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MARCION. VIE
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époux), profondément remanié, pour en modifier les sens. Coloss. ; le passage i, 151, -17, relatif au rôle créateur du Christ préexistant avait été fortement retouché ; du texte apostolique il ne restait plus que ceci : « Le Christ est l’image du Dieu invisible et il est avant toutes choses. » Philipp. et I’hilem. n’avaient pas subi de modifications.

Comme pour l'évangile, Marcion se serait servi, pour les épîtres pauliniennes, d’une recension 1res voisine de celle qui est fournie par le ms. D (Codex Claromontanus), son texte se rapprocherait donc du texte dit occidental dont il serait la première attestation. De même encore un certain nombre de leçons marcionites (d’ailleurs neutres au point de vue doctrinal) seraient passées dans certains mss. catholiques ; le cas est particulièrement intéressant pour la finale de l'Épître aux Romains. Nous n’avons pas à étudier ici ces problèmes de critique textuelle du Nouveau Testament. Nous ne prendrons pas parti non plus dans la question de l’origine des prologues dits marcionites. On désigne sous ce nom de très brèves indications sur les destinataires et le sujet de chacune des épîtres pauliniennes, qui figurent dans un très grand nombre de mss. latins. Le premier auteur qui ait attiré sur eux l’attention, dom de Bruyne, a cru discerner dans plusieurs d’entre eux des traces non équivoques de marcionisme, Revue bénédictine, 1907, t. xxiv, p. 1-16, cf. p. 257 ; cette vue a été acceptée par un grand nombre de critiques ; cf. Harnack, p. 127*, n. 1 ; contre lesquels s’inscrit en faux le P. Lagrangc, Revue biblique, 1926, p. 161-173.

L’Apostolicon de Marcion a dû être composé non en latin, comme l’a pensé Lietzmann, Der Rômerbrieꝟ. 2e édit., p. 14 sq., mais en grec. Une traduction latine a toutefois circulé de fort bonne heure ; c’est par elle que Tertullien a connu l'œuvre de l’hérésiarque.

2. Les Antithèses. — Plusieurs des adversaires catholiques de Marcion, connaissent, à côté de la Bible marcionite, una utre ouvrage d’importance capitale, où le novateur faisait la critique de l’Ancien Testament. Tertullien est seul à nous en donner le titre : Les Antithèses, Adv. Marc, I, xix ; II, xxix ; IV, i, iv, vi, P. L., t. ii, col. 267, 319, 361, 366, 368 ; et il le signale comme ayant chez les sectaires une valeur au moins équivalente à celle de leur Écriture sainte. Sans doute il ne faut pas prendre à la lettre les expressions du redoutable polémiste, quand il appelle les Antithèses le summum instrumentant de la nouvelle Église. Ibid., I, xix. Il veut seulement indiquer par là, qu’en somme la valeur de l’instrumentum marcionite repose avant tout sur la critique de l’instrumentum catholique, et comme cette critique est faite dans les Antithèses, c’est sur ce dernier ouvrage que repose, en définitive, tout l'édifice de la nouvelle doctrine.

Par ce qu’en dit Tertullien, nous pouvons conclure le contenu du livre. D’une part, on y mettait en opposition les paroles et les actes du Dieu qui paraît dans l’Ancien Testament avec les paroles et les actes du Christ ;. la Loi s’opposait ainsi à l'Évangile en une vigoureuse antithèse. D’autre part, on y formulait l’antagonisme entre Paul et les premiers apôtres ; on y insistait sur les falsifications que l’inintelligence ou la mauvaise foi de ceux-ci avaient introduites dans le message évangélique ; on y donnait enfin le commentaire doctrinal de certains passages de l’instrumentum marcionite, quitte à discuter et au besoin à réfuter, des passages scripturaires empruntés au Nouveau Testament catholique.

Mais les citations de Tertullien et les allusions faites en d’autres écrits, surtout dans l’Adamantius. ne permettent guère de se représenter la forme extérieure

sous laquelle était formulée cette critique. Les Anlitlièscs étaient-elles un commentaire continu incorporé à l’instrumentum marcionite, ou bien un ouvrage distinct de celui-ci ? Cette seconde hypothèse paraît à Harnack la seule admissible ; selon lui l’ouvrage aurait été formé de deux parties : la première se présentant comme une série de dissertations historico-dogmatiques où auraient été discutés les rapports de Paul aves les anciens apôtres et ceux de la Bible marcionite avec la Bible catholique ; l’autre comme une collection de scolies ou remarques exégétiques sur le nouvel instrumentant. Tout ceci reste naturellement fort hypothétique. Plus hypothétiques encore les quelques tentatives de reconstitution qui ont été faites, à commencer par celle de Ilahn, Antithèses Marcionis gnostici, Kônigsberg, 1823, et à terminer par celle de Harnack lui-même, loc. cit., p. 256*-313*. Du moins le dernier critique a-t-il rassemblé avec beaucoup de diligence tous les textes cités par les écrivains antimarcionites et qui ont quelque chance d’avoir été empruntés aux Antithèses. Les doctrines qui y transparaissent seront étudiées plus loin ; il faut auparavant faire connaître ce que nous savons de la vie même de Marcion.

II. Vie et activité de Marcion.

Les renseignements dignes de foi n’abondent pas sur la vie du grand hérétique ; les polémistes catholiques avaient plus de souci de combattre ses doctrines que de faire connaître sa personne. Par ailleurs, ils ne se sont jamais privés de rapporter sur lui des traits désobligeants, même s’ils n'étaient point tout à fait assurés. En recoupant leurs divers témoignages on peut arriver cependant à une reconstitution assez cohérente de la vie de Marcion.

Il a dû naître à Sinope, dans la province du Pont, sur la côte méridionale de la mer Noire, dans les dernières années du ie siècle. On sait que cette région de l’Anatolie avait reçu de bonne heure l'Évangile. Cf. I Petr., i, 1. La célèbre lettre de Pline le Jeune à Trajan, qui est des années 111-113, nous révèle dans ces contrées l’existence d’un nombre considérable de chrétiens. Son père était évêque de la ville ; Marcion fut donc élevé dans le christianisme. Au dire d'Épiphane, qui a dû trouver le renseignement dans le Syntagma d’Hippolyte, le jeune homme aurait été excommunié par son père pour avoir séduit une vierge. Hseres. xlii, 1, P. G., t. xli, col. 696. On a suspecté l’exactitude du renseignement, qui n’est donné par aucun autre des anciens polémistes et que les Philosophoumena ne reproduisent point. Mais il n’a en soi rien d’invraisemblable ; l’expliquer allégoriquement en transformant la faute charnelle du jeune Marcion en un attentat contre la pureté de l’enseignement ecclésiastique encore vierge nous semble d’une exégèse un peu raffinée. Quoi qu’il en soit d’ailleurs, les démêlés du jeune homme avec son père l’ont sans doute amené à quitter la ville natale ; il fit du commerce et dut amasser une fortune assez considérable ; les textes postérieurs le qualifient de naucterus, c’est-à-dire « armateur ou propriétaire d’un navire », et nous le verrons faire présent à la communauté romaine d’une somme importante. C’est sans doute dans la province d’Asie qu’il trafiqua d’abord. Tout en faisant le commerce, il ne se privait pas de répandre les doutes qui déjà se précisaient dans son esprit sur la vérité du christianisme, tel que l’enseignaient les Églises du pays. C’est du moins ce que l’on conclura de l’accueil que lui fit, soit à Éphèse, soit à Smyrne, l'évêque sa nt Polycarpe. Irénée, Cont. hæres., III, iii, 4, P. G., t. vii, col. 853. Il est vrai que beaucoup de critiques situent à Rome, lors du voyage qu’y fît vers 154 le vieil évêque de Smyrne, l’entrevue de celui-ci avec Marcion. Mais ce n’est pas l’impression qui se dégage du texte d’Irénée, où l’anecdote du compliment à l’hcré-