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1407 LYON. LE lie CONCILE ET LA RÉUNION DE L’ÉGLISE GRECQUE 1408

aux accusés. Après la quatrième séance, on suspendit le concile et on en remit la suite à six mois plus tard. En attendant, Veccos et ses compagnons étaient enfermés sous bonne garde au monastère des Anargyres où des envoyés de l’empereur venaient souvent assaillir leur constance. Le synode, rassemblé de nouveau, n’eut qu’une séance. On avait parlé d’y appeler les évêques exilés à cause de l’union. En fait, un seul y prit part, Théoctiste, évêque d’Andrinople. Son langage énergique et hardi inspira la crainte que d’autresne vinssent grossir le petit groupe des vaillants confesseurs de la foi et de l’unité religieuse.

3° La polémique par écrit. Le tome de Georges le Chypriote et la réfutation de Veccos. — Le synode impaissant avait confié à son chef le soin de répondre au défi de Veccos et de ses diacres, de trouver à la parole de saint Jean Damascène, Sià Aôyou 7rpoêoXsùç êHçavToptxoù IIvEÔpiaToç un sens orthodoxe en dehors du leur.

Le Chypriote se mit à la tâche et produisit un tome où il jetait l’anathème sur Veccos, Méliténiote et Métochite, et présentait du texte en question l’explication déjà avancée à la première séance du synode, à savoir que le terme 7tpo60Xsuç se rapporte non à l’émanation du Saint-Esprit d’un principe actif (aï-noç), mais à sa manifestation éternelle (exçavaiç àtSioç), manifestation distincte de l’émanation. Voir ce document dans P. G., t. cxlii, col. 233-246. Le tome fut lu dans les églises, puis au palais eurent lieu les souscriptions. L’empereur, le patriarche, les évêques apposèrent leurs signatures, mais le clergé du second ordre, à part de rares exceptions, s’y refusa obstinément. Ils ne voulaient pas, déclaraient-ils, s’exposer, au cas d’un revirement de fortune, aux châtiments et aux outrages subis pour avoir souscrit à des documents du même ordre au temps de l’empereur Michel. Rigueurs et faveurs n’y firent rien. Poussés à bout, ils déclarèrent enfin ne pouvoir souscrire à une profession de foi où il y avait des choses qu’ils n’entendaient pas, et ils indiquaient cette manifestation éternelle de l’Esprit-Saint distincte de sa production. Quelques-uns cédèrent, sur l’assurance donnée par le patriarche et les évêques que cette nouvelle expression ne renfermait aucun péril. Pachymère, Andronic, t. II, n. 1, P. G., t. cxliv, col. 121-127.

Une copie du tome étant venue entre les mains de Veccos, il en fit une réfutation vive et serrée que des amis répandirent dans la ville. On a une autre réfutation de ce tome par Georges Métochite, Historia dogmatica, t. II, dans Mal’, ibid., p. 179-227. L’écrit de Veccos causa une grande impression, d’autant que beaucoup de ceux qui avaient souscrit ne l’avaient fait que par contrainte. L’opinion commençait à prévaloir que Veccos n’avait point péché contre la foi, mais seulement contre la discipline. La réponse de Georges aux champions de la foi fut un nouvel exil : Veccos et ses deux compagnons étaient de nouveau relégués à la forteresse de Saint-Grégoire, au fond du golfe de Nicomédie.

Le tome fut encore attaqué par Pentéclésiote et Moschampar (ce dernier n’était plus chartophylax), qui toutefois se gardèrent d’utiliser les arguments de Veccos, pour ne point paraître de son parti. Ils se bornaient à reprocher au patriarche d’ôter au Père la production active du Saint-Esprit. Sur ces entrefaites, parut un libelle d’un moine obscur du nom de Marc, qui présentait plus ouvertement la nouveauté du Chypriote. Celui-ci du reste l’avait revu et corrigé avant qu’il fût jeté dans le public. L’un des opposants, Théolepte, évêque de Philadelphie, très en faveur auprès du grand logothète, fit connaître à celui-ci l’erreur que contenait l’ouvrage de Marc et montra la même erreur dans le tome du patriarche. Le bruit

s’en répandit vite et vint aux oreilles de l’empereur que certains rapports avaient déjà mis au courant des attaques dirigées contre l’orthodoxie du tome. Les amis de Georges le pressèrent en conséquence de retoucher ce document. Il s’y refusa, prétendant qu’aucune faute ne s’y trouvait, et écrivit même plusieurs opuscules pour défendre son orthodoxie en sacrifiant allègrement son disciple Marc.

Les attaques devenant toujours plus vives et des évêques influents, entre autres celui d’Éphèse, ayant pris parti contre le patriarche, Andronic fit entendre à celui-ci que le bien de la paix réclamait qu’il abdiquât sa dignité. Il obéit, mais à demi seulement, en déclarant dans un discours au peuple que, si son départ ne mettait pas fin aux discordes, il reviendrait la vengeance à la main. Il se retira au monastère de l’Hodéglitria d’où il continua à conduire les affaires de l’Église et à répondre aux accusations élevées contre son tome. Il ne voulait consentir à signer son abdication qu’en échange d’un certificat d’orthodoxie entouré de toutes les garanties. La chose se fit au grand palais dans un synode solennel où se trouvaient l’empereur, tout le sénat, presque tout le clergé et un très grand nombre de moines. On mit toute la faute au compte de Marc, on déclara que le patriarche n’avait rien à se reprocher sur la foi et qu’il était orthodoxe, puisqu’il avait repoussé le libelle de Marc ; mais on ne lui demanda aucune rétractation, aucune explication. Georges signa alors son abdication (vers juin 1289) et se retira au petit monastère d’Aristine, contigu à celui de Saint-André in Crisi.

L’opinion générale persistait toutefois à réclamer la correction du tome : le basileus réunit à cet effet les personnages les plus sages et les plus instruits. De nombreuses séances ne parvinrent pas à les mettre d’accord. A la fin, ils décidèrent de supprimer complètement la citation importune, estimant préférable de laisser sans explication le passage du Damascène que d’en fournir une qui mît la foi en péril. (Le texte du tome nous est parvenu dans son intégrité, sans la suppression.) Au fond, on voulait éviter de donner raison à Veccos. Tandis que les arsénistes réclamaient la condamnation pure et simple de la « procession par le Fils », d’autres, combattus par Georges de Chypre dans son Apologia pro tomo, présentaient du texte litigieux une interprétation qui faisait de Sià Aôyou, oY Yîou, l’équivalent de CTÙvAôyw, xz-% toùTîo-j, àfxx tco Tito : tant il était difficile de trouver aux paroles du Damascène un sens naturel autre que celui de Veccos. Celui-ci sortait victorieux du débat, mais personne ne voulait en convenir. On fit le silence sur cette question, puisque satisfaction était donnée aux orthodoxes par l’éloignement de Georges et la condamnation de Marc, et que le péril d’erreur paraissait écarté par la suppression du texte dont on discutait et de son exégèse dans le tome incriminé. Veccos, dont l’intervention avait causé la chute du Chypriote, n’exerça dès lors plus d’influence sur l’opinion. Il resta inébranlable jusqu’au bout, et mourut en prison en mars 1297. Il laissait un témoignage de sa foi dans son testament, qu’il signait ainsi :, « Jean, humble archevêque de Constantinople par la miséricorde de Dieu, mais condamné, pour avoir soutenu le vrai dogme des Pères, la procession du Saint-Esprit du Père par le Fils, à l’exil et à la prison jusqu’à la mort. » P. G., t. cxli, col. 1032 b. Ainsi finit l’homme qui eût pu sauver l’union, si l’union eût pu être sauvée. Constantin Méliténiote et Georges Métochite survécurent quelque temps à leur patriarche, et, quand à leur tour, la mort vint les prendre, les derniers vestiges de l’union de Lyon disparurent. Sur la date de la mort de ces trois personnages, voir V. Laurent, Note sur la date de la mort de Jean Veccos, dans Échos d’Orient, juillet-