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LEFÈVRE D’ETAPLES. LE REFORMISTE A L’ŒUVRE


chanoine de Sens, Michel d’Arande enfin qui deviendra plus tard évêque de Saint-Paul-Trois-Châleaux. On voit quelquefois joindre à ces noms celui de Farel (Graf. p. 62). C’est une inexactitude. Farel a pu faire à Meaux des visites plus ou moins longues, il n’y était pas installé d’une manière stable. — Nous ne pouvons étudier en détail les moyens dont Briçonnet prétend se servir pour réformer son diocèse ; disons seulement qu’il attache à la prédication des vérités chrétiennes de l’Évangile, comme disait son entourage, une importance capitale. Si Mazurier et Caroli ont été avec l’évêque lui-même les agents effectifs de cette annonce de la bonne nouvelle, Lefèvre, à qui son grand âge interdit les moyens d’actions violents, travaillera à sa manière à la diffusion la plus étendue de la parole de Dieu.

La vulgarisation de l’Écriture.

Jusqu’à présent

il s’est adressé aux lettrés. Rédigés en latin, le Psalterium, le Saint Paul, les Commentaires des Évangiles qui ne vont pas tarder à paraître, les Commentaires des épîtres catholiques, qui parallèlement se préparent, ne peuvent atteindre la masse. A l’œuvre d’exégèse doit succéder l’œuvre de traduction. Cette traduction de la Bible on commence à la réclamer dans certains milieux plus ouverts à « l’évangélisme » et spécialement dans le petit cercle qui se groupe autour de la mère du roi, Louise de Savoie, de la sœur du roi, Marguerite d’Angoulême, qui va devenir duchesse d’Alençon, puis reine de Navarre. Cette dernière, en relations épistolaires continues avec Briçonnet, demande qu’on lui fournisse un meilleur texte de la Bible française que l’édition de Jean de Rély exécutée sous Charles VIII en partant des Bibles « hystoriées » du Moyen Age. Lefèvre se met donc à l’œuvre ;  ! e 8 juin 1523, paraît la version française des quatre évangiles avec en tête une épître exhortatoire et cette devise : Christus dixit : Prædicale evangelium omni creaturæ. Qui crediderit et baplizatus fuerit salvus erit. La devise, l’épître c’est un programme, disons mieux, un manifeste « Besoins du peuple chrétien depuis trop longtemps sevré de la parole du Christ, ordre de Dieu môme qui a voulu que l’Évangile fût annoncé à tous, traditions du sacerdoce juif qui faisait connaître et lire la Loi, des évangélistes et des apôtres qui ont écrit pour le peuple, de l’Église primitive qui a traduit dans les langues diverses du temps, tentatives analogues dans les autres pays, toutes ces raisons sont invoquées pour justifier l’œuvre nouvelle. Comme Érasme, Lefèvre proclame la nécessité pour chaque chrétien de connaître la règle universelle qui est la parole de Dieu. Qui défendrait aux enfants de avoir, veoir et lire le Testament de leur Père ? » Imbart de la Tour, t. iii, p. 127. C’est le sens également de l’épître exhortatoire qui précède la traduction des Épîtres, des Actes et de l’Apocalypse laquelle paraît le 8 novembre de la même année. Est-ce à dire que Lefèvre entende livrer l’Écriture au jugement et a la discussion des foules. Certains l’ont prétendu, et tout comme l’Index publié par la Sorbonne. en 1551, qui qualifie l’épître exhortatoire aux évangiles d’épttre luthérienne, ils accusent Lefèvre. non s ; ms apparence de raison, d’avoir inscrit dans ces préfaces les principes mêmes de la réforme protestante : Pas d’autre règle de foi que la sainte Écriture, point de salut sinon par le Christ ; ilé absolue où te trouve chaque chrétien <le chercher lui-même dans l’Écriture la règle (le sa vie religieuse, i.’auteur de la traduction française a cependant pris ses précautions pour ne pas être compris à rebours. La lecture du Nouveau Testament ne devra être faite par les pasteurs que es Iléus et bus personnes ou on pourra seulement édl fier et nul oITenser ». Lefèvre déclare en propres tennis qu’il n’a publié

traduction complète « qu’en admonestant tous

que nul ne soit curieux ou abusant de son sens ». 2e épître exhortatoire. Le vrai moyen de profiter de l’Écriture c’est de la lire avec foi, avec simplicité avec humilité : « Il fault honnorer la Saincte Escripture en ce qu’on en entend, en rendant grâces à Celuy qui donne l’entendement. Et en ce que on n’entend point, en le croyant selon le sens de l’esperit de Dieu et non point selon le nôtre. » Ibid.

Après le Nouveau Testament, le Psautier ; il est fini d’imprimer le 17 février 1525, et débute, comme les livres précédents, par une Epistre comment on doibt prier Dieu ; chaque psaume est accompagné d’un argument brief pour chrestiennement prier et entendre aucunement ce qu’on prie. N’est-il point urgent en effet d’ouvrir à tous le sens de ce livre scellé, de faire en sorte qu’au lieu de « barbotter » des mots, chaque chrétien qui assiste à l’office perçoive les beautés édifiantes des prières que l’Église met sur ses lèvres. 11 n’est pas question encore de la liturgie en langue vulgaire, mais déjà les amis de Lefèvre entreprennent, timidement d’ailleurs, de la délatiniser, et font chanter au peuple, en français, le symbole de Nicée et le Pater. Nous ignorons la part que prit Lefèvre à ces innovations liturgiques, fort rationnelles peut-être, mais si dangereuses eu égard aux circonstances où on les produisait.

Mais nous connaissons la part considérable qu’il voulut prendre à la réforme de la prédication. Le tout n’était pas pour Briçonnet d’imposer aux curés la régularité des sermons ; encore fallait-il les mettre à même de remplir ce devoir de leur charge. Leur instruction théologique ne les y préparait guère. On résolut, à l’évêché de Meaux, de leur mettre en main un manuel où ils trouvassent toutes prêtes leurs instructions dominicales. De cette pensée sortit un petit livre anonyme, mais qu’il y a toutes raisons d’attribuer en grande partie à Lefèvre : Les Epislres et Evangiles des cinquante et deux dimanches de l’An avecques briefves et très utiles expositions d’ycelles. Le livre ne porte pas de date, il a pu paraître dans les premiers mois de 1525. Graf prétend ( et ça été aussi en novembre 1525 l’opinion de la Sorbonne) qu’ici plus clairement que partout ailleurs s’expriment les idées de la Réforme : l’Écriture seule règle de foi ; le droit pour chaque chrétien d’examiner d’après cette règle tout ce qu’on lui enseigne et de repousser ce qu’il n’y trouve pas conforme ; le salut par la foi seule : le rejet de l’invocation des saints, etc. Loc. cit., p. 79-86, nombreuses références. Dans la réalité les idées exprimées ici ne diffèrent pas très sensiblement de celles que nous avons rencontrées précédemment. Il paraît indiqué de recourir aux grands commentaires pour faire l’exégèse de ces courtes réflexions. Or l’étude parallèle « lu texte latin et de l’explication française montrerait, senible-t-il, que souvent l’écart est à peine sensible entre les deux expressions de la pensée de Lefèvre. A peine pourrait-on dire que l’allusion aux graves événements qui se déroulent en Europe, et qui ont leur contre-coup en France et spécialementt dans le diocèse de Meaux, se fait plus nette et légèrement plus agressive.

Les choses en effet prirent soudain en l. r >2. r > une allure de catastrophe : nous allons voir comment Lefèvre sera emporté par le torrent : mais constatons, pour n’y plus revenir, que les événements tic changeront rien à la résolution qu’a prise le vieil humaniste de mettre l’Écriture ; i la portée de tons Lu lf>28, il fera paraître à Anvers la traduction française de l’Ancien Testament, le Psautier excepte, et cela avrr l’approbation de l’inquiêlleur de Louvatn, donnée le 20 Juin 1528. Ainsi toute la Bible est maintenant en français ; il ne tient plus qu’a la publier en un seul tout, c’est ce qui ai rive en 1530, où paraît à Anvers : La minute