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M INICHÉISME, DOGMATIQ ! E

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de son royaume, et en chacun desquels Boni cachés dos milliers de tréson Incalculables et Immenses. I i Pore, souverain en sa gloire et Incompréhensible en sa grandeur, possédait encore unis a lui les bienheureux et glorieux éons dont on ne peut apprécier le nombre

ni l'étendue. Le générateur saint et illustre vivait

donc avec eux sans qu’aucun Indigent ou aucun Infirme sa trouvât dan ; ne royaume. 1e royaume lui même, Infiniment splendide, a été si bien fondé sur la terre lucide et bienheureuse qu’il ne peut être ébranlé ni renversi par personne, s. Augustin, Contra epist. Mon., 16, P. L. t. mu. eol. 182.

Éternels comme le Pi re de la lumière sont l’air et la

terre, Atr tngenitus et terra ingtnita, lueida, beata, illus S Augustin, Aeta « un Feltce, i, 18, ibid.,

S32 : les membres de l’air sont an nombre île cinq :

la douceur, le saxoir. l 'intelligence, la discrétion, le sentiment. Les membres de la terre sont pareillement

au nombre de Cinq : la brise légère, le vent, la lumière l’eau et le feu. Les dix membres de l’air et de la terre du royaume de lumière forment ensemble la splendeur.

Il est à peine besoin d’ajouter que ee royaume de la Lumière est purement spirituel. Non seulement Dieu est un être Incorporel, mais il en est de même de l’air et de la terre Incréés. D’ailleurs « le Bienheureux l'ère s’identifie avec ses ertus : il les emploie comme des armes appropriées pour accomplir sa volonté. S. Augustin, De nat. boni, 44, ibid., col.

A l’opposé de la Lumière se trouvent les Ténèbres primitives. Celles-ci touchent la lumière et la limitent. Entre les deux mondes, il n’y a donc pas un abîme : l’un commence a l’endroit préda ou se terri me l’autre. Ils sont juxtaposes sans se confondre. L’opposition de leurs natures sutlit à les séparer. Voici comment Mani se plaisait à décrire les ténèbres : « D’un côté r un liane de cette terre illustre et sainte se trouvait la terre des ténèbres, profonde et immensément grande, qu’habitaient des corps ignés, race pestiférée. Là se trouvaient des ténèbres infinies, émanées du mfme principe et viles comme lui, avec leurs rejetons. Au delà venaient des eaux fangeuses et troubles avec leurs habitants. A l’intérieur soufflaient des vents terribles et violents avec leur prince et leurs pères. Puis se présentait la région corruptrice du feu avec ses chefs et ses nations. F.nfîn au centre, s'étendait un pays plein d’obscurité et de fumée, où demeurait le souverain terrible de tout ce monde, entouré d’un nombre incalculable d’autres princes, dont il était comme la tête et l’organe unique. Telles étaient les cinq natures de cette terre pestiférée. » S. Augustin. Contrae ;  !. 19, 31, col. 184, 1 94. Ce der nier chef, le prince des Bip’des. est l’antithèse vivante du Roi de la Lumière : il ne fait jamais rien de bon, mais il est divisé contre lui-même, et chacune de ses parties corrrompt ce qui est proche d’elle. Sévère, Hom., cxxiii, dans F. Cumont, op. cit., p. 117, 118.

Le prince des ténèbres n’est pas un second Dieu puisqu’il est par essence l’opposé de Dieu. Son nom propre c’est la matière. Bgll ; c’est aussi, selon le langage de la foule, le diable ou le démon. Aux cinq membres de la terre lumineuse s’opposent (eux de la terre ténébreuse : ténèbres, eaux fangeuses, vent de tempête, feu et fumée. Ce sont là les armes avec lesquelles le démon combattra, le moment venu, le prince de la Lumi

Car la paix qui régnait entre les deux mondes était une paix précaire : elle provenait surtout de l’ignorance dans laquelle était le monde ténébreux à l'égard de son voisin. « Chacun des membres de la matière, explique Sévère d’Antioche en citant sa source manichéenne, ne connaissait rien de plus que

DICT. DL TIll'.oi.. CATHOL,

sa propre voix ; et ils voyaient (seulement) ce qui était devant leurs yeux, i.orsque quelqu’un criait, ils enten datent. Us percevalent cela et s'élançaient avec lm] é Luosité vers la oix. ils ne connaissaient rien d’autre.

Ils furent ainsi excites et intrigues les uns par les

autres a se rendre Jusqu’aux frontières de la terre

glorieuse de la Lumière. Quand ils virent le spectacle (île la Lumière) admirable et splendide qui est bien supérieure à la leur, ils si' réunirent et ils complotèrent Contre la Lumière en vue île s' mélanger. Ils ne savaient pas.., cause de leur folle, qu’im Dieu puissant et tort y habitait. Ils cherchèrent donc à

monter et à s'élever, pane qu’ils n’avalent jamais remarqué qui était Dieu..Mais ils jetèrent un regard

insensé, par suite du désir ^u spectacle de ce momie béni, et ils pensèrent qu’il allait devenir le leur. » Sévère, dans F. Cumont, op. cit., p. 122-125.

Telle fut l’origine île la lutte entre les deux mondes. Satan et les siens, arrivés aux conlins du royaume de la Lumière, y produisirent un grand tumulte. Dieu le sentit et en fut cfïrayé. Il décida d’envoyer aussitôt des secours à ceux qui étaient en danger. Il évoqua la Mère de vie, et la Mère de vie à son tour évoqua l’Homme primitif ; Théodore Bar-Khoni, dans F. Cumont, Recherches, fasc. l, p. 14 L’Homme primitif se cuirassa alors avec les cinq genres qui sont les cinq dieux, le souille léger, le vent, la lumière, l’eau et le feu. « Le premier dont il se revêtit fut le souflle, puis il mit la lumière, puis l’eau, puis il se couvrit avec le vent. Puis, il prit le feu comme bouclier et comme lance, et il descendit rapidement jusqu'à la frontière, dans le voisinage du champ de bataille. » An-Nadim, dans Flfigel, Mani, p. 87.

Mais l’Homme primitif était impuissant à triompher de haute lutte du démon. Il eut recours à une ruse pour affaiblir son adversaire. Il se livra à ses ennemis comme une brebis au milieu des loups : ceux-ci se précipitèrent sur lui et le dévorèrent. Les portions de l'âme, subitement plongées dans la matière, perdirent avec l’intelligence le souvenir de leur condition première. Mais leur déchéance n'était que provisoire. File devait servir à préparer le triomphe du Père des Lumières.

Celui-ci, en effet, évoqua une seconde création, l’Ami des Lumières. L’Ami des Lumières évoqua le grand Ban ; le grand Ban évoqua l’Fsprit vivant. Théodore Bar-Khoni, loc. cil., p. 20. L’Esprit vivant était destiné à libérer les éléments spirituels dévorés par les démons. Un premier effort lui permit [de délivrer l’Homme primitif. Pour achever de dégager la lumière qu’avaient engloutie les ténèbres, l’Fsprit se fit démiurge : il commença à organiser la matière, de façon à séparer les éléments lumineux de leur gangue obscure.

Le mélange qu’il avait à sa disposition comprenait les principes dont allait sortir le monde. Le souille léger uni à la vapeur épaisse devait donner notre air ; le feu céleste, mélangé à la flamme, notre feu ; la lumière, combinée avec des éléments obscurs, tous les objets brillants et clairs, l’or, l’argent ; et le vent céleste joint au vent chaud, notre vent, et l’eau accordée avec les nuées, notre eau. Si, dans l’univers créé, tout à un double aspect, bon et mauvais, obscur et lumineux, c’est en souvenir de son origine, et parce que les éléments purs n’ont pas encore retrouvé leur véritable place.

L’Esprit créa donc dix cieux et huit terres, auxquels il assigna des places plus ou moins élevées, selon la quantité de lumière qu’ils possédaient Avec le feu le plus pur, il fit le soleil ; avec l’eau la plus limpide, la lune. Il plaça l’Homme primitif dans la région des deux grands luminaires : mais lorsque celui-ci aperçut les esprits qui étaient encore retenus

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