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MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. LA LOI ÉVANGÉLIQUE

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si elle accordait au mari le droit de renvoyer son

épouse adultère, ne lui reconnaissait pus le droit de contracter un nouveau mariage. Voir le Pasteur d’Hermas, Mand., iv, (i, édit. Lelong, Paris, 1 ! M2, p. 83 : Tertullien, Adv. Marcionem, iv, 34, /'. L., i. ii,

col. I 12. Il faut donc de toute nécessité, non seulement pour concilier les textes de Matthieu avec l’ensemble du Nouveau Testament, mais pour ne pas mettre d’incohérence dans ces textes eux-mêmes, soit dénier toute authenticité aux deux incises qui semblent faire une exception, procédé par trop commode, rejeté par la grande majorité des commentateurs ; soit les expliquer en les pliant au sens général de l’indissolubilité absolue du mariage. C’estce que l’ont les auteurs des travaux que nous avons cités : il ne semble pas utile de reproduire une fois de plus leurs explications.

L’enseignement de saint Paul reproduit celui de Jésus. — Rom., vii, 1-3, il parle incidemment du mariage pour illustrer sa pensée. Il développe l’idée de la délivrance apportée par le Christ à ceux qui étaient sous la servitude de la Loi ; cette servitude, il la compare au lien qui unit les époux et dont la mort seule les délivre : « C’est ainsi qu’une femme mariée est liée par la loi à son mari aussi longtemps qu’il vit. Mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari. Ainsi donc, du vivant de son mari, elle sera réputée adultère, si elle s’unit à un autre. Mais son mari mort, elle est affranchie de la loi de manière à n'être point adultère si elle s’unit à un autre homme. » — Il revient ex professo sur la même doctrine dans la I' Épître aux Corinthiens, vii, 10, 11, et ce n’est pas sa doctrine à lui, c’est celle du Seigneur : « Quant aux gens mariés, voici ce que je leur commande, ou plutôt ce que le Seigneur lui-même leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si cependant elle s’en trouve séparée, qu’elle vive dans le célibat ou bien qu’elle se réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. » Il revient sur la même affirmation après un long développement sur le mariage et la virginité, en disant au ꝟ. 39 : « Pour la femme mariée, elle est liée aussi longtemps que son mari est vivant. Si le mari vient à mourir, elle est libre d'épouser qui elle veut ; dans le Seigneur, bien entendu. »

Sur un point cependant, l’Apôtre met une restriction à la loi d’indissolubilité et ici il avoue expressément qu’il donne, non plus l’enseignement du maître, mais le sien propre : « Pour les autres, je leur dis ceci, non pas le Seigneur, mais moi. » I Cor., vii, 12. C’est le casus Apostoli, ou privilège paulin, dont nous allons parler.

Extension de la loi d’indissolubilité.

1. En

général, d’après la loi évangélique. — Si, d’après la loi naturelle, certains doutes pouvaient subsister, ils disparaissent devant la parfaite clarté de l'Évangile. Il s’agit évidemment du mariage tel que Notre-Seigneur l’a sanctifié, du mariage élevé à la dignité de sacrement, donc du mariage entre chrétiens : la loi de douceur de l'Évangile n’a pas chargé d’un joug nouveau les mariages des infidèles. De plus, la pratique de l'Église, interprète officielle de la volonté du Christ, oblige à ajouter une précision nouvelle : il s’agit du mariage consommé, c’est-à-dire complété par l’accomplissement de l’acte conjugal. Un tel mariage est absolument indissoluble ; aucune raison d’intérêt ou de sentiment, si grave soit-elle, ne peut légitimer un divorce dans aucun cas ; aucune autorité, pas plus celle de l'État que celle de 1 Église, ne peut le prononcer.

Telle est la volonté formelle du Christ. Quand, en effet, il rétablit le mariage dans son indissolubilité primitive et défendit de briser un lien formé par Dieu lui-même, Matth., xix, 6, les apôtres, habitués aux

tolérances de la loi de Moïse, lui objectèrent les difficultés, parfois très douloureuses, auxquelles cette loi sans souplesse ne manquerait pas d’exposer les gens mariés, ces mêmes difficultés devant lesquelles Moïse avait dû permettre la répudiation : « Si telle est la condition de l’homme vis-à-vis de sa femme, lui dirent-ils, il vaut mieux ne pas se marier. » Us songeaient à tous les inconvénients possibles, aux déceptions, aux incompatibilités d’humeur, aux infidélités, aux impasses extrêmement pénibles dans lesquelles les époux pouvaient être engagés sans issue possible : et raisonnant en disciples de Moïse, ne songeant pas assez aux secours divins qui peuvent rendre supportable le joug le plus lourd, ils concluaient : mieux vaut ne pas se marier. C’est donc qu’ils avaient bien compris que la règle posée par le Maître était absolue et ne comportait pas d’exception. Et Jésus le confirme en effet dans sa réponse ; car il ne dit pas : dans des cas trop douloureux, la loi pourra céder ; mais seulement : tous n’ont pas reçu de Dieu le don spécial pour rester dans le célibat. Matth., xix, 10-12. Pour Jésus donc, pas d’exception.

2. Le privilège paulin.

On désigne ainsi une exception apportée par saint Paul à la loi naturelle de l’indissolubilité matrimoniale. Cette exception a pour but de protéger la foi du conjoint chrétien que pourrait menacer l’intransigeance du conjoint resté païen. D’autre part c’est une exception à la loi naturelle et non à la loi évangélique, puisque le mariage dont il s’agit a été conclu dans l’infidélité et n’est donc pas sacrement.

Voici le texte de l’Apôtre : « Pour les autres, je leur dis ceci, non pas le Seigneur, mais moi. Si quelque frère a une femme païenne, et qu’elle consente à vivre avec lui, qu’il ne la répudie pas. Si une femme a un mari païen, et qu’il consente à vivre avec elle, qu’elle ne répudie pas son mari. Le mari païen est sanctifié par sa femme et la femme païenne est sanctifiée par son mari. S’il en était autrement, vos enfants seraient impurs, tandis qu’en réalité ils sont saints. Si la partie païenne veut se séparer, qu’elle se sépare. Dans ces sortes de cas, le frère et la sœur ne sont pas enchaînés. » I Cor., vii, 12-15.

Ce n’est donc plus le Seigneur qui a porté ce décret comme il a porté la loi de l’indissolubilité, ibid., 10. C’est Paul lui-même, mais avec l’autorité qu’il possède de par Dieu comme apôtre, comme fondateur d'Églises, comme interprète autorisé de la loi du Christ, comme inspiré par l’Esprit du Seigneur. C’est pourquoi le Saint-Office, dans une déclaration du Il juillet 1886, a pu dire que ce privilège « a été accordé par le Christ Notre-Seigneur en faveur de la foi et promulgué par l’apôtre Paul ».

Paul s’adresse « aux autres ». Il vient de proclamer le précepte du Seigneur « aux gens mariés ». Les « autres » dont il s’agit ici sont donc ceux qui, vivant dans le mariage, ne sont pas mariés au sens complet et chrétien du mot, ceux donc qui ont conclu leur mariage étant encore païens ; car, comme le fait remarquer le P. Lemonnyer, l’Apôtre ne suppose pas qu’un chrétien ou une chrétienne puissent épouser un ou une infidèle. Épîtres de saint Paul, Paris, 1906, t. i, p. 124. Le cas visé ici est donc celui du mariage conclu entre deux infidèles dont l’un s’est ensuite converti, l’autre demeurant dans son erreur. C’est ainsi que l’Eglise a toujours appliqué le privilège accordé par l’apôtre. Voir le texte qui fait loi en la matière, à savoir la lettre d’Innocent III à Hugues, évêque de Ferrare, 1 er mai 1199, P. L.. t. ccxiv, col. 588, et Denzinger-Bannwart, n. 405-406.

Quel est dans ce cas le devoir absolu de l'époux devenu fidèle ? Il doit avant tout respecter la loi générale de l’indissolubilité. Son mariage est valide