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MAKC (SAINTj. SOTÉR 1 OLOGIE
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du royaume céleste déjà existant actuellement, où les élus seront reçus par Dieu après la mort, quoiqu’il ne faille pas sans doute exclure l’idée du royaume, conçu comme la société des croyants sur la terre, qui est comino l’anticipation du royaume céleste.

D’autres textes, en ell’et, montrent le royaume de Dieu comme une réalité spirituelle, déjà présente, qu’on doit recevoir, comme une grâce qu’on peut, ou non, accepter. Cet aspect, moins marqué dans le second évangile que dans le troisième, est cependant indiqué nettement dans une parole, x, 14, qui n’a pas de parallèle dans saint Matthieu : « Quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera pas », et plus encore dans la réponse de Jésus au scribe : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » xii, 34. Dans ce dernier passage, il s’agit indubitablement non d’un règne de Dieu à venir, mais du royaume déjà présent, qui ne peut être autre chose que la vérité que Jésus prêche, la grâce de l'Évangile. Cf. Lagrange, op. cit., p. cxxxii.

Le caractère social du règne de Dieu sur la terre est d’ailleurs moins marqué dans le second évangile que dans les deux autres synoptiques. La formation du groupe des Douze y est cependant rapportée comme dans saint Matthieu et dans saint Luc, indiquant l’intention du Sauveur de préparer des continuateurs de son œuvre, et de former les cadres de la future société des croyants. Dans la finale, xvi, 16, le baptême est considéré comme une condition du salut, et par suite comme une condition pour entrer dans le royaume de Dieu.

2. Conditions du salut.

Saint Marc, comme les

deux autres.synoptiques, rapporte des paroles de Jésus qui témoignent que l'Évangile s’adresse à toutes les nations. Dans la finale, xvi, 15, c’est l’ordre donné aux apôtres d’aller dans le monde entier et de prêcher à toute créature. La même indication se retrouve dans le corps de l'évangile, xiii, 10 et xiv, 9, textes qui ont d’ailleurs leurs parallèles dans le premier évangile, Matth., xxiv, 14 et xxvi, 13. Dans l'épisode de la Cananéenne, vii, 24-30, les paroles de Jésus sont moins dures pour les Gentils que dans le récit de saint Matthieu : les Juifs ont l’avantage d'être les premiers servis dans la distribution de l'Évangile, mais Jésus laisse entendre que les Gentils y auront ensuite leur part. Dans la parabole des vignerons, xii, 9, l’application aux Juifs à qui le royaume sera enlevé pour être transféré aux Gentils, n’est pas faite explicitement comme dans le premier évangile, Matth., xxi, 43, mais l’idée n’est pas moins clairement indiquée. D’autre part, on peut relever des paroles de Jésus, qui, sans abroger catégoriquement certaines prescriptions de la Loi mosaïque, posent, en réduisant leur valeur, un principe qui conduira à leur suppression : parole sur le sabbat, ii, 27, qui ne figure pas dans les deux autres synoptiques, et sur les aliments, vii, 15-19, avec l’incise spéciale à saint Marc : « déclarant purs tous les aliments ».

Les conditions morales de l’admission dans le royaume sont indiquées de la même façon dans saint Marc que dans saint Matthieu et saint Luc. La parabole du « Semeur » indique la nécessité des bonnes dispositions chez ceux à qui est proposé l'Évangile. Mais entre cette parabole et son explication par le Sauveur est intercalée une déclaration générale sur le but des paraboles où l’on a voulu trouver, surtout dans le texte du second évangile, iv, 11, 12, une théologie prédestinatienne réservant à quelques-uns le secret, ji.uoTr)p !.ov, du royaume de Dieu, et vouant « ceux du dehors » à la réprobation. Dans les deux autres synoptiques, il y a le pluriel : « les mystères ». L’expression de saint Marc indiquerait, d’après certains exégètes, A. Loisy en particulier, que l'évangéliste, introduisant ici une

doctrine étrangère à la pensée de Jésus, présentait le christianisme comme une religion de mystère « avec sa doctrine et ses rites propres réservés aux initiés, qui sont seuls capables d’en percevoir le sens profond, comme ils sont seuls à en éprouver la vertu. » A. Loisy, L'évangile selon Marc, p. 131. Cette interprétation force beaucoup la portée de l'ésotérisme que l'évangéliste prête à l’enseignement de Jésus, ésotérisme qui n’a rien de commun avec celui des mystères du paganisme. Le royaume de Dieu, son établissement par des voies si contraires à l’attente du messianisme juif, c'était bien un mystère : les paraboles y jetaient quelque clarté et orientaient les âmes de bonne volonté vers une intelligence plus complète, que Jésus se réservait de donner seulement à ses apôtres et aux plus fidèles de ses auditeurs. « Mais déjà, sans cette instruction plus développée, les foules recevaient assez d’enseignements pour comprendre l’essentiel du message, de même que, sans la transfiguration et la résurrection, elles avaient vu assez de merveilles pour reconnaître à des signes certains le Messie envoyé de Dieu. » Huby, op. cit., p. 92. La citation d’Isaïe, rapportée par l'évangéliste indique donc 1 non, à proprement parler, le but de l’enseignement parabolique, mais son effet sur ceux à qui la grâce n’a pas été donnée de comprendre, parce que l’insuffisance de leur bonne volonté a fait obstacle au don divin. La déclaration de Jésus ne manifeste pas chez lui l’intention d’endurcir les juifs en leur parlant un langage inintelligible, et saint Marc n’a pu prêter au Christ cette intention. Mais Jésus prévoyait l’incrédulité d’une grande partie de ses auditeurs, incrédulité résultant de leur mauvaise volonté, et qui ferait pour eux de sa prédication une occasion d’endurcissement, bien qu'à eux comme aux autres, mieux disposés, ait été offerte la vérité qui les aurait sauvés. Cf. sur ce passage, Lagrange, op. cit., p. 96 sq., et Revue biblique, 1910, p. 5-35 : Le but des paraboles d’après l'évangile de saint Marc.

3. Le Christ Sauveur.

Les textes essentiels du second évangile, sur la mission du Christ et son rôle dans l'œuvre de salut sont : viii, 31, dont il faut rapprocher les deux autres prophéties de la passion, ix, 30 ; x, 32-34, et surtout x, 45, qui ont d’ailleurs leurs parallèles exacts dans le premier évangile : Matth., xvi, 21 ; xvii, 21-22 ; xx, 18 et 28.

Le premier passage affirme la nécessité des souffrances et de la mort du Christ, et marque une étape nouvelle dans les révélations faites par Jésus à ses disciples : Le Fils de l’homme sera rejeté, condamné et mis à mort par les représentants du judaïsme, mais cet échec apparent fait partie du plan divin, c’est une nécessité providentielle, une condition de l’avènement du règne de Dieu.

La signification profonde de cette mort du Christ et de sa nécessité est expliquée dans la déclaration qui termine le débat sur l’humilité, x, 42-45 : « Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et pour donner sa vie comme rançon, XÛTpov, pour plusieurs, àvù 7toXXâiv. Jésus y affirme d’abord que sa vie est un service, et que sa mort auss sera un service. Mais cette mort sera telle, non pas seulement parce qu’elle sera un témoignage de son amour pour les siens, mais parce qu’elle sera un rachat, le prix grâce auquel ils seront arrachés à la captivité, et qu’ils ne pouvaient payer eux-mêmes, car l’homme ne peut donner de compensation pour son âme. vm, 37. La préposition àvrî précise encore le sens : Jésus paie à la place des autres, et non pas seulement dans leur intérêt. Bien qu’il y ait àvrl itoXX&v et non pas àvri 7ïocvtcov, rien n’indique que la rédemption ne soit pas au bénéfice de tous.

4. Le paulinisme de saint Marc.

Ce passage sur la mort rédemptrice du Christ, ainsi que quelques autres