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dit pas non plus le Deutéronome, mais par de la la tolérance du législateur, il remonte à l’institution primitive du mariage. Ab initio non fuit sic, dira plus lard le Christ aux Pharisiens, Moi/ses ad tltiritiam cordis vestri penhisit vobis dtmittere nxores vestras. Matth., xix, 8.

3. Le messager de Jahvé. - Dans le premier verset du chapitre iii, le messager de Jahvé n’est pas nommé. A s’en tenir à eelte seule parole, il y aurait même lieu de se demander si le préeurseur est à concevoir comme un personnage réel, ou bien comme une figure idéale servant à compléter le tableau de l’avènement messianique. Mais dans l’annexe du v. 23, Vulg., iv, 5, ce messager est identifié avec le prophète Élie. Nous avons déjà dit qu’au jugement de beaucoup d’exégètes, le nom de Malachie aurait été emprunté à m, 1, par un rédacteur croyant que le prophète voulait ainsi se désigner lui-même. Cf. col. 1745.

Le messager déblaiera la voie devant Jahvé, puis aussitôt le Seigneur fera son entrée dans son temple ; il viendra s'établir au milieu de son peuple pour exercer la justice et satisfaire ainsi les impatiences dont témoigne ii, 17 : « Où est le Dieu de justice ? » Le Seigneur qui vient dans son temple, c’est évidemment Jahvé lui-même, le Dieu du jugement que les Juifs attendaient. Faut-il aussi l’identifier avec le Messie et dire en conséquence qu’aux yeux de Malachie le Messie est Dieu, qu’on lui donne le titre réservé à Dieu, celui de Ha’adon, le Seigneur par excellence ? Ex., xxiii, 17 ; xxxiv, 23 ; Is., i, 24 ; m, 1 ; x, 16, 33 ; xix, 4. La question est difficile à trancher, d’autant plus que le Messie n’est jamais nommé dans Malachie. C’est de Jahvé que les Juifs se plaignent, c’est l’avènement de Jahvé que le prophète annonce. On a souvent voulu distinguer le jugement dont parle ici Malachie iii, 1 du grand jour du jugement dernier annoncé dans ni, 23. Cette distinction est sans fondement. Le jour du Seigneur, grand et redoutable dont parle iii, 23, est le même que celui dont parle Malachie dans iii, 1.

L’ange de l’alliance dont la venue est annoncée en même temps que celle du Seigneur serait, d’après Nowack, l’ange gardien d’Israël. Rien n’autorise une pareille précision. L’ange de l’alliance est le même personnage que le Seigneur, soit qu’il figure ici comme apposition au Seigneur (les deux mots fourniraient alors le sujet du verbe précédent « Viendra » ), soit qu’on le considère comme sujet du verbe suivant : Angélus testamenti quem nos vultis, ecce venit, dicit Dominas exercituum. Cette identité est admise par Crampon, Knabenbauer, Van Hoonacker, Dillmann, Smend, Cheyne, etc. Mais pourquoi Jahvé est-il appelé ici « l’ange du testament » '? Il a contracté autrefois une alliance avec son peuple en apparition d’ange ; il se manifesta alors en tant qu’ange du testament. C’est pour indiquer qu’il va contracter une nouvelle alliance qu’on le présente encore une fois comme ange du testament. Ils sont nombreux les passages de l’Ancien Testament où l’ange de Jahvé paraît identique à Jahvé lui-même. Dans d’autres, il est manifestement distinct de lui. Sur les différentes solutions proposées à ce problème, voir Lagrange, L’ange de Jahvé, dans Revue biblique, 1903, p. 212-225.

Le second épilogue du livre de Malachie, ni, 23, 24 {Vulg., iv, 5, 6) contient certainement une allusion à iii, 1. Des deux côtés, il s’agit du même jour de Jahvé- Dans iii, 1, le précurseur n’est pas nommé ; dans ni, 23, li est appelé Élie, et dans iii, 24, on caractérise sa mission en fonction des troubles intérieurs de l'époque présente : il devra ramener les cœurs des pères vers les enfants et les cœurs des enfants vers les pères. Alors le Seigneur viendra comme ange du testament et sa venue inaugurera l'ère de la pure

religion et de la stricte justice. Nous avons déjà dit qu’il est inadmissible qu’au premier endroit Malachie entende parler de l’avènement du Messie, et au second, du grand jour du jugement. C’est la une distinction que le prophète ne connaît pas : il ne connaît qu’un jour de Jahvé, qu’une manifestalion du Seigneur, de l’ange de l’alliance, prêt' de celle d’un précurseur, d'Élie. Serait-ce donc que l’avènement du jour de Jahvé remplacerait, dans Malachie, l’avènement du Messie dont parlent les autres prophètes ? Ou bien l’inauguration du jour de Jahvé et de cette ère de pure religion et de pure justice, représente-t-elle pour lui la venue même du Messie ? Le texte seul de Malachie ne permet pas de trancher la question, mais les écrivains du Nouveau Testament et les Pères admettent la seconde solution : le prophète parlait de l’avènement messianique, de la venue de Jésus-Christ, et la mission du précurseur a été réalisée par Jean-Baptiste. Saint Luc présente Jean-Baptiste comme le précurseur attendu au jour du Seigneur, et lui assigne la mission d'Élie : Et ipse præcedel aide illum in spiritu et virtute Elise, ut converlat corda patrum in filios et incredulos ad prudentiam justorum, parare Domino plebem per/ectam, Luc, i, 17 ; cf. vii, 27. Dans saint Matthieu, le Christ dit de Jean-Baptiste : « C’est de lui qu’il est écrit : voici que j’envoie mon messager devant toi, afin qu’il prépare la voie devant toi. » Matth., xi, 10 ; Marc, 1, 2. C’est lui qui est Élie qui doit venir. Matth., xi, 14. Avec lui, Élie est déjà venu. Matth., xvii, 12 ; Marc, ix, 11, 12.

Cette application faite par le Nouveau Testament de la prophétie de Malachie relative au retour d'Élie, à la personne et à la mission de Jean-Baptiste précurseur du Messie lors de son premier avènement a soulevé un intéressant problème parmi les exégètes / catholiques. La prophétie de Malachie s’est-elle suffi. samment vérifiée en saint Jean-Baptiste, et ne faut-il plus attendre un retour personnel d'Élie à la fin des temps ? C’est l’opinion de quelques Pères parmi lesquels saint Éphrem et de quelques théologiens et exégètes modernes, Jahn, Scholz, Reinke, Bergier, Meignan, Van Hoonacker, Leimbach, Allô, etc. « Ceux qui soutiennent qu'Élie reviendra réellement sur la terre avant la fin du monde, dit Bergier, Diction, de théol., art. Élie, se fondent sur un sens très arbitraire qu’ils donnent à plusieurs prophéties, et sur le rapprochement de plusieurs prédictions qui n’ont évidemment entre elles aucune liaison ; c’est une opinion de figuriste et rien de plus. Elle ne tirerait à aucune conséquence, si elle n’avait pas déjà servi à nourrir l’entêtement de quelques fanatiques, si elle n’autorisait pas celui des Juifs, si elle ne donnait pas lieu aux incrédules de dire que, par des interprétai ions mystiques, l’on trouve dans les prophéties tout ce que l’on veut. » « Était-ce Élie lui-même ou quelque autre prophète dont Élie était la figure, qui devait préparer la venue du Messie et le précéder immédiatement ? » se demande le cardinal Meignan. Les prophètes d’Israël… contre Vidôlutrie, p. 242, et il répond, après avoir examiné les textes du Nouveau Testament : « D’après ces textes, Élie était la figure de Jean-Baptiste, et le précurseur accomplit la figure par sa mission, sa vie et sa mort. » M. Van Hoonacker écrit dans le même sens, Les douze petits prophètes, p. 741 : « D’après l’interprétation consignée dans le Nouveau Testament, l’annonce du prophète Elie comme précurseur du Messie n'était pas à entendre au sens strict et littéral de la personne même de l’ancien prophète de Samarie, mais d’un prophète qui, par la grandeur de sa mission, devait être en quelque sorte une incarnation nouvelle « de l’esprit et de la puissance d'Élie ».