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LEIBNIZ. LA RELIGION NATURELLE


avoir aucune contradiction dans ce qui n’enferme aucune borne.

Parmi les arguments a posteriori c’est surtout celui de l’ordre du monde qu’il adopte de préférence. Il croit pouvoir lui donner tout à la fois une forme plus moderne et une force plus grande en l’adaptant à l’idée fondamentale de son système, savoir l’harmonie préétablie « qui fait que chaque substance simple, en vertu de sa nature, est pour ainsi dire une concentration et un miroir vivant de tout l’univers ». Dès lors il voit dans ce raisonnement « une des plus belles et des plus incontestables preuves de l’existence de Dieu ; puisqu’il n’y a que Dieu, c’est-à-dire la cause commune qui puisse faire cette harmonie des choses. » Lettre à Clarke, dans Erdmann, p. 773 b. On peut encore présenter le même argument sous une autre forme, en partant des monades qui ne sauraient agir l’une sur l’autre et qui s’accordent néanmoins comme si l’une agissait sur l’autre. Voir Lettre à Arnauld, dans Gerhardt, t. ii, p. 115.

2. La nature de Dieu.

La même facilité se rencontre aussi, et pour les mêmes raisons, dans la connaissance de la nature de Dieu. « Les perfections de Dieu sont celles de nos âmes, mais il les possède sans bornes ; il est un océan dont nous n’avons reçu que des gouttes ; il y a en nous quelque puissance, quelque connaissance, quelque bonté, mais elles sont tout entières en Dieu. » Préface de la Théodicée. En conséquence, « il y a en Dieu la puissance qui est la source de tout ; puis la connaissance qui contient le détail des idées, et enfin la volonté qui fait les changements ou productions selon le principe du meilleur. Et c’est ce qui répond à ce qui, dans les monades créées, fait le sujet ou la base, la faculté perceptive et la faculté appétitive. Mais en Dieu ces attributs sont absolument infinis ou parfaits, et dans les monades créées… ce n’en sont que des imitations à mesure qu’il y a de la perfection. » Monadologie, § 48. « Cette substance simple primitive, dit-il encore, doit renfermer éminemment les perfections contenues dans les substances dérivatives qui en sont les effets ; ainsi elle aura la puissance, la connaissance et la volonté parfaites ; c’est-à-dire elle aura une toute-puissance, une omniscience et une bonté souveraine. Et comme la justice, prise généralement, n’est autre chose que la bonté conforme à la sagesse, il faut bien qu’il y ait aussi une justice souveraine en Dieu. » Principes de la nature et de la grâce, § 9. Ces attributs divins jouent un très grand rôle dans l’explication du monde chez Leibniz. Pour lui, non seulement c’est sanctifier la philosophie que do faire couler ses ruisseaux de la fontaine des attributs de Dieu », Lettre h ^r. Bagle sur un principe général utile à l’explication des lois de la nature (1687), dans Erdmann, p. 106, mais c’est apporter une solution aux graves problèmes qu’on disent ail a l’époque et cela en - satisfaisant la raison sans choquer la foi. » A ses yeux on insistait trop exclusivement, dans d’autres systèmes, sur la tonte -puissance divine sans tenir compte des autres attributs qui la refilent. « On a "n recours a la puissance Irrésistible de Dieu quand il S’agissait plutôt d, . faire voir sa bonté suprême : et on a employé un pouvoir despotique lorsqu’on devait concevoir une puissance réglée par la plus parfaite sagesse. Théodicée, Prit

Il importe donc de reprendre l’analyse de la nature « le Dieu ou. ce fini revient au même, de l’activité

divine, question si agitée <iu temps de Leibniz.

A la base des attributs divins on rencontre la force

ou la puissance. Toute monade ou réalité substantielle est essentiellement force ou puissance Seulement en

Dieu la puissance est sans limites : il n’v a lien, dans le domaine du non-divin, qui puisse arrêter ou limiter son action Puissance illimitée flans |’< paCI el

le temps que les philosophes mathématiciens aimaient à exprimer par la formule suivante : Dieu est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part. C’est en vertu de la toute-puissance divine qu’on peut dire que Dieu a fait le monde tout entier et sans en avoir emprunté la matière au dehors. Mais ceux qui ne voient dans le monde que la manifestation d’une toute-puissance, s’engagent dans les voies du panthéisme de Spinosa où les choses découlent de la nature divine suivant une nécessité toute géométrique et aveugle. Aussi ce que Spinoza et d’autres appellent Dieu « n’est rien que la nature aveugle de l’amas des choses matérielles qui agit selon les lois mathématiques suivant une nécessité absolue comme les atomes le font dans le système d’Épicure. » Réflexions sur le livre de Hobbes, dans Erdmann, p. 632. Autant dire que les choses existent sans Dieu, dont, en effet, on n’aurait point besoin selon cette conception, « puisque suivant cette nécessité tout existerait par sa propre essence aussi nécessairement qu’il faudrait que deux et trois fassent cinq. » Ibid. Aussi une pareille nécessité aveugle et absolue renverserait-elle forcément la piété et la morale.

Pour éviter ces conséquences, il suffit de concevoir le mode d’exercice de la puissance divine comme réglé par la sagesse ou l’entendement de Dieu qui est la région des possibilités ou essences et des vérités éternelles. Alors l’activité de Dieu apparaîtra comme comportant, non pas une nécessité absolue, mais une nécessité morale, selon laquelle « l’auteur du monde est libre bien qu’il fasse tout avec détermination. » De rerum originatione radicali, dans Erdmann, p. 148.

On a de la peine à concilier ces deux termes qui paraissent contradictoires, et l’explication que Leibniz donne de sa théorie n’est guère apte à lever la difficulté. « Comme tous les possibles, dit-il, ne sont point compatibles entre eux dans une même suite d’univers, c’est pour cela même que tous les possibles ne sauraient être produits et qu’on doit dire que Dieu n’est point nécessité, métaphysiquement parlant, à la création de ce monde. On peut dire qu’aussitôt que Dieu a décerné de créer quelque chose, il y a un combat entre tous les possibles, tous prétendant à l’existence ; et que ceux qui, joints ensemble, produisent le plus de réalité, le plus de perfection, le plus d’intelligibilité, l’emportent. Il est vrai que tout ce combat ne peut être qu’idéal, c’est-à-dire il ne peut être qu’un conflit de raisons dans l’entendement le plus parfait qui ne peut manquer d’agir de la manière la plus parfaite et par conséquent de choisir le mieux. Cependant Dieu est obligé, par une. nécessité morale, à faire les choses en sorte qu’il ne se puisse rien de mieux ; autrement non seulement d’autres auraient sujet de critiquer ce qu’il fait, mais, qui plus est, il ne serait pas content lui-même de son ouvrage, il s’en reprocherait l’imperfectlon, ce qui est contre la souveraine félicité de la nature divine. » Théodicée, part. II, §201.

L’intervention de la sagesse divine à l’origine du monde s’aperçoit dans les lois métaphysiques qui se manifestent dans toute la nature et prévalent sur les lois purement géométriques de la matière.

Si les essences ou idées dépendent du seul entendement de Dieu, sa volonté intervient pour donner aux êtres leur existence actuelle. l’Ile est en quelque sorti’subordonnée à la Sagesse divine. Ici Leibniz, s’attache surtout à écarter la conception oceamiste et cartésienne, selon laquelle l’activité divine est conçue comme un pouvoir arbitraire. Selon lui. elle est. tout au contraire, déterminée par les lois de la sagesse.ee qui ne l’empêche pas d’être libre II faut distinguer entre Ce que Dieu est libre de faire absolument et entre ce qu’il s’oblige à faire en vertu de résolutions déjà prises. Il faut considérer en I >ieu une cerl aine volonl e