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LUXURE. REMÈDES


de compte. On n’est donc pas tenu d’accuser en confession l’objet des pensées ; il suffit de dire qu’on s’est arrêté volontairement sans raison ou sans raison suffisante à des pensées mauvaises qui impliquaient un danger plus ou moins grand de péché. Si l’on avait pris plaisir à la délectation charnelle ou à la pollution qui s’en seraient suivies, il faudrait aussi déclarer ce plaisir consenti ; car les pensées impures ne sont coupables qu’en raison du danger qu’elles impliquent et auquel on s’expose librement sans raison suffisante. La délectation charnelle et la pollution, par contre, sont mauvaises en. elles-mêmes ; y prendre plaisir est donc un nouveau péché.

2. Délectation morose.

Par délectation morose, en général on entend la complaisance volontaire (sans désir) dans un objet (acte ou chose) qu’on se représente en imagination. Voir, pour les principes, l’article spécial, t. iv, col. 245 sq.

Appliquée à notre matière, la délectation morose est une complaisance volontaire de re turpi. Cette délectation, comme toute délectation morose, contracte la gravité et l’espèce de l’objet (res turpis) représenté. Revêt-elle aussi la malice des circonstances de l’objet ? Sur ce point les théologiens ne sont pas d’accord. Sans doute, si la délectation se porte aussi sur les circonstances, elles influent sur la malice du péché ; si elle ne s’y porte pas, elle n’en contracte pas la malice. Or, comme la délectation morose fait abstraction de l’exécution de l’acte mauvais représenté en esprit, elle peut aussi faire abstraction des circonstances de l’objet. Noldin, op. cit., n. 62. Cf. S. Thomas, Sum. theol, Ia-II* q. lxxiv, a. 8.

3. Le plaisir (gaudium) est la joie volontaire qu’on ressent d’un péché commis par soi-même ou par un autre. Cette joie revêt toute la malice de l’objet avec toutes les circonstances dont on se réjouit. Ceux qui se réjouissent d’un péché commis ne se le représentent pas d’ordinaire avec toutes les circonstances, mais plutôt d’une manière confuse, c’est pourquoi ils n’en contractent pas toute la malice.

4. Le désir est une complaisance dans un acte mauvais qu’on veut (désir efficace) ou qu’on voudrait (désir inefficace) accomplir.

De même que la joie, le désir contracte tout la malice de l’objet avec toutes les circonstances connues. Il est facile d’appliquer les règles sur le désir en général ù la matière présente. Inutile d’entrer dans plus de détails, notamment en ce qui concerne le désir inefficace. Voir Désir, t. iv. col. ( » Î4.

De ce qui vient d’être dit, il est clair qu’autre chose est s’arrêter volontairement, sans motif suffisant, à des pensées impures, autre chose, se complaire dans la chose (res turpis) représentée (delectatio morosa) et autre chose, se complaire dans la délectation charnelle elle-même. Os trois actes diffèrent spécifiquement. La simple délectation morose, ou complaisance dans une action indécente représentée à l’esprit, diffère, théoriquement parlant, du désir inefficace de cette action. Mais en pratique la simple délectation morose est presque toujours accompagnée d’un désir inefficace.

Ces distinctions subtiles, el pourtant très réelles, échappent souvent aux simples fidèles. Llles n’affectent donc pas leur conscience, C’est ce que se rappellera le confesseur pour ne pas se perdre en des questions superflu’s, OU mêmi uses.

Voici quelques indications pratiques. Si les pénitents s’accusent de pensées contre la chasteté, on demandera s’ils s’y sont arrêtés librement et sans raison suffisante, Dans l’affirmative, on devra demander

s ils ont eu de mauvais désirs ; sinon, il n’est pas nécessaire de demander a quoi ils ont pensé, puisque d’ordinaire Ils confondent la mauval librement

admise avec la complaisance dans la mauvaise chose pensée, et ils ne savent pas que la délectation morose tire sa malice de l’objet représenté. Il suffira donc, le cas échéant, de demander s’ils ont éprouvé des mouvements charnels et s’ils y ont consenti. Si, par contre, ils avouent que ces per.sées étaient accompagnées de mauvais désirs, le confesseur devra discrètement s’enquérir de leur objet avec les circonstances, mais ici encore il s’imposera une grande réserve pour ne pas scandaliser les pénitents et leur être inutilement à charge ; cela d’autant plus que souvent les simples fidèles ne distinguent pas suffisamment entre pensées et désirs. Noldin, op. cit., n. 62.

IV. Conséquences.

La luxure est un péché ou plutôt un vice capital, comme le prouve saint Thomas, Ila-II* 1, q. ci.ni, a. 4 et 5. A la suite de saint Grégoire le Grand, Moral., t. XXXI, c. xlv, P.L., t. lxxvi.coI. 621, il énumère huit fdles ou conséquences de ce vice.

Du côté de l’intelligence, c’est d’abord l’aveuglement, , cœcitas mentis. L’esprit du luxurieux est affaibli, il ne saisit plus dans toute leur clarté les vérités de la vie morale et chrétienne et, sous l’influence de sa passion, il se laisse parfois entraîner au rejet de la foi. Ubi cceperit quis luxuriari, incipit deviare a fide vera. lia duo committit maxima crimina, opprobria carnis et mentis sacrilegia. S. Ambroise, Epist., lvhi, P. L., t. xvi, col. 1182. Puis viennent la précipitation, Vinconstdéraiion et l’inconstance dans le jugement, car les impressions sensuelles ou charnelles le dominent. On ne prend plus le temps de réfléchir, de délibérer, d’arrêter un jugement fondé ; on n’a pas de but précis dans ses actes, on passe d’un objet à un autre sans pouvoir espérer d’aucun une satisfaction durable.

Du côté de la volonté, c’est l’amour désordonné de soi-même, amor sui. Le luxurieux ne connaît que soimême ; il ne cherche que la satisfaction de sa passion. Il devient froid et indifférent envers ceux qui l’entourent. Même l’amour charnel qu’il prodigue n’est qu’un égoïsme raffiné. Dieu qui, par sa loi morale, lui interdit les satisfactions coupables de sap : ssiondevicnl pour lui un objet de dégoût, et même de haine, odium Dei. A ant noyé dans les plaisirs charnels tout goût pour la vertu et les biens surnaturels, il ne vit que pour les biens et les plaisirs de cette terre, afjectus prœsentis sœculi, et il n’a que de l’horreur pour une félicite qui veut être acquise par le renoncement, horror futuri seceuli. Prov., v, 2 sq. ; Job., xxxi, 1 sq. ; xxxiv, 26 sq. ; Eccli., xix, 2 sq. Voilà pourquoi ce vice conduit souvent au désespoir, même au suicide ; voila pourquoi aussi le démon se réjouit tant de ce péché. Diabolus dicitur maxime gaudere de pecrato luxuriir, quia est maximæ adhærcntiæ el difficile ab eo Iwmo potest cripi. Sum. theol., Ia-II », q. i.xiiiii. ad 2° n>. Les funestes conséquences qu’entraîne ce vice pour la santé, pour la vie familiale et pour la société humaine en général, sont suffisamment connues ; inutile d’insister. Les prétendus graves Inconvénients physiologiques de la continence, que prêchent certains médecins matérialistes et des romanciers lubriques, n’existent que dans leur Imagination. Débit Essai sur la théologie morale, considérée ilans ses rapports avec la physiologie et la médecine. 5e édit.. I 1868, p. 56 sq. ; Gemelli, op. cit. c. m : Vermeersch, op. cit., n. 41 ; I-’rancotte, De quelques points de nu r<dr Ile dans ses relations avec la médecine. I.ouvain. 1907 ; D* Surbled, La nwralr dans ses rapports avec la

médecine et l’hygiène, 12e édit., Paris, 1922, t. i, p On sait que l’Église, gardienne de la morale chu

tienne, a de tout temps frappé certains crin luxure de peines Spéciales ; le (ode canonique en Contient encore aux canons 2.’t.>1-2359.

V. l’.i mi Dl’l’ai la nous entendons les moyens qui servent à contenir la concupiscence de la chair, et