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MANICHÉISME, VIE DE MANI

l) De natura boni contra manichæos, P. L., XII, col. 551-572 ; édit. Zycha, dans le Corpus de Vienne, xxv b. Écrit peu après 404.

m) Contra Secundinum manichæum, P. L., xlii, col. 571-603 ; édit. Zycha, ibid. Réponse composée vers 405 à une lettre du manichéen Secundinus.

7. Des écrits de saint Augustin, il faut rapprocher le livre d’Évode d’Uzalis, De fide contra manichæos, P. L., XLII, col. 1139-1154 ; édit. Zycha, ibid., où sont cités à plusieurs reprises les ouvrages manichéens.

8. Sévère d’Antioche († vers 539), consacre une homélie à exposer les principes de la foi manichéenne. Le texte grec de cette homélie est perdu ; mais nous en avons encore une version syriaque qui a été publiée, traduite et commentée par F. Cumont, Recherches sur le manichéisme, fasc. 2, Bruxelles, 1912.

9. Saint Jean Damascène est l’auteur d’un Dialogue contre les manichéens, P. G., t. xciv, col. 1503-1584 et d’une Discussion de Jean l’orthodoxe avec un manichéen, xcvi, col. 1319-1326. Si tardives que soient ces œuvres, elles n’en contiennent pas moins quelque renseignements intéressants.

10. Photius, l’auteur d’une Histoire des manichéens, P. G., t. cii, col. 16-84, sera le dernier écrivain que nous signalerons. Il a surtout en vue la propagande paulicienne ; mais il se montre bien informé sur le manichéisme, et il donne sur Mani et sa doctrine des renseignements qui ne figurent pas ailleurs.

Si longue qu’elle soit, la liste que nous venons de donner est loin d’être complète. Presque tous les Pères de l’Église depuis la fin du iiie siècle ont eu à certains moments l’occasion de s’occuper du manichéisme ; et l’on pourrait recueillir dans leurs œuvres des détails utiles pour la connaissance sinon de la doctrine, du moins de l’histoire extérieure et de la diffusion du manichéisme.

Ceux que nous avons mentionnés sont pourtant les plus utiles à consulter. Il resterait maintenant à traiter la grosse question de l’emploi de ces sources. À défaut des ouvrages authentiques de Mani ou de ses premiers disciples, nous sommes obligés de recourir habituellement à des témoignages de seconde main. Parmi les historiens du manichéisme, les uns donnent la préférence aux sources orientales, et plus précisément aux historiens musulmans ; ainsi fait K. Kessler dans son grand ouvrage sur Mani et dans l’article Mani de la Protest. Realencyclopädie. D’autres, au contraire, s’appuient plus volontiers sur les documents gréco-romains, c’est-à-dire aussi chrétiens.

Il est certain que les Pères, lorsqu’ils parlent du manichéisme, le considèrent comme une erreur et le représentent par suite avec des traits poussés au noir. Mais on a quelquefois exagéré leur parti pris. Les hérésiologues sont loin de mériter le mépris dont certains critiques les ont accablés. Ils disposent souvent de documents précieux, et ils ne défigurent pas les doctrines qu’ils ont à combattre. Le témoignage de saint Augustin en particulier a pour nous une autorité toute spéciale, puisque c’est celui d’un ancien manichéen ; et bien des détails qu’il rapporte ont été confirmés par les documents trouvés dans le Turkestan chinois.

Il ne faut pas oublier non plus que les sources chrétiennes sont plus anciennes que les historiens arabes. Ceux-ci connaissent, il est vrai, les livres authentiques de Mani. Mais ils connaissent également les transformations subies par sa doctrine au cours des siècles ; et il ne font pas d’ordinaire le départ entre l’original et l’adventice.

Une étude d’ensemble, comme celle que nous avons à faire, ne saurait entrer dans une discussion de détail. On s’efforcera ici de recueillir les témoignages les plus solides. Mais il faut avouer que certains points, tout au moins de la légende de Mani et de son enseignement, restent enveloppés d’obscurités impossibles peut-être, dans l’état actuel de nos connaissances, à faire disparaître.

II. Vie de Mani. — Le fondateur du manichéisme est connu sous le nom de Mani ; en grec Μάνης ou quelquefois Μανιχαῖος. Les auteurs latins l’appellent Manes ou Manichæus, et cette dernière forme est celle qu’emploie saint Augustin. La signification étymologique de ce nom est inconnue. Les anciens écrivains grecs toujours préoccupés de l’onosmastique, l’expliquent comme l’équivalent de σκεῦος ou de ὁμιλία. Il est vraisemblable que le nom de Manès se rattache à une racine araméo-babylonienne et peut être identifié à celui de Mana, qui, chez les Mandéens, sert à désigner un esprit du monde lumineux. Il se pourrait alors qu’il n’ait pas été le nom primitif de Mani, mais un titre honorifique pris par le fondateur lui-même ou décerné à celui-ci par ses disciples. S’il fallait croire les Acta Archelai, 64, p. 92, Mani se serait d’abord appelé Corbicius.

Il est difficile, au milieu des divergences de nos sources, de se faire une idée complète de la vie de Mani. Seules, les grandes lignes du récit peuvent prétendre à l’exactitude.

Suivant Birûni, qui empruntait ce détail au Shâpurakân, Mani était né en l’année 527 de l’ère des astronomes babyloniens ou du comput d’Alexandre, la 5e du règne d’Adharban, ce qui correspond aux années 215-216 de l’ère chrétienne ; Birûni, Chronologie, trad. Sachau, p. 121. Au dire du même historien, Mani ajoutait qu’il était venu au monde à Mardinu, en Babylonie, dans le district de Nahar-Koutha, au sud de Ctésiphon.

On a souvent remarqué que la Babylonie était alors la terre promise du syncrétisme religieux et constituait un terrain merveilleusement préparé pour la prédication du futur réformateur. Nous avons d’autant moins à insister sur cette idée que nous connaissons assez mal l’état religieux de cette région au iiie siècle. Il est pourtant certain, et nous le constaterons sans peine, que Mani doit la plupart de ses théories aux religions, ou même aux superstitions au milieu desquelles il a grandi, et que sa principale originalité réside dans la systématisation qu’il a su fournir d’un si grand nombre d’éléments épars.

An-Nadim raconte que le père de Manès portait le nom de Fouttak ben ali Barzam et provenait de la famille des Askanides. Flügel, Mani, p. 84. La formule grecque d’abjuration transforme ce nom en celui de Pateikos ; et l’on peut rapprocher cette forme grécisée de Patricius, nom du destinataire de l’Épître du fondement selon saint Augustin.

La mère de Mani, selon la même formule grecque, se serait appelée Karossa. Ce nom est certainement légendaire. On ne saurait attacher plus d’importance aux noms de Meis, Outachim et Mar Mariam indiqués par An-Nadim.

Fouttak était originaire de Hadaman, ville persane, d’où il s’était rendu en Babylonie, pour résider habituellement à Al-Madain, dans la partie de la ville appelée Ctésiphon. En cet endroit, continue An-Nadim, se trouve le temple des idoles. Fouttak avait soin de s’y rendre ainsi que les autres habitants. Or un jour, au fond du sanctuaire, une voix lui dit : Ô Fouttak, ne mange pas de viande, ne bois pas de vin, et tiens-toi loin des femmes. Pendant trois jours la même voix se fit entendre à lui à diverses reprises. Après avoir réfléchi là-dessus, Fouttak se joignit aux gens de la contrée de Dastou Meisan, connus sous le nom de Moughtasilas, ceux qui se purifient. Flügel, Mani, p. 84.

Ce dernier trait est à relever. Les moughtasilas