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MALEBRANCHE

MALEVILLE

1804

tout autre esprit. C’est ainsi qu’on a pu, avec « les preuves décisives à l’appui de ce paradoxe apparent, parler de ['anti-cartésianisme de Malebranche. D’ailleurs, sur des questions fondamentales, il se sépare tout à fait de Descartes : il refuse d’admettre que les vérités premières soient des créatures ; il professe que la recherche des causes finales est permise et même nécessaire ; enfin il soutient que, loin de constituer un absolu indivisible, la liberté ne comporte pas de commune mesure d’un homme a un autre. Ainsi, (ont en relevant de Descartes, il le modifie profondément, mais toujours dans un bon sens et pour orienter sa propre philosophie vers des fins religieuses.

Cependant, sur certains points, il a subi l’influence de son initiateur d’une façon excessive et fâcheuse. Le premier tort qu’il a eu et que nous avons indiqué déjà est d’avoir cru que, dans ses traits essentiels, la métaphysique cartésienne était irréformable et par conséquent définitive. Singulière méprise de la part d’un homme qui répudiait avec sérénité la tradition et l’autorité en matière de philosophie I Ensuite, nous tenons à répéter combien est regrettable et de grande conséquence l’erreur qu’il a commise en canonisant l'étendue. C’est cette erreur qui l’a amené à nous proposer comme le modèle suprême de la connaissance adéquate celle que nous avons de la matière, c’est-à-dire de ce qui, pris en soi, est l’inintelligibilité même. Enfin, la forme de doctrine religieuse qu’il a fait prévaloir se ressent en mal du cartésianisme. Libéré du laïcisme de Descartes, il demeure tributaire de son rationalisme. Son mysticisme est en réalité un pseudo-mysticisme. Chez lui la superstition de l’idée fait tort- à la piété du cœur. La ferveur qui l'élève vers Dieu est surtout de nature intellectuelle. Ni pour lui, ni pour d’autres, elle n’est capable à elle seule d’installer Dieu au centre de la vie humaine comme un principe actif d’amour. Dans son système, tout est construit en vue de natures intelligibles, non en fonction d'êtres concrets. Et son Dieu lui-même n’est pas celui qui « parle au cœur ». On a dit du Dieu de Descartes qu’il est avant tout un ingénieur : on peut dire du Dieu de Malebranche qu’il est principalement un artiste. Car ce Dieu s’admire, il veut qu’on l’admire, et, retiré dans un égoïsme transcendant, il fait plus de cas de la beauté de ses créations que du bonheur de ses créatures.

Mais cette critique n’est pas le dernier mot que nous ayons à dire de Malebranche. Four l’ensemble de son œuvre, il mérite un meilleur témoignage. Il a été pour son compte un philosophe chrétien. Il nous a laissé des écrits qui, tout pleins de vues sugges tives, contiennent le programme d’une philosophie chrétienne. Enfin, il a dressé devant nous, dans une lumière aveuglante, cette vérité trop oubliée par les hommes, que des êtres qui ne peuvent être que par Dieu ne doivent être que pour Dieu.

Éditions.

Dans le numéro de janvier 1016 de la

Revue de métaphysique et de morale, M. Désiré Roustan, dont le témoignage procède d’une compétence exceptionnelle, a déclaré sans ambages que « nous ne possédons aucune édition moderne, correcte et complète de Malebranche ». En attendant que soit publiée l'édition qui se prépare sous les auspices de l’Académie des Sciences morales et politiques, voici quelques indications utiles pour guider les recherches. — Les éditions partielles, contemporaines de l’auteur, qui sont recommandées comme les meilleures par Malebranche lui-même, sont les suivantes : De la recherche de la vérité, Paris, David, 1712, 4 vol. in-12 ; Conversations chrétiennes, Paris, Anisson, 1702, 1 vol. in-12 ; Traité de la nature et de la grâce, Rotterdam, Reinier Leers, 1712, 1 vol. in-12 ; Traité de morale (avec le Traité de l’amour de Dieu), Lyon, Plaignard, 1707, 2 vol.

in-12 ; Entretient sur in métaphysique et lu religion, Paris,

David, 1711, 2 vol. in-12 ; Recueil de toutes les réponses a M. Arnauld, Pari*, David, 1700, 4 vol. in-12. — Parmi les éditions modernes, il f ; wt citer surtout : <1. livres de Mail

branche, publiées pur MM. de Genoude et de Lourdouetx, Paris, de Sapin, 1837, 2 vol. in-L ; Œuvre » de Malebranche, publiées par Jules Simon, Paris, Charpentier, 1842, 2 vol. in-12. Il est a noter que l'édition de.iules Simon ne renferme que des œuvres choisies, avec de singulières lacune ». J.Vdi tion de Genoude et de Lourdoueix, bien qu’incomplète et assez médiocre, n’en reste pas moins jusqu'à ce jour celle < laquelle on peut recourir avec le plus de profit.

Travaux.

- Pour la bibliographie complète, se reporter au livre de M. Joseph Vidgrain, indiqué ci-après. Les

principaux livres à consulter sur Malebranche sont les suivants : Fontenelle, Éloge du Père Malebranche, dans Éloges historiques des académiciens, Paris, 1742, in-8° ; SainteBeuve, Port-Royal. t. VI, c. V et vi ; AbbéBlampignon, Élude sur Malebranche, Paris, 1862 ; P. Bouillier, Histoire de la philosophiecartésienne, Paris, l868, 2 vol. ; Léon Ollé-Laprune, La philosophie de Malebranche, Paris, 1870, 2 vol ; Père André, Vie du R. P. Malebranche, publiée par le P. lngold, Paris, Poussielgue, 1886 ; Henri Joly, Malebranche, Paris, 1001 ; Maurice Blondel, L' anti-cartésianisme de Malebranche, dans Revue de métaphysique et de morale, janvier 1916 ; Joseph Vidgrain, Le christianisme dans la philosophie de Malebranche, Paris, 1923 ; Victor Delbos, Étude de la philosophie de Malebranche, Paris, 1924 ; Gouhier, La philosophie de Malebranche et son expérience religieuses, Paris, 1926. En pratique, si l’on veut aller au plus court pour connaître Malebranche, on peut simplifier beaucoup la liste qui précède. La lecture de Léon Ollé-Laprune est très utile et très recommandable. Pour l’exposé proprement philosophique, le livre de Delbos est décisif et ne laisse rien à désirer. Pour la partie théologique et religieuse du système, Maurice Blondel et Joseph Vidgrain fournissent tous les renseignements nécessaires.

J. Wehrlé.

    1. MALÉDICTION##


MALÉDICTION. - Voir Imprécation, t. viii, col. 1425, 1426.

    1. MALEVILLE (Guillaume de)##


MALEVILLE (Guillaume de), né à Domine près de Sarlat, en 1699, fut curé de sa paroisse natale jusqu’en 1756 ; il mourut à une époque qu’il est difficole de préciser. — Maleville composa de nombreux écrits dans lesquels les idées jansénistes se cachent presque toujours et où on ne trouve que les thèses les plus rigides. Il a publié les Lettres sur l’administration du sacrement de pénitence où l’on montre les abus des absolutions précipitées, et où l’on donne des principes pour se conduire dans les plus grandes difficultés qui se rencontrent dans le tribunal, 2 vol. in-12, Bruxelles, 1740. Le P. Colonia, dans le Dictionnaire des livres jansénistes, t. ii, p. 541-547, critique longuement cet écrit et cite de nombreux passages empreints d’un rigorisme outré et dont les idées essentielles sont certainement empruntées au jansénisme. L’Encyclopédie théologique de Migne, t. xii, col. 649-651, a reproduit cet article. Maleville, d’ailleurs, répondit à Colonia par une Défense des lettres sur la pénitence, Toulouse, 1760. Maleville publia encore : Les devoirs des chrétiens, 4 vol. in-12, Toulouse, 1750 ; Prières et bons propos pour les prêtres et spécialement pour les pasteurs, in-12, Toulouse, 1752 ; La religion naturelle et la révélée établie sur les principes de la vraie philosophie et sur la divinité des Écritures de Dieu, ou Dissertations philosophiques, théologiques et critiques contre les incrédules, 6 vol. in-12, Paris, 1756-1758 (Mémoires de Trévoux d’octobre-novembre 1756, p. 2503-2517, 2693-2712, et d’avril 1759, p. 773-805) ; Histoire critique de l'éclectisme ou des nouveaux platoniciens, 2 vol. in-12, Londres, 1766 'Mémoires de Trévoux de juin 1766, p. 1400-1407) ; Doutes proposés aux théologiens sur des opinions qui paraissent fortifier les difficultés des incrédules contre quelques dogmes catholiques, in-12, Paris, 1768 ; Examen approfondi des difficultés de l’auteur de l’Emile contre la religion