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MANNING


catholicisme, en leur donnant des motifs d’ordre moral. Désormais, il s’en reconnaît incapable. Il est convaincu que l’Eglise est Infaillible, par l’assistance du Saint-Esprit, et que celle infaillibilité ne se trouve pas dans l’anglicanisme, qui ne donne aucune importance aux questions doctrinales.

Dais ces conditions, il ne pouvait plus demeurer archidiacre de (Winchester. Son évêque, Gilbert, lui ayant demandé de convoquer son clergé, le 17 nov., pour protester contre le bref du 29 septembre 1850, par lequel Pie IX rétablissait la hiérarchie en Angleterre il lui exposa son état d'âme et lui ollrit sa démission. Sur les instances de son évêque, il présida encore cette réunion de son clergé, auquel il déclara ne pouvoir, pour la première fois de sa vie, se trouver en communion d’idées avec lui. Le 8 décembre, il se retirait de Lavington, « désolé de quitter les fidèles auxquels il avait consacré les dix-huit années de sa vie d’homme. » Purcell, op. cit., t. i, p. 598. Le G avril, avec son ami Hope Scott, il abjura entre les mains du jésuite Brownbill et, le 13, il recevait la confirmation et la communion des mains du cardinal Wiseman.

On a attribué la conversion de Manning à l’ambition déçue. « Une mitre l’eût sauvé », aurait dit le prince-consort Albert. Des historiens ont repris le mot et l’accusation ; R. Buddensieg, Manning, dans Realencyklopàdie, 3e éd., t. xii, p. 233. Or, l’avenir pour Manning semblait bien être dans l’anglicanisme. Ses qualités, ses relations faisaient de lui un personnage en vue, appelé aux plus hautes fonctions. Converti, que deviendrait-il ? Pouvait-il seulement espérer prendre place dans la hiérarchie catholique ? Son journal intime nous fait comprendre quel courage il lui fallut, pour briser avec son passé et compromettre son avenir. Sa conversion n’est pas due à un calcul d’ambition, elle est bien, comme il l’a dit, « une conclusion de la raison, … une conviction intime de l'âme. Une conception de la vérité, basée sur une certitude surnaturelle et vraiment divine, avait tellement rempli mon cœur et mon âme, qu’il ne s'éleva plus un seul instant l’ombre même d’un doute dans mon esprit et dans ma conscience ». Hedlcy, Oraison funèbre, Tablet, 1892, t. i, p. 124, cité par Hemmer, op. cit., p. 78.

4° Le prêtre catholique (1851-1865). — L’ambition de Manning était le bien des âmes : il voulut y travailler dans le catholicisme, comme il avait fait dans l’anglicanisme. Il avait été prêtre anglican, il sera prêtre catholique ; dès le 29 avril, il était tonsuré, et, le 15 juin, ordonné prêtre. Il va ensuite compléter ses études théologiques à Rome, où il est reçu docteur le 25 janvier 1854.

Pie IX aurait voulu le garder à Rome. Mais l’archevêque de Westminster avait compris de quelle utilité lui serait le nouveau converti ; pour rendre à l'Église son influence en Angleterre, il fallait donner plus d'énergie à l’action des catholiques, réduire la distance qui les séparait des membres de l'Église officielle, élever leur niveau intellectuel. Plus que les catholiques de naissance, les nouveaux convertis paraissaient capables de le seconder dans l'œuvre de relèvement du clergé catholique. Manning revint donc à Londres, se livrant à la prédication, entendant les confessions, gagnant de nouveaux convertis, dont Robert Wilberforce, fondant avec Laprimaudaye la mission de Saint-Pierre et Saint-Edouard, inspectant les écoles diocésaines.

Sa première œuvre importante fut la fondation de la Congrégation des oblats de Saint-Charles, prêtres et missionnaires diocésains. Parmi les congrégations que Wiseman avait rétablies à Londres, il ne s’en trouva aucune pour se charger des missions populaires, et se fixer dans les quartiers pauvres

de la capitale : leurs règles s’y opposaient. Cf. Lettre de Wiseman au P. l-'abcr, dans W. Ward, The Life and the Times oj curd. Wiseman, t. ii, p. 115 sq. Aussi encouragea- 1-il Manning dans son entreprise de fonder une société de prêtres. Pleinement d’accord avec son archevêque, Manning donna aux quelques ecclésiastiques groupés autour de lui une constitution inspirée des règles que saint Charles Borromée avali écrites pour ses oblats, et les installa dans le quartier déshérité de Bayswater (1850). L'œuvre fut féconde : bientôt églises et écoles furent fondées ; l’archevêque eut sous la main un groupe de prêtres zélés, sur lesquels il pouvait absolument compter, pour les œuvres les plus ingrates du ministère pastoral.

La collaboration de Manning avec Wiseman allait devenir plus étroite à partir de 1857, date à laquelle Pie IX le nomma prévôt du chapitre de Westminster. Manning arrivait « enveloppé de la triple méfiance que devait exciter un converti, un ultramontain et un homme nouveau. » E. Dimnet, La pensée catholique dans V Angleterre contemporaine, p. 50. Il ne devait pas tarder à entrer en conflit avec G. Errington, que Wiseman avait obtenu de Pie IX, en 1856, comme coadjutcur avec future succession. L'évêque de Plymouth avait mis comme condition à sa venue à Westminster, que ses décisions ne seraient jamais réformées par l’archevêque. Deux personnalités aussi fortes que Manning et Errington pouvaient difficilement vivre en paix, auprès du faible Wiseman. Le conflit éclata à propos de l’institut des oblats, fondé par Manning, et approuvé par le cardinal et par la Propagande, le 10 février 1857. Deux oblats avaient été placés au séminaire Saint-Edmond pour enseigner la théologie. Le clergé fut mécontent : il craignait que Manning et ses religieux n’introduisissent dans leur séminaire un esprit romain et des pratiques romaines, c’est-à-dire, dans leur pensée, des allures moins franches et des habitudes de délation. » E. Dimnet, op. cit., p. 57. D’accord avec le chapitre, Errington demanda l’exclusion des prêtres de Saint-Charles du séminaire. Wiseman se trouvait seul avec Manning contre toute son administration. L’archevêque et son prévôt partirent pour Rome, défendre leurs droits, 1860, tandis que, de son côté, Errington envoyait un rapport. Errington eut gain de cause sur le point de droit, mais il fut libéré par Pie IX de sa coadjutorerie et de tous droits sur le diocèse de Westminster, 9 juin 1862.

A la mort de Wiseman, 15 février 1865, Manning ne fut pas parmi les trois candidats présentés par le chapitre ; il ne fut pas non plus le candidat de la Propagande. Néanmoins, le 30 avril 1865, Pie IX le nomma archevêque de Westminster. Il fut consacré le 5 juin, et reçut, le 29 septembre, le pallium des mains de Pie IX.

5° L’archevêque de Westminster (1865-1892). — Dans la direction de son diocèse, Manning se montra homme de gouvernement. Très actif, doué d’une volonté inébranlable, d’un courage inlassable, à la fois souple et tenace, il sera vraiment un chef, n’acceptant auprès de lui que des instruments dociles, traitant lui-même toutes les affaires, prenant toutes les responsabilités. On peut donner comme le programme de son épiscopat, celui qu’en 1890 il souhaite être appliqué par son successeur : éducation et instruction des enfants, salut du peuple par le moyen des sacrements, formation et multiplication de prêtres qui ressemblent au divin Maître.

Les besoins religieux du peuple étaient loin de pouvoir être satisfaits quand il devint archevêque. Plus de vingt mille catholiques, disséminés dans les quartiers populaires de Londres, n’avaient près d’eux