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MAIIOMÉTISME, LE KHARIDJISME


Nâ fi' ibn al Azraq ( f G5 = 685), énonçait la doctrine dans toute sa rigueur. Ses partisans luttèrent avec une sombre énergie contre les oumayyades. Profitant des troubles suscités par la mort du dernier descendant de Mou’awiya, ils avaient espéré un moment se rendre maîtres de la Mecque, mais ils ne s’entendirent pas avec le maître de cette ville, Ibn Zoubeïr qui prétendait au khalifat, et ils se réfugièrent à Bassorah. Là encore, ils furent repoussés et leur fondateur fut tué dans une rude bataille. Il ne se découragèrent pas et transportèrent la lutte en quelques points de la Perse. Us tinrent longtemps en échec les troupes du fameux général des oumayyades, al i.Iadjdjâdj. Mais enfin ils furent dispersés en 77 (696).

Nàfi 'ibn al Azraq est célèbre par ce qu’on appelle les questions azraqites. On lui prête, en elïet, à tort ou à raison, une discussion avec Ibn ' Abbâs sur l’interprétation de certains passages du Coran. Les réponses de ce dernier, dont l’authenticité est douteuse, sont caractéristiques de la façon dont s’est formée l’explication orthodoxe du texte. Chez les anciens auteurs, questions et réponses sont au nombre de six, mais, avec le temps elles se sont multipliées et, au xve siècle, on en comptait près de deux cents 1

Le fondateur de la secte abâdite est un certain ' Abd Allah ibn Abâd (ou Ibâd) sur lequel nous n’avons aucun renseignement précis, mais qui paraît avoir été un contemporain de Nàfi'. Cette secte nous intéresse parce qu’elle a survécu. On la trouve dans le 'Oman (Arabie méridionale), à Zanzibar et sur quelques points de l’Algérie et de la Tunisie. Ses livres nous sont connus, surtout pour ceux de l’Afrique du Nord, par des savants français comme Masqueray, Basset, de Motylinski. Nous résumerons l’article de ce dernier dans l’Encyclopédie musulmane (1908). « Vers la fin du vii siècle de notre ère, le khâridjisme, sous la forme abâdite, pénétra dans le Maghrib. se développa chez les Berbères dont il devint la doctrine nationale. Il eut la plus grande influence sur le soulèvement qui faillit arracher l’Afrique aux Arabes. A Tahert, la petite dynastie khàridjite des Rostemides se maintint jusqu’au début du xe siècle de notre ère, où elle fut détruite par les premiers Fàtimides. On trouve de ces sectaires, aujourd’hui en groupes assez compacts, à Wargla, dans l’oasis du Mzâb (d’où le nom de Mzàbites ou Mozabites, bien connus en Algérie), au Djebel Nefousa, dans l'île de Djerba. Les communautés sont en rapport constant entre elles, et ont des relations fréquentes avec les abàdites du 'Oumân et de Zanzibar. « Les abàdites s'élèvent avec énergie contre le titre d’hérétiques que leur donnent les autres musulmans. Ils se disent les seuls conservateurs de la pure doctrine islamique et soutiennent que parmi les soixante-treize sectes nusulmanes la leur, seule, sera sauvée. « Comme tous les khâridjites, ils condamnent le khalife 'Outhmàn ; ils reconnaissent la nécessité d’un inâm qui peut être un musulman quelconque ; s’il ne se conforme pas aux prescriptions du Coran et de la s >unna, il doit être déposé. Le Coran est la parole de Dieu créée par lui ; Dieu pardonne les péchés véniels, mais les péchés graves ne peuvent être pardonnes qu’après résipiscence. Il y a entre tous les musulmans des devoirs étroits de solidarité ; mais qui enfreint les prescriptions de la loi religieuse est rigoureusement excommunié, et traité en ennemi jusqu'à ce qu’il fasse acte de repentir. « Les abàdites algériens affectent une grande austérité de mœurs, du moins dans les villages du Mzâb où ils sont sévèrement surveillés par leurs toulbâ (chefs religieux). Mais dans les villes de la côte, où ils aifluent pour faire du commerce, la pratique n’est pas

toujours d’accord avec la théorie. Ils n’en conservent pas moins jalousement leurs croyances, et se tiennent à l'écart des autres musulmans. Leur groupe homogène et compact se distingue très nettement par son allure, son caractère et ses tendances au milieu des Arabes ou des autres Berbères. »

Nous ajouterons que les abàdites modernes répondent bien a ce que nous savons des premiers khâridjites, sauf cependant sur un point : l’acceptation de la sounna. De par leur origine, ils devraient s’en tenir uniquement au Coran. Ils ont donc fait une importante concession à leurs adversaires sounnites.

v. autres SECTES. — Nous n'énumérerons pas les nombreuses sectes secondaires dont beaucoup ont été créées un peu artificiellement par les auteurs sounnites, comme les djabarîtes, opposés aux qadarites parce qu’ils nient absolument le libre arbitre, les sifâtites partisans des attributs de Dieu en opposition à l'école des mou’tazilites qui les supprime, etc. Nous dirons seulement quelques mots de certaines qui subsistent encore à l'état sporadique dans le monde musulman ou qui, étant nées à une époque rapprochée de nous, peuvent exercer une influence sur le développement actuel du mahométisme.

1° En Syrie, il existe un petit groupe, de doctrine assez énigmatique, appelé : les Nousaïris. Leur nom se trouve déjà dans Pline : Nazarcni. Leurs croyances, qu’ils s’efforcent de tenir secrètes, semblent contenir un bizarre syncrétisme d'éléments païens, chrétiens et musulmans. Ils ont certainement subi l’influence ismaïlienne probablement dès le temps, où 'Abd Allah ibn Maïmoûn s’installait en Syrie. Ils furent cependant combattus par les Druzes leurs voisins et par les Assassins quand ils vinrent s'établir dans cette région. Au point de vue musulman, ils appartenaient au chiïsme outré, celui qui tient 'Alî, pour une divinité, et lui subordonne Mahomet. En y ajoutant Salmân le persan, un des compagnons de Mahomet que la tradition chiite vénère le plus, ils ont constitué une véritable trinité, caricature de la trinité chrétienne. Ils y joignent encore cinq personnages qui paraissent répondre, de façon plus ou moins allégorique, aux cinq principes des ismaïliens. Mais ils se sont affranchis des principales pratiques de l’islam, comme la prière, le jeûne ou le pèlerinage, ou plutôt, suivant le système cher aux ismaïliens, Ils interprètent les prescriptions coraniques d’une façon toute allégorique. Comme ces derniers, ils ont une initiation à trois degrés.

Ils adorent le viii, où ils voient une émanation de la lumière qui est aussi la divinité — ce qui semble indiquer quelque influence manichéenne. Ils croient à la métempsycose, l'âme devant se purifier en revenant dans des corps de plus en plus parfaits pour revêtir enfin l’enveloppe lumineuse et demeurer parmi les étoiles. On les connaît encore sous le nom de 'Alaouites et, dans la Syrie libérée du joug turc, ce petit peuple paraît tout dévoué à la France.

2° Plus étranges encore sont les Yézidis ou Adorateurs du Diable, qui prétendent se rattacher à Yazîd, fils de Mou’awiya, le meurtrier de Houseïn fils de 'Alî, le personnage le plus exécré des chiites. Mais en réalité, cette secte paraît une dérivation, d’ailleurs aberrante, de celle des 'adawites, partisans du kurde 'Adî ibn Mousâfir qui mourut en 557 (1162), laissant une réputation exceptionnelle de sainteté. C’est à sa doctrine que se rallièrent les yézidis, mais celle qu’ils professent aujourd’hui est si peu musulmane qu’il est impossible de la rattacher à ce saint personnage, dont les biographes sounnites font un grand éloge. Peut-être faut-il voir dans les yézidis antérieurement à 'Adî une secte khàridjite appelée yazidite, du nom de leur fondateur Yazîd ibn Aboû Arîsa,