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    1. MAJIOMÉÏISMK##


MAJIOMÉÏISMK, LE MOU’TAZILISME

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C’est avec Mouhammad ibn 'Abd Allah al l.lâkim (321-405 = 933-1014) que la science du hadith se constitue. Il s’attache à mettre en lumière les conditions auxquelles, sans les formuler expressément, al Boukharî et Mouslim ont subordonné la validité des hadiths. Dans ses nombreux ouvrages, il fournit une étude du hàdith parfait, dont quelques points furent contestés dans la suite, mais qui ne fut dépassée ni en subtilité, ni en précision. Il aborda également nombre d’autres questions relatives à la critique, à la classification, à la terminologie des traditions, et y affirme sa compétence.

Enfin 'Outhmân ibn Salâ'.i (577-043 = 1182-1210) clôt le cycle par son traité, classique entre tous, 'Ouloâm al adtth « les sciences de la tradition ». Après lui, il n’y a ;. ; uère que des commentaires ou des remaniements de son œuvre. Ils sont, d’ailleurs, innombrables, la littérature arabe moderne ayant une tendance à multiplier les gloses, les résumés, les compléments, etc. Qu’il nous suffise d’avoir montré, en raccourci, l'évolution assez lente, comme on le voit, de cette science fondamentale pour les sounnites.

/II. LES M)U' TAZIhITBS. — 1° Caractéristique !  ; gin 'raies. — Leur nom qui signifie : partisans de l’i’tizàl « séparation » a été expliqué par les sounnites comme une sécession par rapport à l’ensemble de la communauté orthodoxe. Renan et quelques autres orientalistes ont voulu voir en eux des libéraux en lutte avec l’orthodoxie et se sont attristés de leur défaite finale ; mais les savants modernes, comme Goldziher, ont fait justice de ce point de vue erroné. Nous avons déjà vu à l'œuvre leur prétendu libéralisme à l'égard des malheureux théologiens qui s’obstinaient à voir dans le Coran la parole incréée de Dieu, col. 1615. Nous verrons que ce sont eux qui se sont attribué l’orthodoxie. Pou eux l’i’tizàl c’est la séparation du mal ; c’est la constitution d’une élite qui sera seule sauvée, en vertu de la tradition que nous avons longuement étudiée plus haut et que les sounnites ont repris à leur compte, mais uniquement par imitation.

Nous savons par des auteurs initiés à leurs doctrines, en particulier par le célèbre al Ach’arî qui fut longtemps des leurs, qu’ils professent cinq principes ou bases. Ce sont : 1° l’unité, tau id ; 2° la justice, 'adl ; 3° les récompenses et peines (de l’autre monde), iva’d et wa'îd ; 4° les noms et jugements, asmâ et a[kâm ou la position intermédiaire, manzala bain al manzalatain ; 5° l’injonction du bien et l’interdiction du mal, amr bi-l ma’roûf et naht 'an al mounkar.

Comme les auteurs auxquels nous empruntons cet exposé fondamental sont tardifs (fin du m siècle et début du iv « ), on peut se demander si les cinq éléments sont bien primitifs, et s’ils se sont agglomérés d’un seul coup et naturellement, ou successivement et artificiellement. Voici ce qu’on rapporte généralement. C’est Aboû Houdhaifa Wà il ibn 'A à (80-131 = 700-749) qui énonça le premier la doctrine de la position intermédiaire qui se définit ainsi : « lepécheur, fâsiq, qui fait partie de la religion musulmane n’est ni croyant, mnu’min, ni mécréant, kâftr. » C’est là l’i’tizàl primitif : une question de mots et les mou’tazilites ne démentiront pas leur origine, car ils multiplieront les querelles de mots et seront les initiateurs de la scolastique, dans le mauvais sens du terme.

A côté de la question verbale, celle du nom qu’il convient de donner au musulman qui a péché, il y a la question légale, celle du jugement à porter sur lui. Voyons d’abord à quoi répond la discussion verbale.

Nousavonsvu, col. 1583, comment, à lamort du khalife 'Outhmân, deux partis, à la fois politiques et religieux, s'étaient formés. Celui des parents et amis de 'Outhmân qui revendiquaient, suivant la coutum >

arabe, le droit de venger le khalife assassiné, s’appelèrent les 'outhmânides. Ils considéraient comme Illégitime la nomination de 'AH que les habitants de Médine ava ent proclamé comme successeur de 'Outhmân et s’opposaient ainsi aux 'alides. Hien que parmi ces derniers, beaucoup jugeassent leurs adversaires comme des ennemis de l’islam, 'Ali ne voulut encore voir en eux que des musulmans sincères quoique égarés. Du côté des 'outhmânides, on était assez indifférent à la question religieuse, et on était prêt a transiger. 'Alî ayant accepté les propositions de transaction qui lui furent faites, ce fut le signe d’une dissidence profonde dans son propre parti. Les intransigeants sortirent du parti, d’où leur nom de khàridjites, et déclarèrent que les 'outhmânides devaient être traités non comme musulmans, mais comme mécréants, et, par conséquent, subir les impitoyables prescriptions du djihâd (guerre sainte) contre cette espèce de combattants, et que 'Alî, en n’appliquant pas ces prescriptions, devenait luimême mécréant. Ces puritains extrêmes représentaient le fanatisme et l’intolérance. Il y eut ainsi trois groupes : 'outhmânides indifférents, 'alides tolérants, khàridjites fanatiques. L’indiflérencc et la tolérance des deux premiers s’opposaient à l’intransigeance des autres. Ainsi se définissaient les deux positions : al manzalatain. Au point de vue théologique, la première position ou thèse déclarait que la qualité de croyant ne se perdait pas pour un manquement à la religion (sauf apostasie), la seconde affirmait que tout manquement était incompatible avec le titre de croyant. C’est là que les mou' tazilites intervinrent ; en fait, ils étaient d’accord avec les khàridjites ; ils n’en différaient que par un mot. C’est pourquoi un auteur sounnite les traite dédaigneusement d’hermaphrodites du khâridjisme. En effet, ils traitaient légalement le fâsiq exactement comme le kâ/ir. La seule différence était que les khàridjites se faisaient héroïquement massacrer sur les champs de bataille, tandis que les mou’tazilites ergotaient dans les mosquées et attendaient pour se défaire de leurs adversaires que le bras séculier se mît bénévolement à leur service.

Laissant pour le moment les deux premiers prin cipes de l’unité et de la justice qui paraissent être nés de conceptions plus tardives que Vi’tizàl proprement dit, voyons ce que sont leurs théories sur les récompenses et les peines, sur le bien et le mal. Dieu, disentils, ne pardonne à celui qui est coupable de péchés mortels que par le repentir ; il est véridique dans ses promesses (récompenses ; et dans ses menaces (pênes), immuable en ses paroles. » Sur ce point cependant quelques notables mou’tazilites étaient moins rigoureux et admettaient que Dieu pouvait pardonner sans repentir.

Non moins inflexible est la théorie sur le bien et le mal. L’injonction au bien et l’interdiction du mal sont obligatoires à tous les musulmans par le glaive ou tout autre moyen : elles sont absolument assimilables au djihâd, aucune différence n'étant faite entre fâsiq et kâflr. C’est donc bien la même conclusion pratique que dans le khâridjisme. Ce n’est, d’ailleurs, que la conséquence extrême d’un principe parfaitement coranique. Le livre sacré dit, en effet (m, 106) « Vous êtes la meilleure des communautés qui ait été créée parmi les hommes ; vous ordonnez ce qui est reconnu bon, et vous emp chez ce qui est condamnable. » En vertu de cette qualité, tout musulman est tenu d’intervenir dès qu’il se trouve en présence de quelque chose qui est contraire à la loi religieuse et d'éloigner avec la main la pierre du scandale. Est-il trop faible, il doit employer la langue, prêcher, tonner, soulever l’agitation ; est-il encore trop faible pour