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1679
1680

MAKAS — MAL

in-fol. Le P. François Makas mourut au collège Saint-Clément de Prague, le 10 mai 1753.

Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. v, col. 238 ; Hurter, Nomenclator, 3e édit., t. iv, col. 1608.

P. Bernard.


MAL (Le).
I. Notions préliminaires.
II. Période philosophique (col. 1680).
III. Période patristique (col. 1686).
IV. Période scolastique (col. 1696).
V. Décisions canoniques qui ont fixé la doctrine, avant et après saint Thomas (col. 1703).
VI. Conclusion.

I. Notions préliminaires.

L’étude du mal est très étroitement liée à celle du bien. La mal, en effet apparaît immédiatement comme l’opposé du bien. Or, comme l’enseigne saint Thomas : unum oppositorum cognoscitur per alterum, sicut per lucem tenebræ. Unde et quid sit malum oportet exratione boni accipere. Sum. theol., Ia, q. xlvii, a. 1. Nous supposons donc la doctrine du bien préalablement établie Cf. art. Bien, t. ii, col. 825-843.

Le langage philosophique reconnaît trois acceptions au mot mal : il distingue : le mal métaphysique, la mal physique et le mal moral.

La mal métaphysique, imaginé par Leibniz (du moins en tant qu’espèce distincte du mal), et admis depuis par de nombreux philosophes, n’est que la limite pure et simple c’est-à-dire la négation d’une perfection ultérieure. Mais ce n’est pas là un mal proprement dit. Toute créature, en tant que telle, est limitée dans sa perfection, est essentiellement imparfaite. Admettre que cette imperfection est mal, c’est admettre que toutes les créatures, doivent être dites essentiellement mauvaises ; ce qui est faux. « Si l’absence pure et simple d’un bien était un mal, ce qui n’est pas serait un mal, et aussi toutes choses seraient mauvaises, par le fait que chacune ne possède point ce qui fait la bonté d’une autre. » Ia, q. xlviii, a. 3. Nous écartons donc cette première acception.

Le mal, c’est la negatio perfectionis débitée de l’École. Il est une privation, la privation de quelque bien convenable à la nature d’un être, et plus ou moins exigé par elle. C’est ce mal qui a, dans la langue philosophique et théologique, les deux acceptions de mal physique et de mal moral.

La mal physique, le malum naturæ de saint Thomas, désigne, en général, tout ce qui manque à une nature de ce à quoi elle a droit, de ce qu’elle devrait avoir.

Le mal moral, c’est la mal considéré dans la nature raisonnable, c’est-à-dire, dans l’action humaine. Il désigne la privation de rectitude de cette action, son manque d’ordre aux lois morales qui la régissent. Cf. Sum. theol., Ia, q. xlviii, a. 5.

Ce que nous avons à dire du mal aura trait au deux grandes questions de sa nature et de son origine ; et nous renvoyons aux articles Optimisme, Pessimisme, Prédestination, Providence tout ce qui regarde les rapports de Dieu et du mal.

Ainsi limitée, l’étude du mal peut être envisagée au point de vue doctrinal et au point de vue historique. La synthèse thomiste nous fournira la doctrine. Quant à l’histoire du problème, trois périodes sont à distinguer, la période philosophique, la période patristique, et la période scolastique.

La période philosophique est assez confuse. II ne semble pas que le problème se soit posé dans toute son ampleur aux anciens philosophes, et leurs réponses sont si vagues, parfois si contradictoires qu’on a peine à démêler leur pensée exacte. Le même flottement, la même confusion se remarquent chez les premiers Pères ; mais les erreurs gnostiques, puis le dualisme manichéen les obligeront peu à peu à prendre position. Il nous faudra cependant attendre saint Augustin pour rencontrer un corps de doctrine net et solidement établi, doctrine que précisent, plus tard, les premiers scolastiques. Enfin, avec saint Thomas, nous aurons une synthèse complète et définitive, passée, depuis lors, dans l’enseignement catholique.

II. Période philosophique.

1° Nous trouvons peu de choses, dans la philosophie ancienne, sur la nature du mal ; à peine quelques textes épars qui montrent que la grande préoccupation n’était pas là.

Dans le Sophiste, c. xv, 227, édit. Didot, t. i, p. 171, Platon, place dans l’âme deux sortes de maux. L’un est la méchanceté ou discorde, maladie de l’âme ; l’autre est l’ignorance ou laideur, qui n’est pas autre chose que l’extravagance d’une pensée égarée dans ses recherches, qui rend l’âme déraisonnable, et donc difforme et dépourvue de mesure. Or, « maladie, discorde, difformité, manque démesure, ce sont là autant de noms désignant privation. » Cf. Petau, Dogm. theol., De Deo, t. VI, c. iv, édit. Vivès, t. i, p. 517.

Aristote, dans l'Éthique, ramène aussi le mal à la privation. Le mal consiste dans un excès ou dans un défaut, c’est-à-dire dans un écart de la mesure ; donc dans une privation. Ethic., t. II, c. v.

Pour Plotin « le mal est l’opposé de la forme, contrarium formæ », partant privation. Or, une privation réside toujours in alio, elle ne subsiste pas en elle-même. Si donc le mal consiste dans une privation, il y aura mal quand il y aura privation de forme. « Le mal, dit-il encore, est boni absentia. » I. Enn., l. VIII, c. ii et dans l'Enn. III., l. III, c. v, il développe une doctrine analogue.

Le philosophe Salluste, un des correspondants de Julien l’Apostat, se demande, dans un petit opuscule intitulé : Περὶ θεῶν καὶ κόσμου : Puisque les dieux sont bons et qu’il font toutes choses, comment se fait-il qu’il y ait du mal dans le monde ? Mais, ne convient-il pas de dire d’abord que, puisque les dieux sont bons, et qu’il font toutes choses, c’est qu’il n’y a pas de nature mauvaise, mais que le mal provient de l’absence du bien ; comme les ténèbres ne sont pas d’elles-mêmes, mais ont pour origine l’absence de lumière. » Op. cit., c. xii.

L’origine du mal retient plus longuement les recherches des philosophes. Constatant la dualité tout au moins apparente du monde, le fait, auprès du bien, de l’existence du mal, qui pèse sur l’homme comme une fatalité, comme une puissance souveraine, dynamique, à l’étreinte de laquelle on ne peut échapper, la pensée venait d’elle-même d’en rechercher l’origine. D’où vient-il ? — La doctrine de la création ex nihilo aurait rendu la réponse facile, mais dans l’antiquité, aucun philosphe, pas même Aristote, ne s’élève jusque-là. Dès lors, il ne restait que deux solutions possibles : le panthéisme émanatiste et le dualisme. L’une et l’autre a ses représentants. La première ne nous intéresse guère ici ; d’autant moins que l’on peut dire que la réponse presque générale de l’antiquité à la question de l’origine du mal est un dualisme plus ou moins prononcé.

« Il est une opinion qui remonte à la plus haute

antiquité, écrit Plutarque. Elle nous enseigne que l’univers ne flotte pas au hasard, sans être gouverné par une puissance intelligente ; que ce n’est pas une raison unique qui le conserve et le dirige… Mais il faut admettre deux principes contraires, deux puissances rivales… De là ce mélange de bien et de mal dans le vie humaine comme dans le monde physique, sinon dans l’univers entier, au moins dans ce monde sublunaire, qui, plein d’irrégularités et de vicissitudes, éprouve des changements continuels. Car si rien ne se fait sans cause et qu’un être bon ne puisse produire rien de mauvais, il faut qu’il y ait dans la nature un principe particulier qui soit l’auteur du mal, comme