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MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. L’INSTITUTION PRIMITIVE

à l’autre le droit d’accomplir les actes nécessaires à la procréation et à l’éducation des enfants, et s’obligent à la vie commune. Pesch. Prælectiones dogmaticæ. de sacramentis. part. II, ii. 683, Fribourg-en-B., 1920, p.344. — Pour les baptises, c’est ce même contrat élevé par le Christ à la dignité de sacrement et produisant la grâce.

Dans toute étude sur la mariage, la distinction entre ces trois sens, même si elle n’est pas exprimée dans les mots, doit toujours être présente à l’esprit ; elle se fait d’ailleurs d’elle-même pour peu qu’on réfléchisse à la signification précise de chaque question qu’on se pose. Quand on parle du but du mariage, par exemple, il est clair qu’on se demande pourquoi un homme et une femme vivent ensemble et ont entre eux des rapports conjugaux : il s’agit de l’état ; et par contre, lorsqu’on traite de l’indissolubilité du mariage, il s’agit principalement du contrat et du lien qu’il crée entre les deux époux, lien que la mort seule peut rompre.

Beaucoup de questions relatives au mariage ont été où seront traitées dans des articles spéciaux. Il est nécessaire de se reporter aux articles Adultère, Bigamie, Dispense, Divorce, Empêchements, Propre curé, etc., où encore aux articles qui étudient chacun des empêchements en particulier, par exemple Affinité, Crime, Disparité de culte, Parenté naturelle, ou à celui qui étudie les Devoirs des époux ; etc. — On voudrait ici, suivant la méthode et l’esprit adoptés pour les autres sacrements, se placer au point de vue de l’histoire en même temps que du dogme, envisager les diverses périodes pour montrer ce que chacune a apporté de lumière nouvelle ou de précision plus grande à la doctrine du mariage.
I. Le mariage d’après la sainte Écriture.
II. Le mariage d’après les Pères (col. 2077).
III. Le mariage d’après les théologiens de l’Église latine (col. 2123).
IV. Le mariage dans l’Église gréco-russe (col. 2317). —
V. Le mariage dans les Églises orientales(col. 2331).

I. LE MARIAGE D’APRÈS LA SAINTE ÉCRITURE.

On l’étudiera successivement dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament (Col. 2056), en marquant les progrès réalisés de l’un à l’autre.

t. Ancien Testament.

Aux premières pages de la Bible se présente du mariage une définition de la plus haute valeur : mais l’idéal ainsi exposé est très loin de se montrer réalisé partout. C’est ce que l’on étudiera successivement.

L’institution primitive et la loi naturelle.

La Genèse donne deux récits de l’institution du mariage ; le premier contenu dans le chapitre 1 que la critique attribue au document sacerdotal (P), est un résumé succinct ; au contraire le récit jahviste du c. ii se présente avec d’amples développements.

Gen., i, 27, 28 : « Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu : il les créa mâle et femelle. Et Dieu les bénit et il leur dit : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la. » —— Gen., ii, 18-24 : « Jahvé dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul : je lui ferai une aide semblable à lui… » Alors Jahvé fit tomber un profond sommeil sur l’homme qui s’endormit, et il prit une de ses côtes ce referma la chair à sa place. De la côte qu’il avait prise de l’homme, Jahvé forma une femme et il l’amena à l’homme. Et l’homme dit : « Celle-ci cette fois est os de mes os et chair de ma chair ; celle-ci sera appelée femme (’isschah) parce qu’elle a été prise de l’homme (’isch). » « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère ce s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair. » Cette dernière phrase est attribuée à Dieu par Jésus. Matth., xix. 4, 5. Elle peut être de l’auteur inspiré qui commente le récit et en tire une conclusion morale : c’est ainsi que quelques traducteurs la comprennent, par exemple Crampon. Plus vraisemblablement elle est mise pour l’auteur dans la bouche d’Adam lui-même, et saint Augustin entend qu’Adam parlait ainsi sous l’inspiration divine. De Genesi ad disteram, I. IX, ii. 36, P. L., t. xxxiv, col. 408. Au point de vue dogmatique, cette différence de traduction n’entraîne aucune différence de sens.

Dans sa brièveté, ce double récit a un contenu dogmatique très riche, puisqu’il nous montre ce qu’est le mariage dans la pensée et le plan de Dieu ; les enseignements que nous en allons tirer s’éclaireront dans la suite à la lumière de la révélation plus complète et surtout à celle de l’Évangile : mais la plupart sont déjà par eux-mêmes d’une suffisante clarté.

1. Le mariage a Dieu pour auteur.

Créateur du premier couple humain, Dieu est l’auteur de la famille et par conséquent du mariage qui la constitue. C’est en effet la loi naturelle qui exige le mariage, c’est-à-dire une union qui jouisse au moins d’une certaine fixité entre l’homme et la femme, et le récit de la Genèse ajoute aux exigences de la loi naturelle l’expression positive de la volonté divine.

Si l’on exclut le mariage, on n’a plus entre l’homme et la femme que l’union libre, et c’est elle en effet que prônent, au nom de la liberté et des droits de l’amour, certains écrivains qui se disent moralistes. Cette prétendue réforme serait à tous points de vue une effroyable dégradation. —

Dégradation de la dignité humaine : les rapports entre homme et femme seraient abaissés au-dessous même des rapports entre animaux ; car l’animal ne connaît le plaisir sexuel que pour la propagation de l’espèce, tandis que l’union libre n’est autre chose en somme que la liberté de la débauche ; c’est le mariage qui sauvegarde la dignité de l’homme et sa vraie liberté, en le forçant à dompter ses instincts les plus brutaux et les plus tyranniques et à les soumettre à la discipline du devoir. —

Dégradation de l’amour : car c’est singulièrement avent l’amour que de le réduire à la satisfaction des seuls instincts sexuels ; bien d’autres besoins, bien d’autres sentiments, et ceux-là vraiment humains, composent l’amour dans l’âme des époux : besoin de dévouement et de tendresse, besoin d’une affection durable et totale, besoin de se donner tout entier à un autre être qui se donne aussi sans réserve, désir surtout de se perpétuer dans des enfants, ce sont là des sentiments autrement profonds et de nature bien plus relevée que le besoin physiologique auquel on voudrait ramener l’amour.

Mais il s’agit surtout des enfants, de leur procréation et de leur éducation, le mariage étant principalement ordonné comme nous le verrons, au recrutement de la race. Et la procréation des enfants exige le mariage et exclut l’union libre. Les liaisons instables et passagères, ou bien demeureront stériles et ne seront que la recherche égoïste du plaisir ; ou bien laisseront l’enfant qui naîtra par hasard à la charge de la mère seule, l’homme étant celui qui jouit sans charge et se désintéresse des conséquences les plus graves de ses actes ; à moins qu’on ne prétende que l’État se chargera des enfants pour qu’ils ne soient pas une gêne à la mère elle-même, et alors que sera cette humanité nouvelle qui ne connaîtra même plus le plus doux et le plus fort des sentiments, celui qui ennoblit les animaux eux-mêmes, l’amour maternel ? —

Et tout autant que la naissance des enfants, leur éducation sera en péril avec l’union libre. Ce n’est pas sans raison que Dien a voulu que l’enfant fût, plus que les petits des animaux, lent à se développer assez pour se suffire à lui-même. S’il faut des années pour qu’il atteigne son développement physique et intellectuel, c’est que, dans les desseins de Dieu, il doit y avoir auprès de lui le