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1894

canoniques, lis > retrouvaient certaines de leurs doc

trlnes. Ces doctrines d’ailleurs n’avaient pei été ensei l>.ir l.i grande Église ; elles étaient celles de la

s. et on les rencontre déjà cites les maîtres gnos tiquea du second siècle. Basilide, Valentln et Mardon.

i est encore la nom de Mardon qnl s’Imposa avant

tous les autres lorsqu’on ne se contente plus d’exa

miner les livres rejet es ou acceptés par le manichéisme.

et qu’on se met en race île la doctrine de Manl. La fond de cette doctrine est l’antagonisme entre le bien

et le mal. entre la lumière et les ténèbres. Mardon avait résolu cet antagonisme en admettant l’exis taace d’un Dieu bon a côté d’un Dieu juste. Justice

et bonté étaient, pour lui. les deux attributs, disons

si l’un veut, les deux vertus opposées. Mani est, eu

certain sens, plus logique que Mardon, car la justice

n’est pas un mal. et elle n’esl pas eontradic

de la honte, ('.'est le mal qui s’oppose au bien ; la matière qui s’oppose a la chair, l’obscurité qui s’opMani n’hésite pas à faire de cette opposition quelque chose d'éternel, de nécessaire, d’Immuable. La lumière a toujours existe en face des ténèbres, et rien ne peut supprimer l’un de ces ilt-ux principes. I.a guerre qu’ils se font l’un a l’autre, qui se poursuit depuis l’origine de ce monde Jusqu'à la consommation des choses, n’esl qu’un épisode. Avant elle, les deux royaumes coexistaient l’un à

de l’autre. Après elle, ils recommenceront à se mélanger et sans se co nn aî tr e.

Le même dualisme se retrouve, plus ou moins accentué, exprime île diverses manières dans foules 1rs sectes gnostiques. I.e manichéisme apparaît donc ci’innie une sorte de gnose, plus complète, plus logique et même, dans son ensemble, plus simple que la plupart de celles qui l’ont précédé. Mani lui-même est apôtre de Jesus-Christ. Aclii Archrl., 5 et lô. p. "> et 23 : Augustin. Contra epist. Man.. 9 : Contra Felic, i. 11. PI… t. xlii. col. 178, 529. Il est aussi le Paraclet annoncé par le Christ. Acta Archet., lf>. p. '_' !. I. S ; cf An-Nadim. dans Flùgel. Mani, p. 8°> : l'.irûni dans Kessler. Muni, p. 3t8. Il enseigne le commencement, le milieu et la fin. Il montre comment le monde s’est formé, pourquoi les jours y succèdent aux nuits, quel but poursuivent le soleil et la lune dans leurs courses lointaines. Augustin, Contra Felic. ! '. I… t. xi.ii. col. ô'iô. (.'est qu’il est le dernier des messagers divins, et qu’en lui se réalisent toutes les promesses faites par Jésus à ses Apôtres.

Kn ce sens, le manichéisme dépend du christianisme. Il n’aurait pas été ce qu’il est. si Mani avait enseigné avant le Christ, et s’il n’avait pas connu les doctrines chrétiennes. Les textes orientaux récemment découverts ont apporté ici de précieuses confirmations. Telles ou telles doctrines que l’on connaissait surtout par saint Augustin, et qui rendaient un son particulièrement chrétien, celle de la Trinité, par exemple. celles qui regardent le rôle du Christ dans le salut, pouvaient sembler particulières aux manichéens d’A frique et avoir été Influencées, a une date récente, par un contact prolongé avec le catholicisme. Le fait que ces doctrines figurent également dans les textes de Touen-houang suffit a prouver leur caractère authentique et original.

Mais le dualisme, en tant que système, n’a rien de chrétien. C’est plutôt en Orient qu’il faut en chercher les expressions les plus complètes. - Le manichéisme, écrit K. Kessler. est la gnose la plus achevée, d’une part, parce qu’il emprunte a la source primitive de toutes les gnoscs île l’Asie antérieure, a la religion ro-babylonienne, la matière mythologique la plus riche, sans aucun intermédiaire : d’autre part. parce que son fondateur Mani a travaillé et systématisé cette matière d’une façon plus conséquente

que tous les gnostiques en en taisant un corps de doctrine l’elix dit. dans Augustin. Contra Ftlie.,

u. 1. /'. L. t. xi il. coi. 586, de ['Eptttota fondement i, qu’en elle Manl a résumé le commencement, le milieu

et la lin. En tait, sut tous les problèmes qui excitent

l’intérêt religieux au sujet du passe, du présent et

de l’avenir, sur ions les problèmes relatifs I la véri

table nature de I >ieu et de l’homme, et des devoirs

[ii i s’ensuivent de l’homme par rapport à Dieu,

Mani a apporte des solutions i seulement détail

téeS, mais encore ordonnées et systématisées, Voilà ce qui. jusqu'à lui. avait manqué a la gnose. Le mani eheisnie devait ainsi, pendant le premier millénaire de 1ère chrétienne, exercer une profonde Influence,

I es anciens systèmes de la gnOSC dualiste, ceux dont

Mani lui-même parle souvent, des marcionites, des

bardesanltes, des basilidiens, appelaient en quelque manière pat leurs inconséquences mêmes la nais sauce d’un système plus conséquent, dans lequel ils viendraient historiquement s’achever. Mani donne à l'énigme la plus l rouillante pour la pensée, a celle des rapports entre la nécessité dans le cours de l’univers et la libre volonté de l’homme, une solution tout à fait radicale, entièrement maté rialisle. quand il dit : Il y a un bien primitif et un mal primitif, l’un et l’autre substantiels et tout s'éclaire par le mélange de l’un et de l’autre. -> Mani est ainsi un philosophe, mais il revêt sis idées d’une foule d’images mythologiques. Celles-ci, il les emprunte tout comme les anciens gnostiques, non pas à sa fantaisie personnelle, mais à un matériel préexistant, à une tradition ancienne Et celle ci est la religion

assyro-babylonienne. Tout s’explique par les relations de Mani avec Babylone et la Babylonie, dans sa vie comme dans son enseignement, aussi bien que lui-même, dans ses expressions et ses dispositions. C’est en Babylonie, dans le voisinage de Kutha qu’il est né. c’est à la Babylonie que, d’après ses propres déclarations, il a été envoyé comme prophète : c’est en Babylonie que devait résider après sa mort le chef de l'Église manichéenne. » K. Kessler, art. Mani, Manichâer, dans la Prolest. Realencyclop., 3e édit., t. xii, p. 226.

Par suite, selon Kessler, lousles détails delamythologie manichéenne seraient à expliquer par des survivances de l’ancienne religion babylonienne. Il doit y avoir, dans ce système absolu, une grande part d’exagération. Il est sans doute utile de rappeler que le père de Mani et Mani lui-même ont été agrégés à la secte des moughtasilas ou baptistes, et que le prophète a trouvé dans cette secte quelques éléments de sa propre doctrine. l 'eut-être se bome-t-on à reculer le problème sans le résoudre. III il faut bien reconnaître qu’un aveu d’ignorance reste sans doute la plus sage des positions dans l'état actuel de nos connaissances. Nous pouvons saisir sans trop de peine les rapports du manichéisme, avec la gnose. Mais le problème de la gnose n’est pas encore résolu et c’est un de ceux qui méritent de retenir le plus l’attention des chercheurs. L’Asie orientale, dans les siècles qui précèdent l'ère chrétienne, et dans ceux qui la suivent immédiatement, est le creuset où se fondent, où se mélangent, où s'éprouvent toutes sortes de systèmes et de théories. Le manichéisme, s’il est l'œuvre propre d’un fondateur connu, s’il porte les marques de la personnalité puissante qui l’a conçu et organisé, résume aussi le travail obscur de tout un monde. Il faut croire seulement que ce système était puissant, puisque, pendanl pies d’un millier d’années, il est resté vivant et efficace et qu’il a réussi, malgré les persécutions dont il a été l’objet, a se répandre de l’Kxtrômc-Occident jusqu'à l’Extrême-Orient.