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    1. LUXURE##


LUXURE. GRAVITE

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La même unanimité des théologiens, il estjvrai, n’a pas toujours existé par rapport à la gravité de ce péché. Quelques théologiens des xvie et xviie siècles, comme Caramuel, Theologia moralis fundamentalis, t. II, c. vi, fundamentum 58 ; Commentarius in regul. S. Benedicti, disp. LXIX et LXX ; Jean Sanchez, Selectæ disputationes, disp. XXI, n. 19, enseignent qu’il peut y avoir légèreté de matière dans la délectation charnelle. Cf. De Cardenas, Crisis theologiæ bipartites, tr. V, Decastitale, disp.XLV. Thomas Sanchez, Dematrimonio t. IX, disp. XLVI, n. 9, partageait aussi cette opinion ; mais il la révoqua dans son Opus morale, t. V, c. vi, n. 12 ; dans la nouvelle édition du traité De matrimonio, loc. cit., publiée à Lyon en 1654, donc quarante-quatre ans après sa mort, nous lisons : Rc bene considerala rationibusque perpensis, tanquam certissimum tenendum judicamus, nullam reperiri parvitatem materiee in delectatione venerea.

Mais le plus grand nombre des anciens, et tous les théologiens modernes s’accordent à dire que cette délectation directement voulue ou acceptée n’admet pas de légèreté de matière, au moins pratiquement parlant ; l’accord toutefois disparaît quand il s’agit d’en donner les motifs.

Quelques-uns raisonnent de la manière suivante : toute délectation charnelle, qu’elle soit intense ou légère, a son origine dans la commotio seminis, de sorte que toute délectation, même légère, est déjà un commencement de pollution, pollutio inchoata. Or, comme la pollution volontaire est de sa nature péché grave, il s’ensuit que la pollutio inchoata est également péché grave. — Billuart, Tract, de temperanlia, diss. V, de luxuria, a. 2, entre autres n’admet pas ce raisonnement, et à juste titre. Il est certain que les impubères et les vieillards qui n’ont pas de semen peuvent néanmoins exciter la délectation charnelle. Elle se produit donc, dans ce cas. sans qu’il y ait une commotio seminis, et, par le fait même, elle ne peut pas être une pollutio inchoata. Puis, comme le fait remarquer Vermeersch op. cit., n. 352, cette inchoatio peut être éloignée ou prochaine, accentuée ou modique. De quel droit étend-on la gravité de l’acte consommé à tout commencement de cet acte, même quand ce commencement n’est qu’éloigné ou léger ?

Un grand nombre de théologiens, tels que Lehmkuhl, X’oldin, proposent en substance l’argument suivant : tout ce qui expose l’homme au danger prochain de pécher gravement est péché mortel. Or, la délectation charnelle, directement recherchée ou librement acceptée, même si elle n’est que légère, expose l’homme à ce danger, car, une fois librement recherchée ou acceptée, elle entraîne naturellement et nécessairement à la délectation complète, dont la gravité est admise par tous les théologiens. — Présenté de la sorte, l’argument ne semble pas non plus absolument probant. Il n’est pas universellement vrai que toul ce qui implique un <i ; muer prochain de péché, grave soit toujours péché grave ; ainsi tel attouchement, par exemple, peut créer un (ian « er prochain de délectation charnelle complète, et peut n’être pas péché dans le concret, comme nous le verrons plus loin. On fera remarquer peut-être que les auteurs, qui donnent l’argument en question, supposent que l’acte ou l’objet dont ils parlent dans la majeure est an moins véniellenient mauvais en soi. et

non Indifférent comme un attouchement : en tout cas, Ils ne le disent pas formellement, M faudra donc, pour que la preuve soit convaincante, donner ; i l’argument la forme suivante : C’est un péché grave que de vouloir directement uni’chose mauvaise en elle-même qui Implique de s.i nature un danger prochain de péché grave. Or, la délectation charnelle directement voulue ou librement accept ée si mauvaise en elle-même, puis qu’elle est contre l’ordre établi, et elle contient

essentiellement ce danger prochain ; car, une fois voulue ou acceptée, elle entraîne naturellement et, pour ainsi dire, irrésistiblement l’homme jusqu’à la délectation complète.

La majeure, telle que nous la donnons, est inattaquable et échappe à l’objection faite ci-dessus. En effet, dès que l’acte ou l’objet est mauvais en soi, ne fùt-il que péché véniel, on ne peut plus recourir au principe du volontaire indirect, et, puisqu’il contient le danger de péché grave, cet acte ou cet objet sont aussi gravement coupables. Vermeersch, op. cit.. n. 353, ne reconnaît pas, cependant, la solidité de cet argument. Il est d’avis que le danger de la délectation complète n’est pas la raison décisive qui exclut la légèreté de matière dans la délectation charnelle. "Voici son raisonnement : Quilibet motus venereus, qua talis, ad copulam conjugalem seu ad aclum perfectum legilimum, ordinem habet essentialem : est naturale ejus initium aepreeparatio. Omni autem deliberate quæsita aut admissa delectatione venerea extra matrimonium ordo iste tollitur ; atque in solum bonum individuelle, contra relationem ad speciem, deleclatio venerea quæritur vel acceptatur. Omnis autem actus contra ordinem inducit gravem reatum, quando ordo iste essentialis est. Pour lui l’intensité de la délectation n’entre pas en ligne de compte dans l’appréciation de la gravité de la délectation, car, dit-il : Quantitatis consideratio tune utilis est, quando, propler modicam quantitatem seu intensilatem, ipsa actionis qualitas ita mutatur ut actio qu ; v contra substantiam ordinis fuisset jamnon sit nisi contra ejus integritatem, seu ordinem essentialem accidentaliler tantum violet… In quolibet autem usu venereorum extra matrimonium, continetur ea inversio ordinis essentialis qua actus speciei quasi opus singularis hominis exercetur, et ratio passione abripitur ad violandam subordinationsm qua homo ut pars speciei sub specie constitutus est.

2. Décisions ecclésiastiques.

A l’appui de la doctrine qui nie la légèreté de matière dans la délectation charnelle, les auteurs invoquent d’ordinaire l’ordre donné par les papes Clément VIII et Paul V de dénoncer à l’Inquisition ceux qui prétendent que le baiser donné, l’embrassement et l’attouchement faits en vue de la délectation charnelle ne sont pas péchés mortels. Plus souvent encore on cite la proposition condamnée, au moins comme scandaleuse, par Alexandre VII en 1666 : Est probabilis opinio, quee dicit, esse tantum veniale osculum habitum ob delectationem carnalrm et sensibilem. quæ ex osculo oritur, seeluso periculo consensus ultcrioris et pollutionis. Denzinger-Bannwart, n. 1140. — L’ordre donné par Clément VIII et Paul V et la condamnation portée par Alexandre VII équivalent-ils à une réelle réprobation de la thèse qui affirme la légèreté de matière dans la delectalio carnatis ? Il semble que non. Une proposition est condamnable dès qu’elle contient une seule erreur. Or, dans la proposition condamnée, on ne distingue pas entre délectation forte et légère, et il est certainement faux de dire qu’il est probable que toute délectation, même une forte délectation, n’est que péché véniel. Pour la même raison. Clément V 1 1 1 et Paul V pouvaient émettre l’ordre ment ion né ri —dessus. En outre, il faut noter que, dans celle proposition,

il n’est question que de la délectation recherchée, et

qu’il n’y est pas fait mention de la délcel al ion simplement accept i

On doit rappeler ici que le P. Aquaviva. général de la Compagnie de.lésus. : i ; iil déjà publie en 1612 le

décret Buivant : Quia nonnullorum opinio, qui docent etiam in rr venerea exiguam allquam delectattonem deliberate qutesttam propter levitatem materiee exeusart a do mortalt, plurtmum obeese posset non solum bonté ttmatlonl, ted etiam purttatt morum… et