Bible en francoijs translatée selon la pure et entière traduction de sainct flierosme, conférée et entièrement revisitee selon les plus anciens et plus corrects exemplaires, avec un privilège de l’empereur Charles-Quint, donné à Malines le 4 juillet 1530 ; 2e édit. en 153-1 avec un privilège impérial donné à Bruxelles le 21 novembre 1533. Voir à ce sujet une très curieuse lettre du nonce, Jérôme Aléandre, à un secrétaire de Clément VII, dans Herminjard, Correspondance des ré/ormati’iirs, t. ii, p. 386-388. Bien que le nom de Lefèvre ne figure sur aucune de ces deux dernières traductions de la Bible, il ne saurait faire de doutes qu’il en soit réellement l’auteur. On remarquera seulement, c’est un signe des temps, qu’à partir de 1527 il a cessé de se faire imprimer en France. Le commentaire latin sur les Épîtres catholiques est édité à Bâle ; c’est à Anvers, avec l’approbation d’ailleurs des autorités civiles et ecclésiastiques, qu’ont paru les deux derniers ouvrages du vieil humaniste français.
3° L’infiltration luthérienne à Meaux et en France.
Aussi bien, à partir de 1522, les symptômes se multipliaient
en France de la pénétration des idées luthériennes.
L’engoùment que l’on montrait à Meaux pour
les idées évangéliques devait être singulièrement
favorable à l’infiltration dans ce diocèse des doctrines
de Luther. Au palais épiscopal de Briçonnet, on ne se
privait pas de lire les publications en provenance
d’Allemagne, et même les têtes les plus solides résistaient
mal à leur emprise. Sans doute l’évêque lui-même,
Lefèvre, Vatable, prétendaient repousser toute
idée, même lointaine, de schisme ; peut-être n’en était-il
pas de même chez tous les membres du groupe.
Caroli, en particulier, semble avoir donné de bonne
heure dans les innovations religieuses les plus risquées ;
et bientôt l’on apprendrait que Guillaume Farel
passait à la Réforme et se retirait à Bâle, 1523. Or la
sécession de Farel n’amène pas la rupture définitive
et immédiate entre lui et son vieux maître. Bien plus
Guillaume s’efforce d’entraîner Lefèvre ou tout au
moins de le compromettre. De Bâle il le met au courant
des événements religieux d’Allemagne, lui fait passer
l’abondante littérature théologique qui fleurit autour
de la Réforme, essaie de le mettre en rapport avec
les évangéliques de Lyon. Voir surtout Herminjard,
Correspondance des réformateurs, t. i, n. 85, 98, 103.
Cette dernière lettre adressée à Farel par Lefèvre est
extrêmement importante. L’ancien disciple avait rendu
compte à son maître des thèses prêchées à Breslau
par Jean Hess sur la grâce, la liberté chrétienne et le
mariage des prêtres, et Lefèvre lui répond par une
approbation, d’ailleurs assez vague : mirum est quam
consono spirilu de verbo Dei, de summo Christi sacerdotio,
de matrimonio omnia dicantur. Ainsi Farel entraînait-il
peu à peu le « groupe de Meaux » dans
l’orbite des novateurs suisses et strasbourgeois et
surtout de Zwingli et d’Œcolampade.
Ce n’était pas à Meaux seulement que la propagande luthérienne se faisait sentir ; toute la France, peut-on dire, entrait en fermentation. Et ce serait une erreur, Imbart de la Tour l’a fait remarquer avec beaucoup de justesse, que de dire que le mouvement, parti de Meaux, s’est répandu de là dans le reste du royaume. En fait, les doctrines allemandes s’infiltraient partout, et il ne serait pas malaisé d’en signaler les propagateurs et d’en déterminer les voies de pénétration. Il est impossible de dresser aux frontières d’un pays des cloisons tellement étanches que les idées n’arrivent pas à les traverser. Ce n’est point l’objet de cet article d’écrire l’histoire de la pénétration en France du luthéranisme ; et l’on veut seulement marquer ici le paijt de responsabilité qui revient à Lefèvre et à son groupe dans le développement des idées protestantes. On résumera au mieux le rôle du vieil humaI
niste en disant qu’à son insu il a préparé le terrain où devaient prospérer les germes venus d’ailleurs. Séduit par son rêve évangélique, persuadé qu’il n’y avait aucun inconvénient à semer à pleines mains les saintes réflexions que lui inspirait la lecture des livres saints, il n’a pas compris qu’en une époque troublée il est indispensable à qui veut guider les autres d’avoir soimême une idée bien arrêtée. Au juste que voulait-il ? Ramener les âmes à Dieu, par l’Évangile. Beau programmme à coup sûr, mais qui pouvait diversement se comprendre. Luther lui aussi prétendait bien ne pas faire autre chose ; les premiers réformateurs de la Suisse et des pays rhénans n’avaient eux non plus en bouche que la restauration de l’Évangile, et l’on voyait bien vite ce qu’ils entendaient par là. Dans tout le centre de l’Europe retentissait maintenant le cri de Los von Rom ; le même cri n’allait pas tarder à retentir en France. Le retour à l’Évangile serait-ce donc la rupture définitive avec l’Église traditionnelle ? « Le vieux maître, dit Imbart de la Tour, rêvait une renaissance pacifique. C’était bien autre chose, une révolution religieuse qui commençait. » Loc. cit., t. iii, p. 169.
4° La réaction.
Mais la France n’était pas entièrement
désarmée. A défaut de l’autorité royale hésitante et indécise, à défaut de l’épiscopat où les idées réformistes n’étaient pas sans exercer quelque séduction, deux grands corps allaient prendre la défense de lareligion traditionnelle, la Facultéde théologie (disons la Sorbonne, pour faire court) et le Parlement de Paris. C’est à celle-là de signaler les dangers, à celui-ci de prendre contre eux les mesures efficaces.
1. Premières attaques de la Sorbonne contre Lefèvre. — Or il y avait plusieurs années déjà que le vieil humaniste était surveillé par la Sorbonne et tout spécialement par le syndic Noël Beda. Incapable de comprendre les aspirations nouvelles de l’humanisme naissant, ce dernier qui avait réussi à exercer au sein de la Faculté une action considérable, poursuivait d’une haine personnelle tout ce qui s’écartait tant soit peu de la scolastique de son époque. Ce conservatisme étroit, on l’avait vu à l’œuwe, en 1514, lorsque la Sorbonne avait pris dans la « querelle de Reuchlin » la position que l’on sait. Lefèvre n’avait pas manqué en cette occasion de prendre le parti de l’humaniste allemand, et son intervention avait fait reculer la Faculté devant une condamnation. Voir Imbart de la Tours, t. ii, p. 358. Mais dès ce moment Lefèvre s’était signalé aux rancunes de Béda. Le Saint Paul, paru en 1512, avait été épluché de près, et en 1515 Clichtoue avait dû écrire une Apologie pour défendre son maître. Cf. ci-dessus, t. iii, col. 242. La publication faite par Lefèvre en 1517 d’un petit travail d’exégèse ralluma les querelles. Dans sa Disceptatio de Maria Magdalena et Triduo Christi, l’humaniste montrait que l’identification faite dans l’Église latine depuis le temps de saint Grégoire le Grand entre Marie de Magdala, la pécheresse dont il est question Luc, vii, et enfin Marie sœur de Lazare et de Marthe reposait sur une confusion et qu’il fallait soigneusement distinguer ces trois personnages. Il n’en fallut pas plus pour déchaîner un véritable orage. « Un chanoine de Saint-Victor, Marc Grandval, prit violemment Lefèvre à partie. 22 août 1518, à son tour Béda intervint au nom de l’orthodoxie menacée, 1° juillet 1513. » Imbart de la Tour, loc. cit., p. 560 ; Graf, p. 55. Jean Fischer, évêque de Rochester, fut appelé à la rescousse, tandis qu’une fois de plus Clichtoue, à rencontre des théologiens, venait au secours de son maître. Lefèvre d’ailleurs était capable de se défendre lui-même. En 1518 il faisait paraître une seconde édition parisienne de sa dissertation : De Maria Magdalena, triduo Christi et ex tribus una Maria. La finale était nouvelle. Lefèvre y critiquait une autre « tradition » chère au bas Moyen