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MAL. DOCTRINE DE SAINT VUG1 STIN

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pas le fond du sujet. Il faut donc.itli-r plus loin pour déterminer la nature du mal.

El d’abord, question préalable : le mal est-Il une substance.' Les manichéens l’affirment : Dicui.tma nichiti nuilani curais naturam. Op. imp. t. Juluin..

1. [11, 189, t. i. COl. 1330. i.iiiii est faux : - le mal

n’est pas une substance. l’ont ce qui est, est bon.

l’i ce mal dont je cherchais partout l’origine, n’osl pas une substance ; s’il étaltsubstance, il serait bon. » Con/es., l. VII, 18, t. xxxii, col 743. Cf. De marib.

manieh.. I. 11. 10, ibid.. col. 1349 ; /)< cto. lu-i.Xll. , t. tj, col. 352. Sic '-.'. discite, non substantiatn malum esse. Contra epist. manieh. quam vacant l’undamenti. xwii. 2 1. ». t. mu, col. 193 Le mal n’esl qu’un accident d’une substance placée dans un milieu qui ne lui convient plus, ou qui ne lui convient pas. (".'est un état d’inconvenance ou de désordre,

lequel produit la souffrance, la corruption et les autres clïets nuisibles.

I a possibilité pour une substance d'être précipitée

dans cet état icnt. en principe, de ce qu’elle n’est l'être suprême, souverain et absolu : c’est sa condition nécessaire d’infériorité par rapport à I être incrée. Infini. Quant au fait même du desordre, du mal. il provient de ce que cette substance est placée dans des conditions qui, non seulement ne lui permettent pas de se maintenir dans tonte son Intégrité, mais encore l’atteignent et l’affaiblissent : elle a perdu une part de son être propre, l.e mal n’est donc pas toute absence, toute négation de bien, mais une privation, la privation d’un bien que l’on devrait avoir et qui convient à la substance ou nature qui en est privée : Je ne savais pas.pie le mal n’est que la privation du bien, privation dont le dernier terme est le néant. CouL, }. III. 12. t. xxxii, coi. 688 : cf. De natura boni, 3. 16, 23, t. xi.u. col. 553, 550, 558 ; EnchirhL, 11. t. xi., col. 236.

Cette privation peut avoir pour objet un bien physique ou un bien moral. Dans le premier cas, nous savons qu’elle est la conséquence du caractère Imparfait de la créature qui vient du néant et qui tend à v retourner. De natura boni, le. t. xi.u, col. 554 ; Contra Secui dinum. 8. ibid., col. 584 ; Er.chirid, 12, t. xi., col. 836. Dans le second cas. la privation n’a pas sa source dans une malice essentielle de la créature, mais dans la volonté libre : elle provient d’une déviation de la liberté. Or. la liberté est une faculté de l’homme. Le mal moral - ou le pécbé — n’est donc pas non plus une substance : c’est un accident dans l'être libre ; et il ne faut y voir qu’un désordre, qu’un défaut de convenance entre l’exercice légitime de cette faculté et l’homme lui-même. Hetract.. I. I,

2. t. xxxii, col. 595 ; De libero arbilrin. t. I, c. I, ibid, , col. 1223 ; De civil Dei, MI. m. t. xii. col. 353.

De là découlent les relations du mal et du bien. Corruption d’un bien, le’mal le suppose ; il ne peut i ister que dans une nature qui. en tant que libre, est bonne, donc un bien. Nulla enim natura, in quantum natura est. malum est ; ted prorsus bonum. sine quo bono ullum esse non potest malum : quia nisi in aliqua natura ullum esse non jiole^t vitium ; quamris sine vitio potest esse natura. Op. imp. contra.liilian.. I. III - xi.v. col. 1334.CL Enchirid., 12, t. XL,

De civil. De :. II. vi. t. xi.i. col. 353, surtout. XIV, xi, col. 418, H. En ce dernier endroit saint Augustin nous donne un superbe résumé de cette doctrine, que les scolastiques n’auront garde de laisser tomber : La bonne volonté est l'œuvre de Dieu : < ar l’homme l’a reçue avec la vie. El la première mauvaise volonté, celle qui. dans l’homme, a précédé toutes les mauvaises œuvres, est moins une œuvre qu’un éloignement des œuvres de Dieu pour celles de l’homme. Or. ces œuvres sont mauvaises en tant

qu’elles n’ont pas Dieu pour lin. mais la volonté propre ; et ne peut on pas dire que l’aibie niauxais de ces uiauxais fruits, c’est la volonté, ou l’homme même, l’homme de mauvaise xolonte'.' Toitclois bien que la mauvaise volonté ne suit paj selon la

nature, mais contre la nature, puisqu’elle est un

icc. elle est de même nature que le vice, (pu ne peut être que dans une nature que le Créateur tire du

néant. Aussi le bien peut exister sans le mal. tandis

que le mal ne peut exister sans le bien, caries natures BU qui il réside sont bonnes en tant que

natun

b) Origine </// mal. - Le mal défini, il est aisé d’en détej miner l’origine.

El d’abord, puisque, de l’aveu des manichéens,

le mal est. pour une chose.ee qui est contraire à sa nature, aucune nature n’est le mal. c’est-à-dire mau valse, car. (lès lois qu’elle subsiste, elle est le cou traire du non-être. Or. Dieu est l’auteur de toute nature, de toute substance. On doit donc conclure, avec raison, (puDieu n’est pas l’auteur du mal ; ce qui est la cause créatrice de l'être pour tout ce qui existe ne peut, en même temps, être la cause du non-étre. — Quant à Imaginer, hors de 1 lieu, et opposé à Dieu, un principe positif mauvais, un summum malum, cela est contradictoire : être et mal se contredisent autant que être et ne fias être. On ne peut donc pas dire que ce qui est une substance soit le souverain mal. De morib. manieh., II, 2-5, t. xxxii, col. 1315 : De diversis quæst. i.a.xxi/i, q. vi, t. xi., col. 13. I.a prétendue lutte entre les deux principes, telle que l’ont imaginée les manichéens, aboutit à d’innombrables absurdités. De natura boni, 41-43, t. xi.n. col. 563 sq.

.Mais le mal moral, le péché ? — L’homme a la liberté de pécher : ne faut-il pas en conclure que Dieu est l’auteur du péché ? — Le ft libero arbitrio donne la réponse.

Dieu existe, et tous les biens viennent de lui. Or, la volonté doit être regardée comme un bien, car le libre arbitre appartient à l'âme, qui, elle, est certainement un bien. Le libre arbitre vient donc de Dieu. Mais Dieu ne l’a donné que pour le bien ; il l’a orienté vers lui. Il n’est donc pas l’auteur, l’origine du mal moral. — Ce mal vient uniquement du libre arbitre. Le péché n’est ni nécessaire, ni voulu de Dieu. Il n’est que volunlas retinendi vel consequendi quod justitia vetat et unde liberum est abstinere. De duabus animis, 22. t. xi.ii, col. 109. Seule, donc, la volonté commet le péché, ibid., qui n’est pas appelitio naturarum malarum, sed desertio meliorum, qui consiste à préférer un bien inférieur à un bien supérieur, De natura boni, 31. t. xlii. col. 562, et n’a pas de cause proprement efficiente mais déficiente.

Saint Augustin a repris — et longuement — cette question au livre MI de la Cité de Dieu, particulièrement aux cm. vi, vii, vin. ix, t. xii, col. 349 sq., où l’on trouve un exposé aussi clair qu’afïirmatif. i Le vice — donc le mal moral — qu’une longue habitude a pour ainsi dire greffe sur la nature, a sa source primitive dans la volonté, ni.- — « Recherchez la cause efficiente de la mauvaise volonté, vous ne la trouverez pas. Cette cause n’est pas efficiente, mais déficiente ; elle n’est pas effectivement, mais defeet i< nient. Car déchoir de ce cpii est souverainement à moins d'être (c’est ce que le péché est en définitive), c’est commencer d’avoir une volonté mauvaise. C’est quand elle descend d’un objet supérieur a un Objet inférieur que la volonté devient mauvaise, non que l’objet dont elle se détourne soil un mal, mais le mal est ce détournement même. Ce n’esl donc pas l’objet inférieur qui a fait la volonté mauvaise, mais elle même qui s’est corrompue par la recherche