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1371 LYON (1er CONCILE ŒCUMÉNIQUE DE). ŒUVRE DU CONCILE

concilio, comme l’ont plusieurs décrets du concile. A vrai dire, observait-il, le pape déclare que son décret est rendu cum fratribus et sacro concilio deliberatione prœhabita diligentt, mais autre chose est d’avoir délibéré avec les évoques et d’avoir pris leur conseil, autre chose d’avoir rendu un décret de par l’autorité du concile, avec son approbation. Dans les conciles, tout ce qui est « ecclésiastique », ecclesiastica omnia quanlicamque sint ponderis, ou, comme il s’exprime plus loin, p. III, t. VII, c. xxxv, vere et liquido ecclesiastica, est promulgué par l’autorité commune et avec l’approbation du saint concile ; mais quoe præsenle tantum concilio fieri dicuntur habere ea non debemus pro ecclesiasticis. Ce qui est vraiment « ecclésiastique » et livré par le Christ est éminemment dans Pierre et ses successeurs, mais se trouve aussi dans tous les évêques, et dans l’épiscopat entier il y a un pouvoir unique, car il n’est rien que, sous le pape et avec lui, ne puissent faire et décréter ses coévêques ; les papes montrent donc que le pouvoir de déposer les rois, qu’ils exercent à eux seuls, n’est pas « ecclésiastique ». — Fleury, Histoire ecclésiastique, t. XXXII, an. 1245, Paris, 1714, t. xvii, p. 313, veut, à son tour, qu’on observe « que, dans le titre de la sentence, le pape dit seulement qu’il la prononce en présence du concile, mais non pas avec son approbation, comme dans les autres décrets. » Par ailleurs, « le pape prétendait avoir un droit particulier sur l’empire d’Allemagne », et le royaume de Sicile « était un fief mouvant de l’Église romaine ; ainsi continue Fleury, la déposition de Frédéric II ne doit point être tirée à conséquence contre les autres souverains, outre que la puissance ecclésiastique en général ne s’étend point sur les choses temporelles ». Cf. Jean de Paris, cité par Bossuet, p. I, t. IV, c. ix. — Mêmes arguments dans Noël Alexandre, Hist. eccl., t. viii, p. 297-301. Ce dernier se donne beaucoup de mal pour excuser « d’un zèle qui ne fut pas selon la science » ses frères les dominicains chargés de publier la sentence contre l’empereur, et va jusqu’à dire que, si la plus grande partie des évêques avaient souscrit à la déposition, il resterait qu’on pourrait douter de l’œcuménicité du concile, l’Église n’y ayant pas été suffisamment représentée. Donc, si les évêques n’ont pas souscrit à la sentence, pas de difficulté, le concile est œcuménique ; mais, si la majorité l’avait souscrite, l’œcuménicité deviendrait douteuse. Décidément, Noël Alexandre fait flèche de tout bois. Du reste, cet auteur concède que Frédéric II fut justement excommunié, justement privé du royaume des Deux-Siciles qu’il tenait en fief de l’Église romaine, et des droits mixtes qui font des princes des évêques ad extra. Mais ni le pape, ni le concile ne pouvaient le priver de ses droits purement temporels dans les domaines qu’il n’avait pas reçus en fief de l’Église. Une preuve que la sentence était l’œuvre non du concile mais du pape, c’est que sa lecture, d’après Mat.hieu Paris, p. 910 « fut comme un coup de tonnerre accompagné d’éclairs et remplit tout le monde de crainte ». Bien plus, pour Van Espen, Scripia omnia, t. iv, p. 101, cette émotion prouve clairement sententiam hanc nequaquam a Palribus concilii prævia deliberatione conceptam et conclusam fuisse sed a pontifice extra concilium prseconceptam in concilio promulgatam.

Toutes ces explications contredisent les textes. La sentence est bien l’œuvre du concile et du pape. Elle a été portée en plein concile, sans qu’aucun des Pères ait réclamé, — il n’y eut de réclamations que lors du renvoi de la iiie session — sans que Thaddée, qui en appela au futur concile, songeât à en appeler du pape aux Pères du concile présent. Elle a été, n’en déplaise à Van Espen, précédée d’une délibération diligente : cum fratribus et sacro concilio deliberatione

prœhabita diligenli, lisons-nous dans la sentence. Cf. la lettre d’Innocent IV aux cisterciens, dans Matthieu Paris, an. 1245, p. 923, 924. Elle a été promulguée d’accord avec le concile. Nicolas de Curbio, qui fut présent au concile, dit formellement, Vita Innocent ii IV, xix, dans Muratori, Rerum ilalicarum scriptores, t. ni a, p. 592. 593, que la sentence « fut approuvée par tous les prélats, comme tout ce monde, soit à présent, soit à l’avenir, pourra s’en convaincre par leurs souscriptions et par leur sceaux qui pendent à la sentence ». Pareillement, Matthieu Paris dit, p. 920, que tous les prélats apposèrent leurs sceaux à la sentence tant ad majorem roborationem quam memoriam rei sempiternam. Cf. encore l’addition à la Brevis nota dans un ms. de Bologne, publiée par Mansi, ConciL, t. xxiii, col. 613.

Du reste, à défaut de ces témoignages décisifs, la suite des faits suffirait à montrer ce qu’il en Lit. Pendant que la sentence était fulminée, « tous les prélats avaient en mains des cierges allumés qu’ils éteignirent en déposant l’empereur excommunié, » raconte Matthieu Paris, p. 920. Le saisissement d’épouvante, la stupeur et l’horreur de tous les assistants s’expliquent par la grandeur tragique de l’acte, non par la surprise d’évêques étrangers au grand coup. Qu’on n’objecte pas que le pape dit que la sentence est prononcée « en présence du concile, mais non pas avec son approbation, comme dans les autres décrets ». Des 19 décrets du concile qui nous sont connus 4 seulement (13, 14, 17, 19) mentionnent l’approbation et un (16) l’invitation du concile ; les autres ont : statuimus (4, 9, 10, 11, 12), slatuentes (3), duximus statuendum (1, 2), decrevimus (8), providimus (15), nomment le Siège apostolique (5) ou énoncent la loi d’une façon impersonnelle (6, 7). Il en a été de même, plus ou moins, dans tous les conciles œcuméniques. Ce qui fait le décret conciliaire, ce qui le rend vraiment « ecclésiastique », ce n’est pas la formule : sacro approbanle concilio, c’est la promulgation en plein concile avec l’assentiment, exprès ou tacite, des Pères du concile. Sûrement elle n’a point manqué ici. Remarquons, enfin, que le droit revendiqué dans la sentence de déposition ne s’appuie pas sur un fondement humain. Frédéric II n’est pas privé des Deux-Siciles parce qu’il les tenait en fief du Saint-Siège, ni de l’Empire parce que le pape, qui couronne les empereurs, se reconnaît sur l’Empire d’Allemagne un droit particulier ; il est frappé parce qu’il est indigne, à cause de ses iniquités.

Les résultats du I er concile œcuménique de Lyon furent incomplets, mais importants.

Du côté de la croisade il n’ahoutit à rien. A la suite du concile, Innocent IV envoya deux ambassadeurs au grand khan des Mongols, dans l’espoir de conclure une entente avec ces hordes tartares, sur le compte desquelles on avait des illusions, et de s’en servir pour la réussite de la croisade. Ces premières négociations ouvraient, entre les Mongols et la chrétienté, des rapports qui devaient plus tard être utiles. Pour le moment, le seul gain de la tentative fut la très curieuse relation d’un des ambassadeurs, le franciscain Jean de Plancarpin, Historia Mongolorum quos nos Tartaros appellamus, édit. d’Avezac, dans Voyages et mémoires de la Société de géographie de Paris, Paris, 1839, t. iv, p. 603 sq. Il sut voir les Mongols et dessilla les yeux qui les voyaient trop en beau. La croisade de saint Louis, décidée avant le concile (1244). pouvait, malgré l’insuccès initial, avoir les plus heureuses conséquences si le roi de France avait reçu l’armée qu’il s’obstinait à attendre du roi d’Angleterre ou du pape. Innocent IV, dont la pensée était absorbée par l’Allemagne et surtout par les Deux-Siciles, refusa de se rencontrer avec Blanche de Cas