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MABILLON

eut ainsi une seconde édition de la Lettre d’Eusèbe. Mabillon, dans la préface, déclarait adoucir certaines expressions qui pouvaient paraître trop dures, et expliquer celles qui pouvaient sembler obscures. Les deux modifications les plus importantes étaient, d’une part, la suppression de la lettre du pape Grégoire IV à Otgare, archevêque de Mayence, d’autre part l’approbation sans réserve du décret de la S. Congrégation des Rites en 1668. Théoriquement Mabillon admettait que la fiole teinte de sang pouvait être présentée comme un indice irrécusable du martyre : cependant la question de fait demeurait intacte, il fallait toujours préalablement reconnaître avec certitude la trace du sang. Clément XI, auquel le nouvel écrit était dédié, s’en montra pleinement satisfait. Les historiens ont remarqué que dans toute cette discussion, Mabillon donna une preuve convaincante de son admirable soumission au Saint-Siège en même temps que de sa fermeté à faire une revendication légitime.

Que Mabillon ait gardé son sentiment au sujet de la fiole teinte de sang, et se soit tenu sur la réserve par respect pour le Saint-Siège et la S. Congrégation est ce qui ressort des termes de la lettre qu’il écrit le 12 février 1703 à Guillaume de la Parre : « Si l’on savait à Rome les excès que l’on commet en France et ailleurs sur le culte de ces sortes de reliques, je crois qu’on conviendrait que je n’en ai pas assez dit, et même que ce que j’en ai dit est une véritable apologie du Décret de la S. Congrégation des Rites qui condamne ces abus. » Voir Œuvres posthumes, t. I, p. 345. Qu’il ait vu juste en cette affaire, c’est ce qui résulte des travaux publiés sur le même sujet au cours du xixe siècle, et dont on peut lire un résumé dans l’article Ampoules de sang du Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et Liturgie, t. I, col. 1747-1776.

2. Le second mémoire de Mabillon au sujet des reliques est la Lettre d’un Bénédictin à M. L’évêque de Blois touchant le discernement des anciennes reliques, au sujet d’une Dissertation de M. Thiers contre la sainte Larme de Vendôme, in-12. Paris, 1700. À cette lettre s’ajoutent les mémoires pour servir d’éclaircissement à l’histoire de sa sainte Larme de Vendôme. Voir Œuvres posthumes, t. II, p. 361, 383.

Les bénédictins de Vendôme présentaient à la vénération des fidèles la sainte Larme : celle-ci versée par aveur sur le tombeau de Lazare aurait été recueillie par un ange dans un globule de cristal, apportée en France par sainte Madeleine, conservée à Aix jusqu’au règne de Constantin, transportée à Constantinople, rapportée de là en France au xie siècle par le duc de Vendôme. Ceux que gênait la Lettre d’Eusèbe virent là une excellente occasion de prendre l’offensive ; J.-B. Thiers se fit leur porte-parole : il dénonça la légende comme fausse et demanda à l’évêque de Blois de supprimer cette pieuse fraude. Dans les écrits que nous venons de signaler, Mabillon prit la défense du trésor de Vendôme : son dessein n’était pas de prouver, ni même d’affirmer simplement l’authenticité de la relique. Il a voulu défendre la bonne foi des dépositaires de cette relique, établir qu’il y aurait scandale à supprimer un culte qui existait depuis de longs siècles.

On a prétendu, non sans apparence de raison, que Mabillon « partout ailleurs bon critique, s’est montré dans cette circonstance trop crédule et peu judicieux » (Dictionnaire historique de Feller), qu’il abandonnait son propre sentiment dûment motivé dans la Lettre d’Eusèbe. Pourtant il y a une différence assez sensible entre les deux cas : dans la Lettre à Eusèbe, Mabillon s’élevait contre la nouveauté d’un culte abusif, non appuyé sur des preuves suffisantes ; dans la lettre à M. l’évêque de Blois, Mabillon n’a prétendu en aucune façon discuter la vérité ou la fausseté de la relique mais montrer que les règles données par J.-B. Thiers pour le discernement des anciennes reliques étaient fausses : Invoquant la bonne foi des religieux de Vendôme dans la possession séculaire, il fait preuve d’un sage tempérament qui permet d’éviter et la superstition et l’irréligion, conserve la paix, évite le scandale qui résulterait de changements indiscrets.

4o  À propos du traité de la Grâce. — Dans la préface des Acta Sanctorum O. S. B., t. IV, 2e part., dom Mabillon se montre peu favorable à Gothescalc, dont il n’ose condamner l’opinion sur la prédestination, tout en blâmant un peu durement sa conduite.

Dans l’Édition bénédictine des Œuvres de saint Augustin qui fut l’objet de nombreuses attaques, Mabillon eut une part assez considérable pour que nous en parlions ici : ce fut lui qui rédigea l’Épître dédicatoire au roi que dom Thuillier déclare être « un vrai chef-d’œuvre en son genre ». Histoire de la nouvelle édition de saint Augustin donnée par les PP. Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, in-4o, 1730, p. 5. Ingold : Histoire de l’Édition bénédictine de saint Augustin, la donne in extenso dans l’appendice, p. 145-154.

Il composa également la préface générale et la fit « en bon disciple du saint docteur », écrit dom Tassin. Cependant les évêques à qui elle fut communiquée ne souffrirent pas qu’elle fut ainsi imprimée : elle fut revue, corrigée, finalement modifiée par Bossuet dont elle est l’écho fidèle. Elle présente l’augustinisme sous des formules adoucies pour éviter l’écueil du jansénisme et rester dans les limites de l’orthodoxie. Voir à ce sujet Ingold : Bossuet et l’édition bénédictine de saint Augustin dans Revue Bossuet, t. I, p. 159-177.

5o  Les sacrements en général. — Sur l’administration de l’Extrême-Onction et du saint Viatique, la préface des Acta Sanctorum O. S. B., t. I, signale une évolution de la discipline ecclésiastique. « Autrefois, écrit Mabillon, on donnait l’extrême-onction avant le saint viatique, et même plusieurs fois dans une même maladie. Au xiiie siècle seulement, on commença à changer cet ordre et à donner l’extrême-onction après le viatique : ce changement vint d’une erreur populaire : on croyait alors qu’à partir du moment où l’on avait reçu le sacrement de l’extrême-onction, il n’était plus permis de manger de la viande, et que les personnes mariées étaient obligées de garder la continence le reste de leurs jours ; dès lors plusieurs malades ne voulurent recevoir l’onction qu’à la dernière extrémité. Des conciles condamnèrent cette erreur. L’Église tout en la réprouvant, a néanmoins conservé la pratique de donner le saint viatique avant l’extrême-onction. Elle a statué aussi qu’on ne devait pas réitérer ce sacrement au cours d’une même maladie, nisi diuturna sit.

Pénitence. — Mabillon signale ce point qu’au