèche, voulant vaincre pour défendre son poste, peut-on exiger que ses coups soient tellement bien mesurés qu’ils ne portent jamais trop loin ? Et comment peut-on le supposer assez peu versé dans l’Écriture sainte pour ignorer les passages qui font l’éloge du mariage. On aurait dû comprendre que son but étant de défendre la virginité, c’est vers ce but à l’exclusion de tout autre que portait son argumentation. Après ces explications, il reprend les principales de ses affirmations, soit pour en montrer l’orthodoxie, soit pour en diminuer la rigueur. Il maintient encore que l’accomplissement de l’acte conjugal doit écarter de la communion un jour ou deux, n. 15, col. 506 ; mais, sauf cette sévérité, il se défend bien d’avoir le moindre sentiment de blâme contre le mariage, et en effet c’est la pure doctrine de l’Église qu’il énonce : via regia [est] ita appelere virginitatem, ne nuptise condemnentur, n. 8, col. 498. Igitur hoc exlrema voce protester me nec damnasse nuptias, nec damnare… Virginitatem autem in cœlum fero, n. 20, col. 509.

Auparavant déjà il avait exposé la même doctrine orthodoxe dans sa fameuse lettre à Eustochium, De