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MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR MORALE


tain nombre d’apocryphes qui uni ce traiL commun qu’ils condamnent le mariage. Les Actes de Paul appartiennes à cette classe d’apocryphes à tendance encratite. L’auteur connaît les exhortations de l’Apôtre en faveur de la chasteté et de la continence ; mais il défigure la pensée de Paul en insistant lourdement sur ces conseils jusqu'à leur donner l’apparence d’ordres, et en laissant dans l’ombre d’autres passages qui aideraient à les ramener à leur véritable valeur. !.. Vouaux, Les Actes de Paul, Paris. 1913, p. 123, 124. Dans cet apocryphe, en effet, la prédication de Paul porte presque uniquement sur la pureté, la continence, le renoncement, par exemple n. 5 et 6, p. 155-157, et c’est bien ainsi que ses ennemis résument sa doctrine : « Ce séducteur trompe les âmes des jeunes gens et des vierges afin qu’ils ne se marient pas. » n. 11, p. 169. « Il écarte les jeunes gens des femmes et les vierges des hommes en disant : il ne peut y avoir pour vous de résurrection que si vous restez chastes et si, loin de souiller votre chair, vous la conservez pure, » n. 12, p. 171. Nous savons par Tertullien, De baptismo, c. xvii, P. L., t. i, col. 1219, que l'Église condamna comme faussaire le prêtre reconnu coupable d’avoir composé cet ouvrage sous le nom de l’Apôtre ; et sans doute, cette condamnation n’atteignait pas directement la doctrine qui y est enseignée ; mais elle montre du moins que l'Église ne retrouvait pas dans cet aprocryphe la vraie pensée de saint Paul. — Les mêmes tendances encratites se retrouvent, plus accentuées encore, dans les autres Actes apocryphes, de Pierre, d’André., surtout de Jean et de Thomas.

On a voulu trouver une saveur d’encratisme à certains passages du Pasteur d’Hermas. En réalité ce sont des conseils de continence et rien de plus. Quand Il dit, par exemple : « Crains Dieu et que sa crainte t’inspire la continence, » Mand. i, 2, édit. Lelong, Paris, 1912, p. 72, 73, il donne un conseil qui ne dépasse pas la pensée de Paul. Quand il ordonne de garder la fidélité à son épouse, Mand. iv, 1, p. 80, 81, c’est une loi naturelle qu’il exprime ; et quand il permet expressément les secondes noces, Mand. iv, 4, p. 88, 89, il se place aussi loin que possible de l’encra Usine.

La tendance encratite est plus marquée dans l’homélie du n » siècle connue sous le nom de II* démentis. Elle se réfère à un passage de VÉvangile selon les Égyptiens et le commente ainsi : « Dans la rencontre de l’homme avec la femme, « ni homme ni femme «  signifie qu’un frère à la vue d’une sœur ne pense point au sexe féminin à son propos, et qu’elle, à son tour, ne pense pas au masculin. Si vous agissez ainsi, veut-il dire, le royaume de mon Père viendra. » Édit. Hemmer, Paris, 1909, p. 154-155.

Mais dès lors l’encratisme pur ne se retrouve plus guère ; presque toujours il se joint à quelque hérésie à laquelle il emprunte ses principes dogmatiques. Ces accointances fâcheuses de l’encratisme, selon le mot de Mgr Duchesne, Hist. anc. de l'Église, t. i, Paris, 1906, p. 514, prouvent nettement combien cette poussée était éloignée de la pensée de l'Église ; si la morale du renoncement n’avait été si fortement conseillée dans l'Évangile, elles auraient pu jeter des soupçons défavorables sur l’ascétisme le plus orthodoxe.

b) Les gnostiques. — La conception gnostique de la matière, issue du principe mauvais et source de souillure pour l'âme, donnait à l’encratisme une base dogmatique trop naturelle pour qu’une alliance étroite ne s'établît pas entre ce qui n'était que tendance morale exagérée et ce qui était erreur philosophique et théologique. De fait, pendant tout le Ie siècle, les encratites sont, à peu près tous, plus ou

moins entachés de gnosticisme, soit que des encratites, d’abord chrétiens, eussent voulu légitimer leurs conceptions excessives de pureté en les rattachant à une métaphysique de la matière, soit que les gnostiques aboutissent logiquement à la condamnation du mariage, œuvre de chair, condition de la propagation de la chair.

Basilide, voir t. ii, col. 465 sq., conseille de s’abstenir du mariage ; il le permet seulement comme un inoindre mal, pour se débarrasser des tentations qui entraveraient la prière. Clément d’Alexandrie, Strom., t. III, c. i, P. G., t. viii, col. 1099-1102. Le même résultat pouvant être obtenu par toute satisfaction des appétits charnels, même en dehors du mariage, il n’est pas étonnant que plusieurs Pères lui aient reproché sa doctrine immorale, bien que ce reproche atteigne sans doute plus directement ses sectateurs que lui-même. Cf. Irénée, Contra hæres., I, xxiv, 5, P. G., t. vii, col. 678 ; Épiphane, Hæres., xxiv, 3, t. xli, col. 312 313 ; Jérôme, Adv. Jovin., ii, 37, P. L., X. xxiii, col. 335.

Mareion est le plus connu des représentants de l’enciatisme gnostique, sans doute parce que son influence fut profonde et durable, sans doute aussi parce qu’il eut la bonne fortune d'être réfuté par Tertullien. Pour Mareion la continence est, comme pour les divers gnostiques, une conséquence de sa doctrine. C’est bien, en effet, la pensée de Mareion, d’après Tertullien : Non tinguitur apud illum caro, nisi virgo, nisi vidua, nisi cœlebs, nisi divortio baptisma mercata… Sine dubio ex damnation ? conjugii institutio ista constabit. Adu. Marc., t. I, c. xxix, P. L., t. ii, col. 280. Nega te nunc dementissimum, Mareion… (Deus tuus) nuptias non conjungit, conjunctas non admitlit, neminem tinguit nisi cœlibem aut spadonem, morti aut repudio baptisma servat. Ibid., t. IV, c. xi, col. 382 ; cf. c. xxxiv, col. 442. Voir ci-dessus col. 2024.

On connaît, par le même Tertullien, un autre gnostique, Apelle : Mareion et Ap’lles ejus secutor, De præscriplionibus, n. 33, P. L., t. ii, col. 46, qui aurait été l’ennemi du 'mariage. D’ailleurs cette position fut certainement celle de tout le gnosticisme.

Tatien, d’abord disciple de saint Justin, se sépara, dit-on, de l'Église après le martyre de son maître et s’attacha au gnosticisme. Saint Irénée, Conl. hæres., I, xxviii, 1, P. G., t. vii, col. 690, 691, dit que, comme Mareion et Saturnin, « il appela les noces une corruption et une débauche », et qu'à la doctrine de ses maîtres il ajouta cette idée qui lui était personnelle, qu’Adam était damné. Saint Jérôme le qualifie de prince des encratites, sans doute pour sa notoriété plutôt qu’en raison d’une autorité qu’il aurait eue dans l'Église gnostique, et donne comme idée générale de son erreur qu’il considérait comme une débauche tout commerce sexuel : Neque nos Marcionis et Manichœi dogma seclanles nuptiis detrahimus. Nec Tatiani principis encralitarum errore decepti omnem eoitum spurcum pulamus. Adv. Jovin., i, 3, P. L., t. xxiii, col. 213.

Saint Jérôme nous renseigne sur un autre hérétique, Jules Cassien, voir t. ii, col. 1829, 1830, qui fut un des chefs du docétisme ; il l’appelle encratitarum vcl acerrimus hæresiarches. Comm. in epist. ad Galatas, t. III, c. vi, P. L., t. xxvi, col. 431. S’appuyant sur un texte de l'Épître aux Galates dont il tronquait les mots, Cassien raisonnait ainsi : Si quis seminat in carne, de carne metet corruptionem. In carne autem seminat qui mulisri fungitur ; ergo et is qui uxore ulitur et seminat in carne ejus metet corruptionem. Ibid. C'était donc, conformément à la doctrine gnostique, la condamnation du mariage, ou plutôt de l’acte conjugal.

c) Les monlanistes. Tertullien. — LIne des caracté ristiques du mouvement monlaniste était un ascétisme