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MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. LA LOI ÉVANGÉLIQUE


et il déclare formellement qu’elle est adultère si, du vivant de son mari, elle vit avec un autre liomme. Mais à ce point de vue, les époux sont égaux en droits et en devoirs ; subordonnés l’un à l’autre dans leurs relations et dans la vie de famille, ils sont soumis l’un envers l’autre aux mêmes obligations de fidélité ; ils se sont donnés l’un à l’autre et leur donation est irrévocable et exclusive ; le mari ne peut pas plus que la femme se reprendre. C’est le grand principe qu'énonce l’Apôtre, I Cor., vii, 4 : « La femme n’est pas la maîtresse de son corps : il est à son mari. Le mari n’est pas davantage le maître de son corps ; il est à sa femme. » Aussi quand il édicté ensuite à nouveau la loi d’indissolubilité et par suite d’unité, il dit formellement que les deux époux sont en cela sur le pied d'égalité : « Quant aux gens mariés, voici ce que je leur commande, ou plutôt ce que le Seigneur leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si cependant elle s’en trouve séparée, qu’elle vive dans le célibat ou bien qu’elle se réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. » (vu, 10, 11.) La pensée de saint Paul est évidente ; il laisse aux lecteurs le soin de compléter : si le mari a renvoyé sa femme, qu’il vive dans le célibat ou qu’il se réconcilie avec sa femme.

Ainsi la loi de l’unité du mariage appartient au droit divin rétabli dans son intégrité par le Christ. Voulue par Dieu quand il a fondé la première famille humaine et qu’il l’a composée d’un seul homme et d’une seule femme, elle est portée de nouveau par Jésus. Duas tempore uno habere uxores nec ipsa origo humanæ conditionis admittil, nec lex christianorum ulla permiltit. Nicolas I er, Resp. ad consulta Bulgarorum, 51, P. L., t. exix, col. 999.

2° Les secondes noces — Notre Seigneur n’a pas dit sa pensée sur les secondes noces. De son silence même on peut conclure qu’il ne les condamnait pas. Dans le Sermon sur la montagne, énumérant les divers points de morale sur lesquels il voulait que sa loi fût plus parfaite que l’ancienne, il n’aurait pas manqué, semble-t-il, de signaler le remariage de l'époux ou de l'épouse restés veufs. Bien plus, une occasion lui a été fournie où il eût dû formuler une condamnation si elle avait été dans sa pensée : lorsqu’il est interrogé sur la loi du lévirat, et qu’on lui pose le singulier cas de conscience auquel elle donnait lieu, Matth, , xxii, 23 sq., il lui était facile de dire qu’il y avait là une imperfection qui devait disparaître : il ne le dit pas et laisse entendre par conséquent qu’il ne condamne pas les secondes noces.

Saint Paul exprime formellement cette licéité des secondes noces. Pour lui,

1. La mort d’un des époux affranchit le survivant du lien du mariage et rend légitime une nouvelle union. Rom., vii, 3 ; I Cor., vii, 39.

2. Évidemment il serait plus parfait de demeurer dans l'état de veuvage que de se remarier, de même que la virginité gardée pour Dieu est supérieure au mariage ; mais c’est un renoncement que l’on ne saurait que conseiller, non imposer, I.Cor., vii, 7, 8 ; la grâce de Dieu n’est pas la même pour tous et chacun doit se conformer à la vocation qu’il a reçue.

3. Bien plus, il est des cas où, pour le bien de son âme, l'époux survivant fera mieux de contracter un nouveau mariage ; et les secondes noces deviennent alors, non seulement permises, mais louables : « S’ils ne peuvent garder la continence, dit Paul des veufs comme des célibataires, qu’ils se marient. Mieux vaut se marier que de brûler [de convoitise]. » I Cor., vu, 9. — Il va plus loin encore dans les directives qu’il donne à Timothée pour son ministère. Il lui recommande d’avoir pour les veuves respect et charité, _, mais à condition qu’il s’agisse de veuves

dignes de ce nom, qui aient fait preuvede vertu et d'énergie. Des veuves trop jeunes, au contraire, il convient de se défier, car elles pourraient être une source de désagréments pour l'Église. « Je désire, ajoute-t-il, que les jeunes veuves se marient, qu’elles aient des enfants, qu’elles tiennent une maison et qu’ainsi elles ne donnent pas à l’adversaire une occasion de mal parler. » I Tim., v, 14.

Si claire que soit la doctrine de l’Apôtre pour quiconque lit son texte avec le sincère désir de voir la vérité, des rigoristes plus ou moins hétérodoxes ont prétendu représenter sa vraie pensée en condamnant les secondes noces. Les Pères ont eu à combattre ces erreurs et ces exagérations et à affirmer à nouveau la doctrine. Nous retrouverons, en étudiant leurs écrits, le prolongement de la pensée de saint Paul.

/II. SAINTETÉ DU MAJUAûB. ~~ La morale de Jésus est à base de renoncement et de sacrifice ; elle tend à élever l’homme au-dessus de lui-même pour le mener à Dieu. Jésus, le premier, a donné l’exemple du plus complet renoncement et en particulier du renoncement aux joies de la famille : docteur et sauveur du monde, il ne pouvait limiter son cœur au cercle étroit d’un foyer humain. Va-t-il pour cela condamner le mariage, ou au moins le représenter comme un état imparfait que Dieu tolère mais n’estime pas, comme un mal nécessaire qu’il ne laisse subsister que par impossibilité de le supprimer ? Tout au contraire. Si la morale de Jésus vise à un idéal très élevé, elle n’en est pas moins très humaine ; si elle offre à certaines âmes d'élite un état de perfection au-dessus de ce que peuvent porter les âmes communes, elle ne jette aucun discrédit sur la voie plus humble où marche le grand nombre ; si elle propose à certains privilégiésde la grâce une fécondité d’ordre supérieur, elle ne diminue en rien la noblesse de la fécondité promise par la parole du Créateur : « Croissez et multipliez-vous. » Et, à ne prendre les choses que du simple point de vue humain, cette attitude du Christ est infiniment raisonnable, comparée à celle d’autres fondateurs de religion, Marcion par exemple ou Mani.

Un des épisodes de la vie du Christ a été interprétéà juste titre par les Pères comme une marque d’honneur -accordée par lui au mariage : il s’agit de sa présence aux noces de Cana et du miracle qu’il y accomplit. Joa., ii, 1-11. Les Pères y ont vu d’abord une approbation de l'état commun des hommes. Jésus vient de quitter la vie de famille pour commencer son ministère ; mais cette vie, il tient à montrer qu’il ne la condamne pas, et c’est pourquoi il veut sanctifier par sa présence la fondation d’une nouvelle famille. On connaît le beau texte de saint Augustin, In Joan., tract, ix, n. 1, P. L., t. xxxv, col. 1458 : Quod Dominus invilatus venit ad nuptias, etiam excepta myslica significatione, conftrmare voluit quod ipse fecit nuptias. Futuri enim erant, de quibus dixit Aposlolus, prohi. bentes nuberc et dicentes quod malum essent nupliæ, etc Saint Cyrille d’Alexandrie rapproche de la malédiction prononcée contre Eve coupable la bénédiction apportée par Jésus : « Il avait été dit à la femme : tu enfanteras dans la douleur. Il semblait que l’on dût éviter ces noces qui avaient encouru une telle malédiction. Mais le Sauveur, l’ami des hommes, enlève cette crainte. Par sa présence, il a glorifié les noces ; lui, la joie et le charme de toutes choses, il a voulu ôter à l’enfantement la tristesse ancienne. » In Joan., n, P. G., t. lxxiii, col. 226. Et un traité, De l’incarnation du Seigneur, mis parmi les œuvres du même saint Cyrille, mais qui en réalité est de Théodoret, Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes, i, Paris, 1901, p. 316, répète très explicitement la même pensée : « Celui qui est né d’une vierge, qui par ses paroles et par toute sa vie a exalté la virginité, voulut honorer -