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MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. L’INSTITUTION PRIMITIVE


père et la mère, protecteurs naturels de sa faiblesse physique, éducateurs naturels de son esprit et de sa conscience morale, associés dans une union durable pour accomplir cette grande œuvre qu’est la formation d’un homme.

Ces arguments et d’autres sont développés par G. Fonsegrive, Mariage et union libre, Paris, 1904. On en trouvera un résumé très substantiel et convaincant dans les Conférences de Mgr d’Hulst, Carême 1894, 1° conf., ou du P. Coulet, V 'Église et le problème de la famille, II, 1°> conférence, Paris, 1925, p. 11-51.

2. Le but principal du mariatje est la transmission de la vie. — La raison suffirait à le découvrir, rien qu’en constatant le plan divin visible dans la distinction des sexes et dans l’aboutissement naturel des actes propres au mariage. Mais Dieu, dans le récit de la Genèse, ne veut pas laisser de doute. A vrai dire, il ne condamne pas d’autres buts secondaires que les époux peuvent se proposer ; et par exemple le mot assez vague d’adjutorium simile sibi, ii, 18, peut comprendre les avantages et les douceurs de la vie commune. Le but premier et essentiel n’en reste pas moins la propagation de la race, et c’est le mot d’ordre que Dieu donne à nos premiers parents : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre. » Et donc tout acte conjugal où les époux ne rechercheraient que la jouissance sensuelle égoïste, et duquel ils excluraient positivement la possibilité de procréer serait un abus criminel du mariage, violant la loi de la nature et la volonté positive du Créateur. Le péché et la punition d’Onan sont racontés, Gen., xxxviii, 9, 10.

3. Le contrat de mariage est saint de sa nature. — Le mariage suppose à son origine un véritable contrat par lequel les époux se donnent et s’acceptent, et s’engagent aux devoirs nouveaux qui leur sont imposés. Adam accepte ainsi la femme que Dieu lui présente : « Celle-ci est os de mes os et chair de ma chair. » Mais c’est un contrat d’une nature différente des autres contrats, tant par son objet qui est le don total de soi, que par son but qui est la propagation de l’espèce humaine. Et c’est pour souligner ce caractère transcendant et sacré du contrat matrimonial que Dieu intervient di ectement pour l’instituer. Voulant témoigner l’estime qu’il a de l’homme et de ses hautes destinées, il le crée autrement qu’il n’avait créé les animaux ; il agit de même dans la création de la femme, la formant par une action personnelle et symbolique et non par un simple acte de volonté. Puis quand le premier couple humain est ainsi constitué, il présente lui-même Eve à Adam comme pour bénir le premier mariage. Ainsi la conduite même de Dieu telle que la décrit le livre sacré nous invite à voir dans le mariage un contrat sua vi, sua natura, sua sponte sacrum. Léon XIII, Encyc. Arcanum, 10 fév. 1880, § Attamen naturaliste.

De fait, pouvait-il en être autrement, étant donné l'éminente dignité de l’enfant, en vue duquel le mariage se conclut ? Il est l’homme de demain, destiné par son intelligence et sa volonté à connaître et à aimer Dieu pendant sa vie, mais surtout, par son âme immortelle et par son élévation à l’ordre surnaturel, fait pour devenir un élu du ciel. L’union de l’homme et de la femme procure la naissance et l'éducation de l’enfant ; c’est par la collaboration du père et de la mère que l’enfant est mis dans la voie de rectitude morale par laquelle il atteindra sa fin ; cette union, du fait même de son but, est revêtue d’une sainteté qui la place incomparablement au-dessus de tous les autres contrats par lesquels un homme peut se lier. Ce fait a été reconnu par tous les peuples. Léon XIII, loc. cit. ; Lemaire, Le mariage civil, Paris, s. d. (1904), p. 3-15. Dès lors, contrat sacré, le mariage pourra échapper aux conditions des contrats

ordinaires que la volonté des contractants peut défaire comme elle les a faits ; car en lui sont engagés des intérêts d’une gravité telle qu’ils dépassent les variations de la volonté humaine.

4. Le mariage est de sa nature indissoluble.

- Au témoignage de.Jésus, le mariage primitif fut indissoluble. Matth., xix, 8. Et en effet, le récit de la Genèse nous fait connaître la volonté divine : l’homme abandonnera tout, même la famille où il a été élevé, pour former une nouvelle famille ; et le principe sur lequel est fondé son nouveau foyer, c’est le lien étroit qui existe entre les deux époux, lien total qui unit sans réserve leurs corps et leurs cœurs (adhærebit) et qui de deux êtres n’en fait plus qu’un. Gen., ii, 24. « L’homme et la femme, dit saint Jean Chrysostome, né forment qu’un seul corps. C’est pourquoi ils ne sont pas deux, mais une seule chair. Et de même qu’il est criminel de mutiler l’homme, c’est un crime de séparer de l’homme la femme qui lui est unie. Hom. lxii in Matth., 2, P. G., t. lviii, col. 597. Cette propriété du mariage est trop importante pour que nous ne l'étudiions pas avec quelque détail pour déterminer sa nature et son extension.

a) Sa nature. — La loi d’indissolubilité appartient certainement au droit divin positif. Indépendamment même de l'Évangile qui a rétabli dans son intégrité le mariage primitif, la volonté de Dieu s’est manifestée assez clairement par les paroles rapportées dans le livre inspiré. Le divorce proprement dit est donc défendu par la volonté de Dieu, créateur du premier mariage et législateur de ses conditions ; il n’a pu devenir légitime que par une dispense formelle ou équivalente de Dieu.

Elle appartient aussi à la loi naturelle. C’est Dieu, auteur de la famille, qui a voulu le mariage indissoluble ; et il l’a voulu tel parce que l’intérêt de la famille humaine l’exige. Léon XIII énumère ainsi les funestes conséquences du divorce : « II est à peine besoin de dire tout ce que le divorce renferme de conséquences funestes. Par le divorce, les engagements du mariage deviennent inconstants ; l’affection réciproque est affaiblie ; l’infidélité reçoit des encouragements pernicieux ; la protection et l'éducation des enfants sont compromises. Il fournit l’occasion de dissoudre les unions domestiques ; il sème des germes de discorde entre les familles ; la dignité de la femme est amoindrie et abaissée, car elle court le danger d'être abandonnée après avoir servi à la passion de l’homme. Et comme rien ne contribue davantage à ruiner les familles et à affaiblir les États que la corruption des mœurs, il est facile de reconnaître que le divorce, qui est la conséquence de mœurs dépravées, ouvre le chemin, l’expérience le démontre, à une dépravation encore plus profonde des habitudes privées et publiques. » Encyc. Arcanum, § At vero. Et le pape fait appel à l’histoire pour montrer ce que devient la famille quand on y laisse pénétrer le divorce.

C’est pourquoi l'Église, tout en affirmant que l’indissolubilité a été proclamée par le Christ, surtout du mariage entre chrétiens, du mariage sacrement de la Nouvelle Loi, enseigne aussi qu’elle appartient déjà au mariage quatenus naturte est ofjicium. Catech. romanus, part. II, c. viii, n. 11. Le Syllabus a condamné la proposition suivante : Jure naturse matrimonii vinculum non est indissolubile et in variis casibus divortium proprie dictum auctoritate civili sanciri potest. Prop. 67, Denzinger-Bannwart, n. 1767.

Et cependant, quelles que soient les funestes conséquences du divorce pour les familles et les sociétés, il est impossible de faire abstraction d’un double fait qui doit conditionner tous les raisonnements : le premier, c’est la généralité des répudiations acceptées