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LEFÈVRE D’ETAPLES. SES TRIBULATIONS


Age, celle des « trois maris » qu’aurait eu successivement sainte Anne et des « trois Maries » à qui elle aurait donné le jour. Beda avait répliqué à cette seconde brochure ; à quoi Lefèvre répondait par une Disceptatio secundo, de tribus et unica Magdalena, 1519. Et cette polémique virulente sur des sujets aussi minimes témoigne des extrémités où l’on se portait très vite. Pour le moment la Faculté refusa de suivre son syndic ; mais Beda arriva à ses fins en 1521. Une détermination fut prise le 1 er décembre au sujet de l’unique Madeleine. Texte dans Duplessis d’Argentré, Collectio judiciorum, t. ii a, p. vu. Les considérants valent la peine d’être signalés : La prédication publique de la thèse de Lefèvre peut créer du scandale dans le peuple ; surtout elle pourrait amener à mettre en doute d’autres pratiques ou institutions, sanctionnées par l’Église de toute antiquité. Nil certum aut indubitatum in tota Ecclesia démuni relinqueretur, si cuique pro suo arbitrio impune licerel hujusmodi tradiliones sanctorum Palrum per Ecclesiam rcceptas rejicere aut calumniari ; en conséquence l’assemblée déclarait que la pensée de saint Grégoire le Grand, selon qui il y a une seule Marie-Madeleine, sœur de Marthe et identique à la pécheresse de Luc, vii, doit être embrassée et retenue, comme conforme à l’évangile du Christ et aux saints docteurs, d’accord avec le rite de l’Église catholique. Les écrits en sens contraire ne peuvent pas être tolérés, scripta adversus hanc sententiam nullalenus esse toteranda. Beda voulut aller plus loin, et faire punir Lefèvre comme hérétique par le Parlement. Mais François I er intervint ; il connaissait et aimait Lefèvre ; surtout il était sous l’influence de sa sœur Marguerite d’Angoulême, toute dévouée à l’humanisme évangélique. Prévenu par Budé de ce qui se tramait, il confia à son confesseur, Guillaume Petit, l’examen de l’opuscule de Lefèvre. Guillaume déclara que l’ouvrage ne contenait rien de contraire à l’orthodoxie, qu’il s’agissait exclusivement d’une question critique, où il devait être permis à chacun de suivre et d’exposer son opinion. Le roi Ordonna donc au Parlement de ne pas inquiéter Lefèvre.

Même attitude du gouvernement en 1523. A peine parus, les Commentaires latins sur les Évangiles sont examinés sans bienveillance par les docteurs de Sorbonne. On en extrait toute une série de propositions qui rendent d’ailleurs assez mal le sens obvie des phrases de l’auteur. En voir la liste dans Duplessis H Vrgentré, loi-, cit., p. x et xi. Pressé de rétracter ces thèses. Lefèvre s’y refuse et finit par obtenir du roi qu’il évoque directement à son tribunal la querelle pendante entre lui et la Faculté. Dans une lettre pleine de louange pour le vieil humaniste « une des gloires de la France, le roi interdit à la faculté de supprimer le livre ou de procéder ultérieurement contre lui. Texte dans Toussaint du Plessis. Histoire de l’Église de Meaux, Paris. 1731. t. n. p. 282.

2. La lutte ouverte t outre Left vre. Mais les événements se précipitaient. S’ils avaient peut être tort d’accuser

bruyamment Reuchlin, Érasme et Lefèvre mémo de

n’être que les fourriers de la Réforme, les théolo

avaient le droit, qui plus est. le devoir de signale]

l’invasion en France des idées lut bériennes. Lacour elle-même au printemps de 1523 commençait à s’inqulétei

ordre avait été donné de brûler les livres de Luther ; en octobre de la même année, larégentl I oui se de Sas oie. écrivait a la Faculté de théologie, pour lui demander

les nio <-n s d’extirper l’hérésie. La Faculté saisi

avec empressement ei 1 1e occasione I |< 7 octobre 1523

transmettait sa réponse. Elle proposait un certain nombre de mesures de salut public, mais ne pouvait

s’empêcher de faire remarquer que la répression de

l’erreur au rail été dès faimi ri plus efficace, si [’autorité royale n’avait pas Interrompu elle même diverses

poursuites « par plusieurs évocations des causes concernant la Foy, comme d’un livre composé par Maître Jacques Fabri (Lefèvre) et de ceux dudit de Berquin, qui sont choses au jugement de tous gens savans et non mal affectés, très pernicieuses et périlleuses pour ceux qui en sont causes. Car c’est par inventions subtiles deffendre les Délinquants et nourrir les erreurs et hérésies. » Voir le texte dans Duplessis d’Argentré, op. cit., t. n b, p. 3 et 4.

L’évolution de la politique de François I er, qui, durant l’année 1524, se rapproche du pape Clément VII, était bien faite pour encourager les défenseurs de l’orthodoxie dans la lutte contre une hérésie qui s’affirmait de plus en plus entreprenante. Dans les dernières semaines de 1524 et les débuts de 1525, les luthériens, disséminés sur le territoire français, ne se contentent plus de professer paisiblement leurs opinions : ils deviennent agressifs, à l’endroit des pratiques catholiques. A Meaux, une annonce del’évêque prescrivant un jeûne est lacérée et remplacée par un placard où le pape est traité d’Antéchrist ; des formules de prières sont également mises en pièces. Guillaume Briçonnet se voyait incapable de contenir dans les limites qu’il s’était tracées le mouvement de Réforme. Suspect aux catholiques, bientôt soumis à une enquête, il n’en est pas moins considéré par les luthériens comme un ennemi. La situation de Lefèvre à Meaux se faisait elle aussi de plus en plus difficile.

Elle devint intenable dans l’été de 1525, lors de la vive réaction antiprotestantedont le désastrede Pavie, 25 février 1525, allait donner le signal. Dès l’automne de 1524 le parti de la régente était pris ; seule dépositaire, après la capture de François I er, de l’autorité royale, elle va mener, de concert avec le Parlement et la Sorbonne une lutte vigoureuse contre le luthéranisme envahissant. Fin mars, le Parlement crée une commission de quatre juges-inquisiteurs, qui reçoivent du pape, le 20 mai, les pouvoirs apostoliques. Tout de suite le groupe de Meaux est visé ; les juges-inquisiteurs viennent dans le diocèse informer contre les nombreux hérétiques qui s’y découvrent ; l’évêque lui-même est sommé de comparaître ; Caroli, Mazurier, Roussel, Lefèvre, sont décrétés de prise de corps.

3. La retraite de Lefèvre à Strasbourg.

En ces conjonctures il était impossible pour Lefèvre de compter sur les interventions qui, deux fois déjà, l’avaient soustrait aux représailles de la Sorbonne. François I er était prisonnier en Espagne, où Marguerite était allée le rejoindre pour négocier sa mise en liberté. La rapidité avec laquelle le Parlement menait la répression pouvait faire craindre une issue fatale ; le groupe de Meaux n’avait qu’un moyen de se dérober, la fuite. A la fin d’octobre 1525, Lefèvre, Caroli Michel d’Arande. cl Roussel se réfugient à Strasbourg.

A défaut de leurs personnes on commence aussitôt le procès de leurs œuvres. Les juges-inquisiteurs avaient saisi à Meaux des exemplaires des Épttres el Evangiles » 'iur tous les dimanches de l’année ; Ils les transmirent pour examen à la Sorbonne, qui, le 6 novembre 1525, rendit son verdict : 4.s propositions

textuellement extraites du livre étaient censurées, la plupart comme hérétiques, les antres comme fausses.

téméraires, dangereuses. En conséquence la Sor lionne concluait pal cette condamnation générale : Ledit livre renfermant les erreurs susindiipices. parlant mal des lionnes GBUVreS, prétendant que la Satisfaction pour les pèches n’est pas nécessaire au salut, que lei lois humaines et les sanctions ecclésiastiques sont île nulle alenr. rejetant de façon schismatlque le culte des saints et leurs têtes, avec les expositions catholiques de la Sainte Ecriture et ci sous prétexte de la Divine Ecriture même qu’il tire ça et là dans un sens hérétique, ne scandalise pas médiocre-