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MAHOMÉTISME. ÉTAT ACTUEL


à la Mecque et sur les bords du golfe Persique ; elle tint longtemps en échec les Turcs ottomans, mais enfin fut vaincue et détruite en 1818. Mais elle s’est reconstituée, et maintenant que l’Arabie est libérée, elle peut être appelée à jouer un rôle politique, déjà elle a tenu tête à la dynastie rivale du Ilidjàz et l’a vaincue. Ses adhérents se sont répandus dans l’Inde. Des idées analogues à celle des wahhàbites paraissent avoir gagné plusieurs-points du monde musulman en Afrique, en Afghanistan, en Chine, etc.

VI. le SOUFISME.

On désigne sous ce nom non pas une secte, mais une organisation particulière qui a peu à peu transformé l’islam et lui a donné un caractère si différent qu’on peut et qu’on doit, à notre avis, l'étudier comme une religion distincte. Il est, toutes proportions gardées, à l’islam ce que le bouddhisme est au brahmamisme. Il introduit des conceptions et des pratiques fort éloignées de l’islam : une mystique affective extraordinaire et une hiérarchie de saints thaumaturges d’une part, de l’autre, un réseau de confréries qui couvre tout le monde musulman moderne, toutes choses dont on ne trouve aucune trace dans l’islam primitif et qu’on pourrait même considérer comme lui étant profondément contraires, ainsi que le jugèrent les wahhàbites. On a déjà relevé en lui des influences isma’iliennes très nettes ; mais, sauf exception, il n’a aucune tendance politique et il n’est pas l’instrument de chefs audacieux comme les Grands Maîtres de l’isma'îlisme. Il suffirait cependant qu’il se levât quelque part un ambitieux du genre de 'Abd Allah ibn Maïmoûn pour que se fasse un groupement de toutes les confréries. Celles-ci, jusqu’ici, paraissent être peu ou point susceptibles de se prêter, du moins ouvertement, à un pareil mouvement, bien que, dans l’Afrique du Nord particulièrement, le chef des Sanoûsîs semble vouloir les diriger. Elles se sentent impuissantes à lutter militairement contre les forces de la chrétienté. On doit les surveiller attentivement, mais, pour le moment, on n’a pas à les craindre.

Comment, dans le cadre du mahométisme, s’est constituée cette nouvelle religion qui s’est trouvée répondre admirablement à l'àme orientale et lui donner un aliment plus substantiel que la sèche dogmatique du Coran, c’est ce qu’il conviendrait d'étudier dans un article spécial. On marquerait bien ainsi son originalité, et l’on mettrait en évidence ce fait encore peu connu, qu’aujourd’hui ce n’est pas le mahométisme lui-même, mais le soufisme qui est la religion de l’Orient. Encore enveloppé de ses langes musulmans, si je puis dire, celui-ci a une tendance à s’en dégager ; dans son évolution future peut-être flnira-t-il, comme le bâbisme, par briser les derniers liens qui l’y rattachent. De même que l’isma'îlisme, dont il est la forme mystique, il accueille volontiers des idées chrétiennes, bouddhiques et autres, anciennes, ou modernes. Certain 'ment, si Mahomet revenait au monde, il ne reconnaîtrait pas ses sectateurs dans les derviches de Perse et de Turquie, les faqirs de l’Inde, les khouàns de l’Afrique. Et cependant, presque tous les mahométans modernes appartiennent à quelqu’une de ses associations par affiliation ou initiation. C’est par elles et par leurs pratiques, bien plus que par les cérémonies rituelles du Coran ou de la Sounna, qu’ils connaissent la vie religieuse intense et profonde. Il est donc nécessaire de bien les comprendre.


III. Le Mahométisme moderne.

Après l’exposé historique si complexe de cette religion, voyons son aspect actuel. Dans le monde sounnite, comme dans le monde chiite, il y a des éléments de foi et des obligations rituelles fidèlement observées par les croyants. Nous parlerons d’abord de la vie religieuse des sounnites qui constituent aujourd’hui la grande

majorité, et indiquerons ensuite les quelques caractéristiques du chiïsme, plus marquées en réalité au point de vue politique que religieux.

Chez tes sounnites.

Le mahométisme consiste

essentiellement dans la formule des « deux témoignages » : « il n’y a de divinité qu’Allah et Mahomet est son prophète, i Quiconque croit et affirme cela est mahométail sans autre cérémonie.

Il est tenu ensuite à cinq obligations fondamentales : 1. la prière : 2. l’impôt appelé zaku ;.'}. le jeûne ; 4. le J pèlerinage ; 5. le djihâd ou guerre sainte. Nous allons | dire quelques mots de chacune de ces obligations dont la théorie a été constituée, ainsi que nous le savons par le Coran, le hadlth et les interprétations I

i la fois juridiques et théologiques des chefs de rites,

dont aujourd’hui quatre seulement sont pratiqués par les sounnites. On admet que les divergences de ces rites ne portent que sur des détails de pratique et laissent intacte l’unité dogmatique.

1. Lu prière.

Elle doit se faire cinq fois par jour,

au lever du soleil, à midi, à l’heure dite de 'usr (entre midi et le coucher du soleil), au coucher du soleil, à la nuit. On a voulu voir dans cette ordonnance une influence chrétienne : c’est possible. Toutefois elle n’apparaît pas dans le Coran, bien que l’observance de la prière y soit fréquemment mentionnée comme le premier devoir du fidèle. Il semble aussi que le Coran ait prescrit des prières nocturnes ; elles sont considérées aujourd’hui comme surérogatoires.

Pour prier, le fidèle doit être en état de pureté légale et procéder à diverses ablutions ; sur ce point, le Coran n’est pas toujours explicite et il y a quelques différences de détail suivant les rites. Après quoi il se tourne dans la direction de la Mecque, et en quelque endroit qu’il se trouve, commence les rakâ' réglementaires, deux, trois ou quatre suivant les heures. Une raka' se compose des mouvements suivants : d’abord station debout, les bras le long du corps et recueillement, puis le fidèle élève les deux mains à la hauteur des oreilles et dit : Allah akbar, Dieu est très grand. C’est le takbîr. Abaissant ses mains et plaçant la gauche dans la droite, il récite le fâtiha, premier chapitre du Coran de sept versets, que quelques orientalistes considèrent comme ayant été composé à l’imitation du Puter Noster. Il peut y ajouter quelques autres versets du Coran s’il en connaît.

Il s’incline ensuite, les mains appuyées sur les genoux prononçant d’abord un second takbîr, puis d’autres formules. Puis, il s’agenouille et se prosterne en touchant le sol de son front, les mains également posées sur le sol. Se relevant, il s’accroupit sur les talons, les mains sur les genoux, se prosterne une seconde fois et se relève, non sans avoir prononcé quelques takbîrs et autres formules. A la fin, il doit saluer à droite et à gauche les deux anges qui accompagnent partout le musulman et inscrivent l’un les bonnes actions, l’autre les mauvaises.

Tout cela a été réglé minutieusement par la tradition, car aucune de ces indications ne figure avec précision dans le Coran. L’appel à la prière est fait régulièrement par le mou adhdhin (muezzin) qui prononce également des formules réglementaires, légèrement différentes chez les chiites. Cet appel ou udhân remplace les cloches des chrétiens, pour lesquelles les musulmans ont généralement une grande horreur.

Le musulman, nous l’avons vii, prie là où il se trouve isolément ou en groupe. Cependant, il est plus méritoire d’assister à la prière en commun dans l'édifice spécial appelé masdjid (mosquée) ou lieu de l’agenouillement. Un des assistants, quel qu’il soit, prend l’initiative des mouvements et les autres se modèlent sur lui, c’est l’imâm. Chaque mosquée a un imàm