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    1. MARIAGE DANS LES PÈRES##


MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR MORALE

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serait en abuser que d’en user sans retenue. Ne serait-ce pas le cas si on tolérai ! les secondes noces ?

Ne serait-ce pas ouvrir la voie à une corruption semblable à celle de Sodome et de Gomorrhe ? Car on ne s’arrête pas en pareil chemin ; après avoir accepté les secondes noces, on se trouvera forcé d’accepter les troisièmes et davantage. Nubamus igitur quotidie, et nubentes ub ullimo die deprehendamur tamquam Sodoma et Gomorrha… Et quando finis nubendi ' < : redo post finem vivendi. De exhortatione easlitatis, 9, P. L., t. il, col. 925. La pensée de Terlullien s'écarte donc sensiblement des déclarations orthodoxes qu’il avait proclamées : s’il réprouve absolument les secondes noces comme une preuve d’incontinence et une véritable débauche, il n’est pas loin d’englober dans la même réprobation le mariage lui-même ; il n’est retenu que par la tolérance expresse de Dieu promulguée par saint Paul.

Encore faut-il bien voir en quoi consiste cette tolérance. Tertullien Ja réduit à fort peu de chose. Dans son De monogamia, tout entier consacré à argumenter contre les secondes noces, il explique quelle est, à son avis, la pensée de l’Apôtre. Avant tout, saint Paul voudrait que tous fussent comme lui. Salvo, inquis, jure nubendi. Plane salvo, et videbimus quousque, nihilominus jum ex ea parte destructo qua continentiam præfert. Bonum, inquit, homini mulierem non conlingere. Ergo malum est contingere. Nihil enim bono contrarium, nisi malum. iii, t. ii, col. 932. Ce mal, pourtant, Paul le permet : c’est vrai, mais non mère bonum est quod permittitur. Ibid. Il le permet, ou plutôt il est forcé de le permettre ; mais c’est malgré lui, sa volonté est toute différente : si aliud quam quod voluit permitiit, non voluntate sed neeessitate permittens, non mère bonum ostendit quod invitus induisit. Ibid. — Saint Paul a dit également : il vaut mieux se marier que brûler. Tertullien interprète ce dernier mot du feu éternel de l’enfer et la pensée de l’apôtre se réduit donc à ceci : plutôt que de tomber dans la débauche et d’encourir par une vie criminelle les peines de l’enfer, mieux vaut encore se marier. Mais ce n’est pas faire un grand éloge du mariage que de le déclarer moins mauvais que le mal le plus grave qui soit. Et pour mieux faire comprendre sa pensée, Tertullien prend une comparaison : melius est unum oculumumittere quam duos ; si tamen discedas a comparalionc mali utriusque, non erit m°lius unum oculum habere, quia née bonum. Ibid., col. 933. — Il n’est pas moins sévère dans le De pudiciiia. Il y répète à plusieurs reprises que saint Paul a simplement permis le mariage et qu’en vertu de cette tolérance, le mariage a cessé d'être un crime, mais qu’il n’en reste pas moins une tache. De pudic., 16, t. ii, col. 1012.

S’il est quelque peu gêné dans l’appréciation sévère qu’il porte sur le mariage, Tertullien montaniste ne garde aucune mesure et ne veut faire aucune concession quand il s’agit des secondes noces. Tout mariage est indissoluble ; ni la répudiation ni la mort ne le peuvent rompre ; tout époux qui se remarie commet donc un adultère. Matrimonium est cum Deus jungil duos in unam carnem, aut junetos deprehendens in eadem carne conjunctionem signavit. Adullerium est cum, quoquo modo disjunctis duobus, alia caro, immo aliéna miscetur… Adeo non interest vivo an mortuo viro nubat (mulier). De monog., 9, t. ii, col. 941. Cette indissolubilité, même après la mort, est d’ailleurs une propriété réservée au mariage chrétien, le seul que Dieu scelle pour jamais, c’est-à-dire au mariage conclu entre chrétiens, ou, s’il a été conclu dans l’infidélité, ratifié après la conversion. Si le mariage a été rompu avant le baptême, l'époux survivant et converti est libre de se remarier : ante /idem soluto ab uxore, non numerabitur post fidem secunda uxor quiv

post fulem prima est. A ftde enim ipsa vita noslra rensetur. Ibid., 11. col. 945

La pensée de Tertullien a donc nettement progressé dans le sens de la sévérité, confonnément -.< l’essence même du montanisme qui prétendait inaugurer la société plus parfaite des pneumatiques et supprimer l’excessive indulgence dont usait la société des psychiques. Catholique, il mettait sa femme en garde contre un second mariage ; mais c'était de sa part moins un précepte qu’un conseil ; s’il se servait du mot pracipio, il parlait du consilium viduitatis, Ad uxorem. i, 1, 1. 1, col. 1275, 1276, de l’exhortation faite par saint Paul, ibid., ii, 1, col. 1289 : montaniste, il ne fait plus de distinction entre les secondes noces et la débauche. Catholique, il considérait le mariage comme une faiblesse ; montaniste, il se défend encore de le réprouver absolument, puisque l’Apôtre a jugé bon d’user d’indulgence, mais il n’a pour lui que du mépris et y voit une faute : ce n’est plus une sordes, mais c’est une macula. De pudic. 10, t. ii, col. 1012. On trouvera dans A. d’Alès, op. cit., p. 460-474, un exposé plus détaillé de la pensée de Tertullien montaniste.

d) Les novatiens. — Le schisme de Novatien, au milieu du iiie siècle, fut également caractérisé par une discipline rigoureuse en réaction contre l’indulgence dont usait l'Église. Cette rigueur se manifesta surtout dans le refus d’admettre au pardon les lapsi. Mais le même esprit, si nous en croyons des renseignements dignes de foi, porta les schismatiques à condamner les secondes noces. C’est ce que nous apprend saint Épiphane, Hares., lix, 3, P. G., t. xii, col. 1021. 1022 : « Ils refusent, dit-il, de garder la communion avec les bigames. Si quelqu’un se remarie après son baptême, ils le rejettent, ce qui est absolument déraisonnable. » Le même renseignement est donné avec plus de détails par Socrates, H. E., V. xxii, P. G., t. Lxvii, col. G41. Le 8e canon du concile de Nicée, Mansi, Concil., t. ii, col. 671, 672, fut porté contre les novatiens, Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. i, p. 577-587 ; il exige, avant qu’on les reçoive dans l'Église, qu’ils communiquent avec ceux qui se sont mariés en secondes noces.

e) Les ascètes. — L’ascétisme qui trouvait sa source dans les enseignements et les exemples du Christ et des Apôtres fut de tout temps en honneur dans l'Église ; mais c’est surtout à partir du iiie siècle qu’il prit un magnifique élan avec les anachorètes des déserts d’Egypte et de Palestine, avec les monastères qui se fondaient un peu partout en Orient. Il était inévitable que des exagérations se produisissent : ces âmes qui volaient à une vie austère pour éviter la corruption du monde étaient forcément tentées de se croire dans la seule vraie voie du salut, et de penser que la masse des chrétiens demeurait dans la voie large qui conduit à la perdition. De là à conclure que la vie ascétique et continente était obligatoire, la pente était glissante.

Ce fut l’erreur d’Eustathe, probablement cet Eustathe qui fut un des chefs du semi-arianisme et devint évêque de Sébaste vers 356. Cf. Eustathe de Sr.baste, t. v, col. 1505-1571 ; Duchesne. Hisl. anc. de l’Egl., t. ii, Paris, 1907, p. 381-387 et 519 ; HefeleLeclercq, 1. 1, p. 1044. Cette identification est attestée surtout par Socrates, H. E., Il, xmi, P. G., t. lxvii. col. 351 sq., et par Sozomène, H. E., III, xiv. ibid., col. 1079. Nous connaissons ses erreurs ou celles de ses disciples par le concile de Gangres qui condamna les eustathiens vers 340. Le concile rappelle dans son Libellus synodicus que les eustathiens réprouvaient le mariage et ne laissaient aux gens mariés aucun espoir en Dieu. Ces erreurs sont repoussées par les canons 1, 9, 10 et 14. Ainsi can. 1 : « Si quelqu’un blâme le mariage et condamne la femme fidèle et reli-